C’était trop beau pour être vrai. La RDC a été prise dans un piège tactique des envahisseurs rwandais et leurs supplétifs au Kivu. La trêve surprise annoncée à grand renfort de publicité par les Etats-Unis le 5 juillet 2024, qui devait s’étendre sur 14 jours, n’a pas tardé à être violée par la coalition RDF-M23. Avant que les humanitaires n’aient eu le temps d’entrer en action pour secourir les millions de déplacés recensés dans la région. Au lieu des secours vantés, ce sont des véhicules de transport de troupes rwandaises que l’on a vus sillonner la région, selon la société civile locale.
Jusqu’au 14 juillet, 5 jours avant l’expiration de la trêve fixée au 19 du même mois, les humanitaires en étaient encore à évaluer les besoins et difficultés de sa mise en oeuvre. «Les premières évaluations ont ressorti des besoins en sécurité alimentaire, donc de la nourriture, des besoins également en eau, hygiène et assainissement, des besoins en abri, mais également de l’assistance en protection. Il y a aussi la question des violences basées sur le genre parce que du fait des mouvements des populations, il y a des personnes qui sont victimes de violences sexuelles et il faut vraiment leur apporter assistance», expliquait encore sur RFI, Zakaria Tarpouga, directeur pays de l’ONG DanChurchAid. Face à la difficulté de la tâche, il ne se faisait guère d’illusions, du reste. «Il y a besoin d’une trêve permanente pour la paix et la sécurité. Que les combats s’arrêtent», a-t-il déclaré.
Violations dans le Masisi
Si un calme relatif a pu être observé du côté de Kanyabayonga, commune rurale récemment conquise par les armées rwandaises (et ougandaises selon certaines sources) ainsi que le M23, il en a été tout autrement dans le Masisi, à Rutshuru et Nyiragongo.
L’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 avaient inlassablement poursuivi leurs conquêtes des espaces congolais, en prenant le contrôle du village de Nyange (groupement Bashali Mokoto). En poursuivant l’offensive ainsi lancée vers la localité de Bibwe située non loin de Kitso, les agresseurs visaient manifestement la cité de Masisi-Centre qui échappe encore à leur contrôle. 24 heures plus tard, le 12 juillet, ils ont attaqué les positions des FARDC à Bweru ainsi qu’à Mahoko, près de Nyange et Lwama dans la même chefferie.
Deux camions remplis de munitions et un autre transportant des militaires rwandais avaient été aperçus par les populations, traversant la frontière de Kabuhanga dans le territoire voisin de Nyiragongo. «On attend que les combats soient terminés pour descendre. Et clairement, maintenant, le but de notre visite sera différent, car nous allons devoir chercher à amener les médicaments pour les urgences et pour tous les blessés qu’il y aura, parce qu’il y a eu des combats très lourds dans la zone. Malheureusement, ces combats sont signalés dans des villages très populeux», confie Marco Doneda, chef de mission adjoint de Médecins sans frontières (MSF).
Renforts militaires, pas humanitaires
Dans le village de Bindja/Bwito (Rutshuru), des affrontements opposant l’armée rwandaise et ses supplétifs du M23 aux FARDC ont été signalés samedi 13 juillet 2024.
Le 15 juillet, Kamonyi, Butumbalonge et Bifura (Groupement de Bashali Mukoto) se retrouvaient sous les feux des agresseurs rwandais désireux de progresser vers Lukweti et ses environs. De même que depuis 4 heures du matin, les positions FARDC de Mupfunyi Shanga (territoire de Masisi) subissaient une attaque en règle.
A Bweremana, un obus tiré par les RDF-M23 le 15 juillet 2024 a fini sa course non loin du bureau de la chefferie, tuant 3 enfants et blessant 6 autres personnes. Bis repetita, le 16 juillet, un autre obus tuait 1 élément FARDC et blessait 8 personnes, dont 4 militaires, 3 femmes et 1 enfant, alors que d’intenses affrontements étaient signalés à Ndumba, Kabase et Mushirwa.
Au moins 7 personnes sont mortes et 8 autres blessées de lundi 15 à mardi 16 juillet 2024 à Bweremana (territoire de Masisi), selon la société civile.
La trêve humanitaire prétendument imposée par les Etats-Unis et acceptée par Kigali et Kinshasa n’aura donc tenu que moins d’une semaine avant d’être violée par Kagame. Sans vraiment surprendre les observateurs qui s’y attendaient, plutôt.
Dans sa guerre d’invasion contre son voisin rd congolais depuis près de 3 décennies, l’homme fort de Kigali a plutôt brillé par le plus grand dédain des accords auxquels il souscrit au nom de son pays. De telle sorte que d’aucuns se demandent si la trêve humanitaire annoncée aussi soudainement par l’administration Joe Biden pouvait produire l’effet escompté. Etant donné que sur le terrain des affrontements au Nord-Kivu, les troupes rwandaises, déterminées coûte que coûte à accaparer une portion du Kivu pour y installer des colonies de peuplement, n’avaient d’autres ressources que d’en faire une trêve tactique à leur avantage militaire.
Trêve à l’avantage du Rwanda
La position du gouvernement américain, connu pour être favorable à la principauté militaire installée au pouvoir à Kigali depuis 1994, ne pouvait rimer avec les intérêts de la RDC.
Alors que Kinshasa sollicite une aide appuyée de la MONUSCO pour la force de la SADC (SAMIR RDC) engagée contre l’envahisseur rwandais, Washington s’y est opposé sous prétexte qu’un tel soutien «pourrait compromettre une solution politique à la crise dans l’Est de la RDC. Les Etats-Unis soutiennent un appui limité à la mission de la SADC et insistent sur la nécessité de désescalade et d’une solution politique au conflit», a déclaré Stéphanie Sullivan, représentante américaine aux Nations Unies au cours d’une réunion du Conseil de sécurité.
Cette demande de soutien adressée conjointement par la RDC et la SADC depuis avril 2024, avait poussé le secrétaire général de l’ONU, après consultations des parties, à proposer trois options : renforcement de la coordination; échange d’informations et assistance technique dans le cadre du mandat actuel de la Monusco ; utilisation limitée des moyens logistiques et des capacités militaires de la Monusco (appui en moyens aériens limité aux évacuations sanitaires, au transports terrestres pour faciliter les mouvements du commandement et des troupes de la SADC et échanges de renseignements) et fourniture d’un soutien plus complet de l’ONU à la mission de la SADC (facilitation du déploiement et des rotations des troupes, notamment).
Toutes ces solutions ne découragent ni n’interdisent l’agression caractérisée dont fait l’objet la RDC, un Etat membre de l’ONU de la part d’un autre Etat membre, le Rwanda, depuis bientôt 3 ans. Le parti pris est flagrant.
J.N. AVEC LE MAXIMUM