Les bailleurs de fonds occidentaux ne tarissent pas de stratagèmes pour fournir au Rwanda les moyens de sa subsistance et de sa politique d’exportation des tueries de masses. Parmi ces soutiens indéfectibles du régime dictatorial en place à Kigali, le Royaume Uni, qui a signé en avril dernier un accord plus que controversé. Il porte sur l’envoi au Rwanda des migrants ayant illégalement franchi les frontières britanniques. Le projet, qui heurte aussi bien le bon sens le plus élémentaire que les sacro-saints principes démocratiques et de respect des droits de l’homme tant vantés, fait face à une vague de contestations. Après un premier rejet par les instances judiciaires britanniques, Londres et Kigali ont finalement signé, début décembre dernier, une version légèrement différente de la première.
Le projet d’exportation de migrants vers le Rwanda est conçu pour s’étendre sur cinq ans. Il prévoit que Londres verse à Kigali 160 millions d’Euros en contrepartie de son «hospitalité». Un pactole destiné au financement de l’aide au développement et à la prise en charge des migrants expulsés, selon les contractants.
Seulement, quoiqu’aucun migrant n’ait encore foulé le sol du pays des mille collines, Londres a déjà entrepris de perfuser l’économie du pays de Kagame. A un rythme qui épouse dramatiquement les contours des conflagrations armées initiées par Kigali. Au Royaume Uni, des médias indépendants s’émeuvent de cette situation et dénoncent. Le Rwanda a provoqué le déplacement de près d’un million de personnes depuis la signature de l’accord d’asile avec Londres, apprend-on. Allusion ainsi faite à la résurgence miraculeuse du M23, un groupe rebelle soutenu par Kigali (selon des rapports d’enquête onusiens), militairement vaincu depuis 2013. Après que des organismes internationaux (occidentaux, en fait) et des gouvernements dont celui du Royaume Uni eurent suspendu leurs aides financières au bénéfice du Rwanda. Elles représentaient quelques 35 % du budget national rwandais, tout de même. On se souvient qu’il y a quelques années, comme par enchantement, Bosco Ntaganda, un des chefs militaires du groupe rebelle, s’était rendu à l’ambassade américaine de Kigali avant d’être transféré diligemment à la Cour pénale internationale où il a été jugé et reconnu coupable de 18 chefs d’accusation de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité commis en RDC.
Aucune mesure de rétorsion
Depuis novembre 2021, le M23 s’est donc lancé dans une nouvelle aventure militaire en RDC, avec le soutien plus avéré encore de Kigali et de son armée. Les assaillants ont pris possession de pans entiers du territoire congolais au Nord-Kivu et menacent de rééditer l’exploit d’occuper Goma, le chef-lieu de la province, déjà pris en étau depuis plusieurs mois. Cette fois-ci, Kagame semble farouchement résister aux pressions internationales qui fusent en raison du drame humanitaire provoqué par sa énième agression du voisin congolais. Grâce à l’indéfectible soutien politique et financier du Royaume Uni, manifestement. En effet, de toutes les capitales occidentales, seul Londres s’est gardé jusqu’à présent de condamner l’invasion, les tueries et les déplacements de masse provoqués par le M23. «Le gouvernement britannique a activement renforcé son soutien à Kigali – et Kigali a accru son soutien au M23, ignorant les préoccupations du Haut-commissaire britannique au Rwanda en matière des droits de l’homme et les avertissements du ministère des Affaires étrangères… », lit-on dans la presse anglo-saxonne.
12O millions de Livres pour Kigali
Il est ainsi rappelé qu’en mars 2022, c’est après que le M23 eut attaqué un hélicoptère de la MONUSCO et provoqué le déplacement de 92.000 civils au Nord-Kivu que le Royaume Uni avait annoncé publiquement l’accord de réinstallation de migrants au Rwanda. Avant de débloquer, le 14 avril de la même année, un premier financement de 120 millions de Livres Sterling en faveur de la principauté militaire de Kigali.
De l’autre côté de la frontière, au Nord-Kivu, les atrocités commises par les escadrons de la mort de Kagame se sont intensifiées. En mai 2023, le Rwanda a envoyé 1.000 éléments RDF soutenir une offensive majeure du M23 afin de s’emparer d’un certain nombre de territoires congolais. L’opération a provoqué le déplacement de plus de 70.000 personnes supplémentaires, selon ces sources. Cette campagne de destructions et de violences effrénée à l’Est de la RDC fut notamment marquée par les massacres de Kishishe où 14 charniers furent découverts et documentés par les enquêteurs onusiens.
Aucune d’utilisation à des fins de développement
En octobre 2023, 18 mois après la signature de l’accord entre le Royaume-Uni et le Rwanda, alors qu’aucun migrant n’avait encore foulé le sol rwandais, près d’un million de Congolais avaient été contraints à l’errance. Et Londres avait déjà versé plus d’un quart de milliards de Livres sans se soucier d’en faire clarifier l’usage par Kigali. Interrogé sur le sujet, un porte-parole du ministère britannique de l’Intérieur a expliqué que l’argent versé au Rwanda était «destiné» à divers secteurs de développement sans pouvoir préciser si ces fonds avaient effectivement été utilisés à cette fin, note-t-on. De même qu’il n’a pas pu citer un seul projet précis financé par le MEDP ou le Fonds de transformation et d’intégration économique (ETIF).
Tandis que «le gouvernement britannique n’a pas encore divulgué d’informations sur la manière dont le Rwanda a dépensé les 240 millions de livres sterling versés ou précisément sur ce qu’il fera des dizaines de millions supplémentaires promis cette année».
Pire, la presse britannique révèle qu’une visite pour promouvoir le projet d’envoi des migrants à Kigali, en mars 2O23, n’avait pas permis de s’assurer de la destination des fonds versés dans l’érection d’un lotissement nouvellement construit à cet effet. «Nous avons fourni un financement pour aider à couvrir l’hébergement, mais les emplacements exacts relèvent du gouvernement rwandais», s’est contenté d’ânonner un porte-parole du ministère de l’Intérieur britannique.
De quoi alimenter les spéculations autour de l’usage réel des millions de Livres Sterling gracieusement et malicieusement offerts par Londres à Kigali.
J.N. AVEC LE MAXIMUM