Le 4ème cycle électoral de la RDC, organisé pour une fois à date n’a pas échappé à la pratique qui veut que chaque scrutin soit plus ou moins bruyamment chahuté dans une certaine opinion.
Sans surprise pour les observateurs avertis, la présidentielle organisée en même temps que les législatives nationales et provinciales ainsi que l’élection des conseillers communaux des chefs-lieux des 26 provinces à partir du 20 décembre 2023 ont consacré la victoire du président de la République sortant, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. L’opposition politique a aussitôt embouché les trompettes d’une contestation devenue rituelle de la victoire du gagnant porté par l’Union sacrée de la Nation (USN) et ses nombreux alliés. Seul changement au tableau: le silence inhabituel de l’église catholique qui avait largué sur le terrain quelques 25.OOO observateurs dont les rapports avaient constaté l’avance remarquable d’un candidat sur les autres plusieurs jours avant la proclamation des résultats par la Commission électorale nationale indépendante (CENI). Autant d’ailleurs que la quasi-totalité des missions d’observations électorales internationales déployées en République Démocratique du Congo. Seul hic, les dysfonctionnements pratiques et délictueux qui ont émaillé le déroulement des scrutins (retard dans l’acheminement du matériel électoral, vol des dispositifs électroniques de vote, violences …) et qui, sévèrement sanctionnés par la CENI, se sont avérés peu susceptibles d’influer sur le résultat final.
Tollé sur les législatives
Restent cependant, les résultats des législatives qui demeurent très contestés, en raison, notamment, de soupçons de bourrages des urnes suggérées par le nombre de dispositifs électroniques de vote (DEV) qui se sont retrouvés entre des mains de particuliers dont certaines mauvaises langues disent qu’ils n’ont pas été tous listés par la centrale électorale. Sur le sujet, la CENI a beau expliquer les mécanismes anti-fraude contenus dans ses machines, de véritables mini-ordinateurs calibrés pour signaler tout usage peu orthodoxe, rien n’y fait. A ces appréhensions s’ajoutent les difficultés qu’éprouvent et manifestent nombre de candidats malheureux qui ne maîtrisent manifestement pas les calculs des seuils électoraux ainsi que la nature intrinsèque du scrutin proportionnel de liste avec le plus fort reste imposé par la loi électorale.
Plusieurs semaines après la proclamation des résultats provisoires des législatives, moult plaintes et dénonciations ont continué d’atterrir sur la table du juge du contentieux électoral. Cela concerne même des membres d’un même regroupement ou parti politique. Des réactions dont l’ampleur était prévisible.
Ce sont quelques 477 élus nationaux qui ont été proclamés par la CENI, sur 23.500 candidats. 23.023 candidats à la députation nationale auront donc échoué aux dernières législatives. Normal dès lors que des plaintes fusent çà et là.
Nul n’est parfait
D’autant plus que la CENI ne s’en cache pas. La cuvée électorale de 2023 n’a pas été un long fleuve tranquille. «Les erreurs ne sont pas totalement à exclure, les cours et tribunaux sont là pour corriger de tels cas», a déclaré sobrement, Denis Kadima, le président de l’institution d’appui à la démocratie en charge des élections. A l’occasion de la publication des résultats des législatives provinciales, le 21 janvier 2024, le successeur de Corneille Nangaa Yobeluo à la tête de la CENI a encouragé les candidats qui s’estiment lésés à la suite de la publication des résultats provisoires à saisir les instances judiciaires compétentes, tel que recommandé par la loi électorale en vigueur. «La CENI s’est efforcée de réaliser un bon travail mais les erreurs ne sont pas totalement à exclure, toute œuvre est perfectible et nous ne prétendons pas à l’absolu (…) Les récriminations, voire, les accusations sur les réseaux sociaux ou les canaux non indiqués sont tout à fait contre-productrices», avait-il déclaré dans son discours de circonstance.
Réminiscences négatives
Néanmoins, il demeure des cas qui étonnent et ternissent quelque peu l’image de la centrale électorale congolaise. Entre autres, ceux de ces nombreux candidats membres de familles ou proches des membres du bureau de la CENI, proclamés élus. Une pratique qui remontent à l’époque du pasteur méthodiste Daniel Ngoy Mulunda dont le fils avait été miraculeusement et ostentatoirement proclamé élu dans le Grand Katanga. Sous Christophe Nangaa Yobeluo, ce ne fut pas mieux puisqu’il est quasi unanimement allégué que le successeur de Ngoy Mulunda à la tête de la CENI aurait nommé une partie des députés de la mandature 2018. Y compris son épouse et son beau-père, selon des sources.
Au quartier général de la CENI à Kinshasa, l’usage semble ainsi s’être ancré : chaque membre du bureau s’attribuerait la ‘‘nomination’’ d’au moins deux députés nationaux au détriment des vrais vainqueurs des scrutins, a confié une source à nos rédactions. Ce qui donne lieu à la présence de plus d’une dizaine de députés nationaux non régulièrement élus dans l’hémicycle à chaque mandature. Autrement dit, les membres du bureau et de la plénière de la CENI, qui ne renoncent nullement à leurs activités politiques, s’évertuent à placer chacun un ou deux députés nationaux de leur obédience.
Selon les mêmes sources, les membres du bureau de la CENI sont rien moins que gâtés. «Ils ont bénéficié de villas neuves dans le quartier chic en face du Stade des Martyrs, non loin du Robot qui régule la circulation à l’entrée du boulevard Triomphal. Sans compter de nombreux autres avantages financiers et matériels», rapporte-t-on.
Bis repetita en 2023
Ces allégations semblent confirmées, à en juger par certains patronymes des députés nationaux proclammés élus ainsi que les dénonciations publiées dans certains réseaux sociaux. Interrogé sur la question par nos confrères de Top Congo FM, le Dr. Didi Manara, 2ème vice-président de la CENI, a implicitement reconnu les faits en révélant que seuls 20% de candidats pouvant être considérés comme proches des membres du bureau avaient été proclamés élus. Tout en indiquant que légalement, rien n’interdit à un membre de famille d’un membre de la CENI d’entretenir des ambitions politiques.
Seulement, rien n’interdit non plus à l’opinion de croire que les élus proches des membres de la centrale électorale pourraient avoir bénéficié de faveurs et attentions particulières. Et c’est là où le bât blesse.
Une vidéo devenue virale sur les réseaux sociaux montre un membre du bureau de la CENI accueilli en triomphe à son retour chez lui après la proclamation des résultats des législatives, par son fils et son épouse, tous deux proclamés élus. «Cela est proprement révoltant», confie au Maximum un candidat malheureux de la circonscription de Kinshasa I (Lukunga).
Des cas qui donnent le change
Certes, des proches des membres du bureau ont également échoué à l’issue des dernières législatives, à l’instar d’un certain Blaise Nsana Kadima candidat n°443 dans la circonscription de Ngaliema que l’on dit apparenté au patron de la CENI lui-même. Ou Roselyne Mbombo Lusangu, fille du défunt professeur Lusangu Sasa, oncle paternel du président de la République qui n’a pas pu se faire élire à Mbujimayi. Ou encore Christian Nyakeru, ci-devant frère de la 1ère Dame. Dans le même cas se trouve l’UDPS Jacquemin Shabani Lukoo, directeur de campagne du président Tshisekedi qui a mordu la poussière à Kabare (Nord-Kivu). Cela donne le change.
Vraies ou fausses, les allégations de favoritisme mettant en cause les membres de la CENI ternissent l’image de l’institution. Il faudra penser à y remédier.
J.N. AVEC LE MAXIMUM