En prenant en compte les résultats partiels de plus en plus importants, Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo qui brigue un second mandat de cinq ans à la tête de la République Démocratique du Congo obtiendrait ce vendredi 29 décembre 2023 76 % des voix. Ces chiffres qui concernent probablement plus de la moitié des suffrages valablement exprimés prédestinent celui que ses partisans appellent affectueusement ‘’Fatshi béton’’ à rempiler à la tête du pays pour un second mandat de cinq ans.
C’est une large victoire pour le président sortant aux élections des 20 et 21 décembre 2023 en République Démocratique du Congo, des élections que la Commission électorale nationale indépendante (CENI) emmenée par Denis Kadima a tenu mordicus à organiser à la date constitutionnelle malgré des défis logistiques que d’aucuns avaient présenté comme insurmontables. 12,5 millions de voix ont été ainsi comptabilisées de manière transparente grâce à la magie des ondes et des écrans de la Télévision nationale par la CENI qui a signé là une performance inédite saluée par tous les observateurs objectifs. En obtenant 9,5 millions de voix sur ce premier lot, Félix Tshisekedi qui, à 60 ans, brigue un second mandat de cinq ans est ainsi assuré de signer une victoire plus que confortable sur tous ses challengers.
Suivent après lui, l’homme d’affaires italo-congolo-zambien et ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe avec 16,5 % de voix et Martin Fayulu Madidi (4,4 %). La vingtaine d’autres candidats, y compris le Prix Nobel de la paix 2018 Denis Mukwege, n’atteint pas 1 %.
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Près de 44 millions d’électeurs, sur une population estimée à environ 100 millions d’habitants avaient été convoqués par la CENI pour prendre part aux scrutins. La CENI n’a pas encore établi de taux réel de participation, mais certains médias congolais ont d’ores et déjà calculé que «le président sortant ne peut plus être rattrapé par ses adversaires». Aucune déclaration officielle n’a toutefois été faite jeudi soir. Un programme établi de longue date par la CENI prévoit la publication avant le 31 décembre des résultats provisoires complets de la présidentielle qui, en République Démocratique du Congo, est organisée en un seul tour. Le dernier revient en janvier à la Cour constitutionnelle.
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Dénonciations rituelles d’irrégularités
«Nous n’accepterons jamais ce simulacre d’élections et ces résultats, fruits d’une fraude organisée, planifiée», avait déclaré mardi à la cantonade Martin Fayulu, un des rivaux de Tshisekedi qui venait d’être empêché par la police de Kinshasa d’organiser une première manifestation non autorisée par la municipalité de contestation postélectorale. La faible mobilisation des contestataires et l’absence des autres challengers dont certains s’étaient contentés d’exprimer de loin leur dépit semblent indiquer que dans l’esprit de la plupart des protagonistes, les jeux sont faits. Du reste, certains comme Constant Mutamba se sont déjà fendus de messages de félicitation au vainqueur présumé de cette élection présidentielle 2023.
En plus de la présidentielle, des élections législatives, provinciales et locales dans les 26 chefs-lieux des provinces étaient également organisées le même jour. Mais, en raison des mêmes problèmes logistiques, le traitement de leurs résultats n’est pas attendu avant la fin du mois selon une mission d’observation des Eglises catholique et protestante qui a publié jeudi un rapport préliminaire assez conciliant sur les opérations électorales. Selon le «comptage parallèle» de ces deux confessions religieuses habituées à critiquer de manière virulente les processus électoraux en RDC, «un candidat (dont le nom n’est pas précisé mais il s’agit vraisemblablement de Félix Tshisekedi Ndlr) s’est largement démarqué des autres, avec plus de la moitié des suffrages à lui seul». La mission conjointe CENCO-ECC ajoute cependant avoir «documenté de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins en certains endroits».
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Depuis le début du processus, des opposants avaient accusé le pouvoir en place de planifier la fraude et appelé leurs militants à la «vigilance». Dès le 20 décembre, certains d’entre eux avaient carrément qualifié les élections de «chaos total» en dénonçant des «cas flagrants d’irrégularités» avant qu’une quinzaine de chancelleries étrangères installées à Kinshasa ne lancent un appel à la «retenue».
