Au Congo-Kinshasa, les principaux résultats électoraux publiés, la politique politicienne a repris droit de cité. Mardi 23 janvier 2024, une coalition politique revendiquant une centaine de députés nationaux et 120 députés provinciaux a été portée sur les fonts baptismaux dans la grande salle de l’hôtel Rotana. Le «Pacte pour un Congo retrouvé» (PCR) emmené par Vital Kamehre, Tony Kanku Shiku, Julien Paluku, et Jean-Lucien Bussa est composé des regroupements politiques AA/UNC, A-B50, AAAP, CODE et CDER, tous membres de l’Union sacrée de la Nation, la plateforme présidentielle dont elle se réclame.
«Le communiqué d’annonce de l’accord politique relatif au soutien à la majorité présidentielle par la création en République Démocratique du Congo du Pacte pour un Congo retrouvé», lu à l’occasion de la sortie officielle de cette nouvelle coalition renseigne que l’accord politique signé le 22 janvier «se fonde sur les valeurs qu’incarne le président de la République, Chef de l’Etat, Son Excellence Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo». Mais aussi, qu’il a pour objet d’apporter le soutien au président de la République ; d’affirmer l’appartenance à la majorité de chaque partie prenante à cet accord ; d’apporter le soutien et le renforcement à travers les élus respectifs de chaque regroupement politique de la majorité parlementaire durant la législature en cours ainsi que l’accompagnement du gouvernement qui en sortira.
Ambitions visibles
Comme le nez au milieu du visage, les ambitions de positionnement des signataires du Pacte pour un Congo retrouvé (PCR) se dévine d’autant plus aisément que sa naissance intervient quelques jours seulement avant l’ouverture de la session extraordinaire de l’Assemblée nationale prévue le 29 janvier 2024 pour installer le bureau provisoire de la chambre basse du parlement dont le bureau définitif sera installé après l’identification de la majorité parlementaire d’où proviendra le prochain 1er ministre.
La nouvelle coalition de Kamerhe n’a pas pu ne pas prêter le flanc à de virulentes critiques à cet égard. S’expliquant à ce sujet, l’intéressé s’en défend, plutôt mollement. «Il ne s’agit pas de partage de postes. Ce pacte, c’est pour renforcer la cohésion au sein de l’Union sacrée et ramener la discipline. C’est l’obsession d’accompagner le président de la République», a-t-il déclaré aux médias. Mais rien n’y fait.
Selon les détracteurs de Kamerhe, la création de cette coalition au sein de l’Union sacrée de la Nation dérange plus qu’elle ne rassure. Parce qu’elle donne l’impression de diviser la famille politique du chef de l’Etat ou de forcer la main à ce dernier. L’on fait observer ainsi que la coalition constituée autour de Vital Kamerhe s’est aliénée la toute puissante ‘‘base’’ de l’UDPS/Tshisekedi, le parti présidentiel crédité de 69 sièges en dépit des propos appaisants du tout nouveau député national Augustin Kabuya, son secrétaire général a.i qui a rencontré à ce sujet tous les autres membres du présidium de l’Union sacrée.
Division
Interrogé sur la question, Kabuya a préféré faire dans la langue de bois en reconnaissant, grand seigneur, à chaque regroupement politique la liberté de se rassembler pour réfléchir. «Il n’y a aucun mal à ce que les hommes politiques se réunissent pour réfléchir sur leur avenir politique. Je ne peux pas empêcher les acteurs politiques de cette trempe de se réunir pour réfléchir. Les amis qui se sont réunis ne nous ont pas non plus interdits de nous concerter », a-t-il déclaré à l’issue d’une tournée qui l’a conduit auprès du MLC Jean-Pierre Bemba, de l’AFDC/A Modeste Bahati et de l’AACDR Christophe Mboso, tous membres du présidium de l’Union sacrée de la Nation non associés à l’initiative de création du PCR. Objectif des échanges avec ces différentes personnalités : réfléchir sur l’avenir de la plateforme présidentielle.
Dans l’opinion, cette tournée du patron du parti présidentiel a été interprétée comme une démarche visant la création d’une autre coalition au sein de la plateforme présidentielle afin de faire contrepoids au PCR.
Jamais un sans deux
Le même jour, des informations faisaient état de la création de la «Dynamique Agissons et Bâtissons» (DAB), un autre regroupement pro-tshisekediste emmené par le 1er ministre sortant Jean-Michel Sama Lukonde. Créditée de quelques 72 sièges à l’Assemblée nationale et d’une centaine de députés provinciaux, cette 3ème coalition est animée notamment par l’AREP Guy Loando, l’AVRP Muhindo Nzangi, l’A24, A25 et AN Fifi Masuka et l’ACO Danny Banza etc.
Dans l’opinion, d’aucuns n’hésitent plus à faire porter le chapeau de la division, voire de la dislocation de l’Union sacrée de la nation à Vital Kamerhe et ses amis du PCR. Certains allant jusqu’à soupçonner le vice-1er ministre, ministre de l’Economie sortant de sacrifier l’unité de la plateforme à ses ambitions politiques. Dans cet entendement, Vital Kamerhe lorgnerait sur la primature et tenterait de forcer le président de la République à lui confier ce poste pouvant lui ouvrir la voie pour devenir son dauphin à l’issue de son second et dernier mandat en 2029.
Positionnement ?
Ce dont s’est pourtant défendu avec véhémence cet acteur politique qui apparaît comme le meneur des troupes du PCR. «Loin de nous l’idée de positionnement politique. Nous n’en avons pas besoin. Par exemple, moi, je suis Vice-premier ministre, ministre de l’économie. Je vais me positionner où en ce moment où on ne parle même pas encore de positionnement politique. Je reste Vice-premier ministre, ministre de l’économie jusqu’à la dernière minute. Voilà ce que j’ai toujours fait avec toutes les fonctions qui m’ont été confiées», avait-il expliqué.
Même si, de son côté, Julien Paluku, un autre leader du PCR, s’estimait en droit d’expliquer que la nouvelle coalition était «une alliance au sein de l’Union sacrée de la Nation qui facilite dores et déjà le travail d’identification de la majorité parlementaire dans les assemblées nationale et provinciale». Pour ce mentor de l’A-B50, «il est souvent dit que la perspicacité d’un bon manager n’est pas nécessairement d’arriver avec des idées neuves mais d’interpréter et de traduire en actions concrètes les idées qui nous entourent depuis toujours».
Le président n’est pas lié
Le 24 janvier, l’AVRP Muhindo Nzangi Butondo, dont le regroupement politique revendique plus d’une dizaine de sièges à la nouvelle Assemblée nationale s’est mêlé à ce débat. Pour rappeler que le président de la République «n’était pas lié» par le nombre de sièges obtenus par tel ou tel regroupement et parti politique membre de l’Union sacrée de la Nation pour désigner le premier ministre. «Tout membre de l’Union sacrée a toute légitimité de pouvoir montrer ses ambitions, mais c’est le chef de l’Etat qui va désigner qui va être premier ministre. Parce que c’est l’Union sacrée qui a la majorité des députés. Il y a l’UDPS qui est en tête, (vient ensuite) notre regroupement AB avec tout ce que nous avons eu comme mosaïque. Le groupement de Vital Kamerhe (vient) en troisième position. En tout cas, le président n’est pas lié par le nombre de députés», a-t-il expliqué.
La création du PCR inquiète donc suffisamment au sein de la majorité présidentielle pour imposer la sortie des calculettes, chaque regroupement soupesant son poids sur la balance.
J.N. AVEC LE MAXIMUM