Le scénario a eu pour cadre le Press Club Bruxelles Europe, au 95/1040 à Bruxelles, mercredi 8 novembre 2023. Me Alexis Deswaef, un des avocats commis à la défense de Salomon Idi Kalonda, conseiller de Moïse Katumbi, poursuivi par la justice militaire en RDC, a convié la presse au partage de nouveaux éléments apparus dans l’affaire Chérubin Okende. Un scénario monté à partir de Kinshasa, manifestement, puisque la prestation de l’avocat bruxellois sur une affaire autre que celle pour laquelle ses services étaient sollicités jusque-là fut particulièrement médiatisée et retransmis en direct sur You Tube, entre autres. «La famille de Chérubin Okende, depuis le Congo, avec l’équipe d’avocats sur place, m’a consulté dans le cadre de leur défense. Et il nous a paru essentiel de partager dans cette affaire qui remonte donc au 13 juillet, les éléments que nous avons rencontrés et découverts», a annoncé le juriste belge d’entrée de jeu, en s’abstenant d’indiquer s’il agissait au nom de la famille du député national ER Okende retrouvé mort au volant de sa jeep en juillet dernier. Manifestement, c’est le parti ER qui a recouru à ses services en marge de la défense qu’il assure du bras droit de Moïse Katumbi poursuivi par le parquet militaire congolais pour des faits d’espionnage, entre autres.
En fait d’éléments nouveaux dans l’affaire Chérubin Okende, en cours d’instruction à Kinshasa, l’avocat bruxellois n’en a présenté qu’un : le général major Christian Ndaywel, n° 1 des renseignements militaires qui avaient interpellé Salomon Idi Kalonda à l’aéroport international de Ndjili en mai dernier, détiendrait également la nationalité belge et, de ce fait, serait justiciable devant les tribunaux du Royaume. «A la tête des Renseignements militaires, et c’est le premier et principal élément que nous souhaitons révéler et qui a justifié le fait que la défense de la famille Chérubin Okende s’internationalise», a martelé Me Alexis Deswaef, «c’est que le chef des Renseignements militaires de la RDC depuis octobre 2022, Monsieur Christian Ndaywel, général des FARDC est de nationalité belge».
De vagues soupçons
S’agissant d’infractions à mettre à charge de ce bourreau désigné, elles se réduisent à un tissu de soupçons plus ou moins crédibles. «Les Renseignements militaires apparaissent comme ayant joué un rôle dans l’enlèvement, les faits de torture et la mort de Chérubin Okende», déclare l’avocat bruxellois, se basant sur des articles de presse. Notamment celui, non signé et contesté par les autorités de la RDC, publié par Jeune Afrique en juillet et qui accuse ce service de l’assassinat du député national Chérubin Okende. «Ce sont eux qui ont arrêté Salomon Kalonda sur le tarmac de l’aéroport de Ndjili le 31 mai dernier», pointe encore Me Deswaef pour qui la note attribuée à l’ANR par l’hebdomadaire franco-africain Jeune Afrique aurait été «authentifiée» par … Reporters sans frontière (RSF), une ONG le 2 novembre 2023.
Pour le reste, tout coule comme de source. «Nous sommes en présence d’un ressortissant belge (Christian Ndaywel, ndlr) qui est suspecté d’avoir joué un rôle comme auteur, co-auteur, complice ou commanditaire de crimes graves commis à l’étranger. Et la législation belge est ainsi faite qu’un auteur belge d’un crime grave à l’étranger et qui peut être poursuivi devant les juridictions belges, lesquelles sont donc compétentes pour juger de ce crime», a-t-il bûcheroné en annonçant le dépôt d’une plainte pénale avec constitution de parties civiles auprès du juge d’instruction du tribunal de Bruxelles.
Argumentaire juridique
L’exploit est assorti d’un argumentaire juridique que l’on croirait tiré du manifeste de campagne électorale du parti de Moïse Katumbi. «Le crime qui été commis (sur la personne de Chérubin Okende, ndlr) s’inscrit dans le contexte de guerre que connaît le Congo. On connaît ce contexte de guerre. Il peut s’agir, selon la doctrine, d’un acte unique, par exemple, un enlèvement, le meurtre d’un civil, un acte de torture, s’il est commis dans un contexte de conflit armé, international ou national», avance Alexis Deswaef qui soutient que Félix Tshisekedi a exhorté la justice à s’intéresser de très près aux accointances qui pourraient exister entre Salomon Kalonda, notamment, et les agresseurs du Congo. C’est la preuve, selon lui, qu’en RDC s’exerce une répression d’opposants politiques impliquant des crimes d’enlèvements, d’arrestations, de tortures, voire, de massacres comme à Goma. «L’assassinat de Chérubin Okende s’inscrit dans le contexte de crimes de droit international humanitaire, que ce soit des crimes de guerre ou de crimes contre l’humanité où le caractère systématique est un élément important», argue encore l’avocat bruxellois.
Pour s’attirer la sympathie des journalistes, Alexis Deswaef a en outre déclaré que les affaires Salomon Kalonda, Chérubin Okende et Stanis Bujakera étaient inextricablement liées. «Ces affaires sont liées parce qu’il s’agit d’opposants politiques au régime en place. Des proches conseillers d’un candidat à l’élection présidentielle, Moïse Katumbi. Salomon Kalonda est conseiller de Moïse Katumbi. Chérubin Okende, après avoir été ministre entre 2022 et 2023 a quitté le gouvernement et était toujours député et est devenu porte-parole du parti Ensemble pour la République, le parti de Moïse Katumbi, candidat à l’élection présidentielle du 20 décembre prochain», assure-t-il sans piper mot de l’éventuelle qualité de conseiller de Katumbi de Stanis Bujakera.
Des preuves tirées des médias
S’agissant de notre confrère Stanis Bujakera, l’homme de droit bruxellois se limite à affirmer que «sa requête de mise en liberté, la 4ème qui a été déposée ce matin, a été encore rejetée alors qu’il apparaît clairement que cette note de l’ANR n’est pas un document fabriqué par des journalistes. (…) l’enquête fouillée de RSF, qui a été publiée le 2 novembre qui montre que cette note de l’ANR circulait déjà bien avant notamment parmi les chancelleries, et que donc le journaliste emprisonné pour propagation et fabrication de faux document n’est pas l’auteur de ce document et que tout confirme que cette note émane bien de l’ANR».
A force de tirer des arguments par les cheveux, l’avocat mandaté par la «famille» Okende finit par entremêler les pinceaux. Lorsqu’il s’agit de justifier la nécessité d’une procédure judiciaire supplémentaire à celle en cours à Kinshasa. «On sait que la justice est un temps long», explique-t-il avec pertinence, puisque même en Europe (et peut-être surtout en Europe) une enquête criminelle dure le temps qu’il faut pour être sûr et certain de ne pas se tromper et sanctionner des innocents. Mais il se contredit en dénonçant la lenteur de l’enquête entreprise en RDC au sujet de l’assassinat du député pour justifier celle qu’il voudrait voir engagée dans son pays.
Des observateurs estiment qu’en réalité, la procédure engagée contre le général Christian Ndaywel ne constitue qu’une manœuvre de chantage du camp Katumbi pour contourner la justice congolaise en cherchant à faire sanctionner l’officier général qui est à la tête du service qui a interpellé un collaborateur de Katumbi qui affiche ainsi à la fois son mépris pour les institutions du pays qu’il prétend diriger.
J.N. AVEC LE MAXIMUM