Des tensions sont redoutées à l’annonce des résultats, dans ce pays à l’histoire politique agitée et souvent violente et au sous-sol immensément riche en minerais dans lequel vit une population majoritairement pauvre. «Nous avons pris toutes les dispositions pour que la paix règne», avait assuré mardi le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité Peter Kazadi, en déclarant que la manifestation prévue un jour après par certains opposants était interdite. Kazadi a précisé que la sécurité avait été renforcée, notamment à Lubumbashi (Sud-Est), fief du meilleur perdant présumé Moïse Katumbi, où des éléments des forces de sécurité ont été massivement déployés pendant le week-end de Noël après que Christian Mwando, un proche de Moïse Katumbi eut proféré des propos qui n’étaient pas loin d’un appel à des affrontements intercommunautaires en invitant les katangais à «se préparer au sacrifice suprême». Réagissant à cette sortie incendiaire, le porte-parole du gouvernement central, Patrick Muyaya avait affirmé que «le chaos n’est pas arrivé et il n’arrivera pas».
Outre ce climat politique assez tendu par les humeurs de quelques mauvais perdants, la campagne électorale avait été empoisonnée par une situation sécuritaire instable dans la partie Est du pays qui connaît un pic de tension depuis deux ans avec une agression militaire rwandaise déguisée en résurgence d’une rébellion locale, le M23, soutenue par Kigali. Quelques candidats avaient été accusés d’être à la solde des «étrangers».
Aveu d’échec des opposants
Il est symptomatique de constater qu’alors que les premiers résultats partiels publiés par la centrale électorale créditent Félix Tshisekedi d’une très large avance, avec des scores allant jusqu’à 90% des voix dans certaines circonscriptions, les partisans de Martin Fayulu, qui avec moins de 1% des voix, mérite plus que jamais le qualificatif de souris naine que lui donna naguère Lambert Mende Omalanga, trépignaient pour descendre dans les rues pour exiger l’annulation du vote. Avant même le départ de leur marche, le siège de l’Ecidé, parti de Fayulu, avait été encerclé par les forces de police. «Notre permanence a été prise d’assaut avec la complicité active de la milice présidentielle qu’on appelle Force du progrès», s’était égosillé Martin Fayulu dans un message vidéo largement diffusé sur les réseaux sociaux. A ses pieds gisaient deux jeunes gens, le corps recouvert de sang. Le même jour à Goma, 2.000 km plus loin, une poignée de manifestants disposaient des grosses pierres sur la chaussée pour protester contre «un scrutin dans lequel nous ne nous reconnaissons pas». Ce à quoi Francis Kalwele, politologue à l’Université de Lubumbashi réagit en déclarant qu’«une élection démocratique n’a pas à refléter nécessairement les expectations de tel ou tel autre candidat ou de ses partisans. Il suffit qu’il exprime la volonté du peuple souverain, quelle qu’elle soit».
Dans cet immense pays, grand comme quatre fois la France et quatre-vingt fois la Belgique, autrefois appelé Zaïre, l’organisation d’élections démocratiques est une pratique récente, inaugurée en 2006. Elle a toujours été émaillée de violences et de contestations. Surtout au moment de la proclamation des résultats définitifs. Cette fois-ci, elle aura officiellement lieu d’ici le 31 décembre. Dans l’immédiat, c’est un bras de fer qui s’engage entre le régime en place et l’opposition. Même si cette dernière s’est présentée en ordre dispersé, seules deux ou trois figures ont émergé. Et un seul, Moïse Katumbi peut prétendre se rapprocher peu ou prou des résultats engrangés par le président sortant Félix Tshisekedi. Malgré les foules immenses réunies lors de ses meetings, il n’est pourtant crédité pour l’instant que de 14% des voix selon les résultats partiels, contre plus de 70% au niveau national pour Tshisekedi. Le porte-parole du gouvernement Patrick Muyaya accuse pour sa part l’opposition de ne «manquer de fair play et de faire preuve d’aveu de faiblesse en exigeant l’annulation du vote».
Le Maximum