Un nouvel incident est venu enrichir les relations déjà aigres-doux entre la hiérarchie de l’église catholique romaine de la RDC et le gouvernement. Les faits se sont déroulés à l’aéroport international de Ndjili à Kinshasa, lorsque le cardinal Fridolin Ambongo, archevêque de l’archidiocèse de Kinshasa, s’est vu refuser l’accès du principal salon VIP des installations aéroportuaires, le 14 avril 2024. Redirigé vers le second salon VIP situé non loin du parking également VIP de l’aérogare (réservé aux patrons d’entreprises et autres personnalités de même rang), le prélat a été soumis aux formalités d’usage : relevé d’empreintes, photographies … dont il était courtoisement dispensé jusque-là. Ça n’a pas plu. Parmi les membres du clergé catholique particulièrement, mais aussi un certain nombre d’acteurs politiques de l’opposition, des organisations de la société civile et une partie de l’opinion.
Dans un communiqué publié le même jour, la chancellerie de l’archidiocèse de Kinshasa a condamné avec «la dernière énergie le traitement dégradant que les services aéroportuaires officiels ont réservé à son éminence le cardinal Fridolin Ambongo qui se rendait à Rome» qui, en tant que cardinal de la Sainte église romaine est détenteur d’un passeport diplomatique qui lui accorde un statut qui lui a toujours été reconnu.
Qui sème le vent, récolte la tempête
Néanmoins, dans l’opinion à Kinshasa en particulier et en RDC en général, nombreux sont les compatriotes de Fridolin Ambongo qui estiment que le prélat ne récolte que ce qu’il a si hardiment semé. Dimanche 31 mars 2024, le primat de l’Église catholique romaine en RDC s’était fendu d’une diatribe anti-gouvernementale pour annoncer la résurrection du Christ. Dans l’antre de Dieu de la commune de Lingwala plein à craquer, le cardinal n’y est pas allé de main morte. Réputé pour sa détestation viscérale du pouvoir tshisekediste qui vient de rempiler brillamment pour un second mandat consécutif de cinq ans à la tête du pays, il n’a pas fait dans la dentelle pour cibler ses adversaires et le pays qu’ils dirigent. Ce qui a fini par incommoder plus d’un, y compris parmi les fidèles catholiques les plus endurcis, parmi lesquels se comptent de fervents tshisekedistes.
Commentant l’agression de la République Démocratique du Congo par le Rwanda et la situation sécuritaire et humanitaire qui en découle dans la province du Nord-Kivu, Fridolin Ambongo a vertement critiqué les dirigeants politiques du pays et l’armée nationale. «Nous tenons ici des discours comme si nous étions forts. La réalité est que le Congo n’a pas d’armée (…) Pendant que nous tenons des discours, les autres occupent notre pays. Ils sont en train de venir, ils avancent (…) Notre pays n’a aucune force pour défendre l’intégrité de son territoire. Un éléphant aux pieds d’argile… », s’est écrié l’archevêque de Kinshasa dans un exercice de persiflage qui a beaucoup gêné ceux des fidèles qui nourrissaient de fermes espoirs d’amélioration de la situation sur la ligne de front. Ambongo avait littéralement béatifié la rébellion en trouvant des excuses à ceux qui avaient pris le parti de lever les armes contre leur pays. Sous prétexte de jouer en cela le «rôle prophétique de l’église», selon une expression justificatrice des diatribes cardinalices du communiqué de la chancellerie de l’archidiocèse de Kinshasa.
Rôle prophétique ou rôle apocalyptique ?
Selon certains observateurs, ci-git le problème, récurrent, entre la hiérarchie de l’église catholique romaine de la RDC et les pouvoirs temporels établis. «Le fameux rôle prophétique» des pères de l’église catholique se distingue de moins en moins d’un « rôle apocalyptique ». «Les évêques apparaissent de plus en plus comme de véritables prophètes de malheur», explique un prêtre catholique d’une paroisse périphérique de Kinshasa, sous le sceau de l’anonymat.
Il reste que l’incident protocolaire du 14 avril à l’aéroport international de Ndjili a soulevé un torrent de commentaires en sens divers, qui est loin de rehausser les blasons, plutôt ternis de ces protagonistes de l’arène politique en RDC. Les partis politiques de l’opposition connus pour leur proximité avec le prélat ont vivement condamné l’attitude des autorités rd congolaises. Certaines organisations de la société civile également. Dans une tribune publiée dans les médias et largement diffusée sur les réseaux sociaux, l’Abbé Germain Nzinga poursuit le bras de fer église catholique – gouvernement congolais en en appelant à l’observance et au respect des textes juridiques congolais. Ils reconnaissent aux évêques catholiques le statut d’honneur avec rang de ministre, selon lui. Ce prêtre catholique rd congolais qui exerce son ministère à l’étranger trahit ainsi un attachement aux honneurs tout humains qui n’est pas sans heurter nombre de chrétiens, moralement. D’autant plus qu’en retour, les fameux «ministres» ne prévoit nul statut analogue pour les autorités politiques qui accordent ces équivalences honorifiques aux évêques prophétiseurs.
Sur les réseaux sociaux, il en est des Congolais qui s’adonnent à cœur joie aux railleries sur le cardinal Ambongo. A l’instar de ce monsieur Elonga, qui soutient que «même à l’aéroport Léonardo da Vinci-Fiumicino de Rome, les cardinaux font la queue comme tout le monde. Je l’ai vu plusieurs fois lors de mes transits et voyages à Rome. Pourquoi ce type veut-il un traitement de faveur ?», écrit-il. Alors qu’Alexis Mutombo de Kinshasa, estime que «le cardinal Ambongo a toujours dit qu’il est solidaire du peuple qui souffre. Maintenant on lui épargne de fréquenter le salon VIP des voleurs pour aller du côté du peuple, il commence à pleurer. La pauvreté est bonne quand on en fait un fond de publicité pour sa personne et non quand on la vit».
A l’évidence, la côte du prélat apocalyptique n’est pas en hausse dans l’opinion.
J.N. AVEC LE MAXIMUM