Elle est tombée comme un couperet, samedi 28 octobre 2023 à Kinshasa, la fatwa – une condamnation à mort prononcée à l’encontre d’un individu- par l’évêque Albert Kankienza, un des pères fondateurs de l’ERG (Eglise de réveil du Congo). «Nous devrions faire cette manifestation à l’esplanade du Palais du peuple. Mais on nous en a interdit l’accès. On a arrêté quelques pasteurs. On a arrêté des évêques comme des bandits, comme des mercenaires. Nous exigeons, au nom de tous les fondateurs, des excuses de la part du président de l’Assemblée nationale. Il ne peut pas nous traiter comme des bandits, comme des vulgaires messieurs. Nous sommes des hommes responsables dans cette nation et nous ne méritons pas ce genre de traitement. Nous demandons au président de l’Assemblée nationale de présenter des excuses à tous les pères des églises de réveil et à toutes nos églises parce qu’il ne peut pas faire à un prêtre catholique ni à un pasteur protestant ce qu’il nous a fait. Nous exigeons des excuses de sa part parce qu’il l’a fait sciemment et il a dit qu’il n’allait pas ouvrir l’enclos de l’esplanade. Nous avons droit au respect et à la considération. Je ne pense pas qu’il puisse faire ça à un prêtre catholique ou à un pasteur protestant. S’il ne présente pas des excuses, le Dieu que nous prions s’occupera de lui et de sa famille. Dieu le prendra en charge. J’engage Dieu. Et ce Dieu le prendra en charge et lui et sa famille. Pharaon a rencontré le Dieu de Moïse, Hérode a rencontré le Dieu de Jésus, et je pense que lui aussi, s’il ne présente pas des excuses, il rencontrera le Dieu des églises du Réveil », avait-il psalmodié au milieu d’applaudissements de partisans venus assister à l’intronisation du pasteur Paul-David Olangi. Car, c’est de cela qu’il s’agit. Pour hisser sur le trône de l’organisation confessionnelle le nouveau président et représentant légal qu’ils s’étaient discrétionnairement choisis quelques semaines plus tôt, les évêques Kankienza, Mukuna et Ejiba ya Mampia avaient choisi l’esplanade de l’hémicycle.
La lutte pour le pouvoir temporaire au sommet au sein de la confession des églises de réveil de la RD Congo a ainsi pris une tournure résolument politico-religieuse. A l’occasion de cette investiture, plutôt controversée – seulement 3 des pères fondateurs de l’ERG sont à la manœuvre pour dégommer leur collègue Dodo Kamba élu par l’assemblée générale – les «hommes de Dieu» se sont mués en «hommes d’enfer» capables de faire tomber des flammes vengeresses sur leurs adversaires. De pourvoyeurs et fournisseurs en paradis terrestres multiformes (mariages, réussites en affaires, voyages en Europe …), Kankienza et ses collègues se sont ainsi révélés également pourvoyeurs d’enfer. Contre ceux qui comme Christophe Mboso contreviennent à leurs desseins, même les plus humains. «J’engage Dieu …», a clamé haut et fort Albert Kankienza, affichant une posture d’omnipotence qui pose la question des rapports hiérarchiques entre Dieu le Père et les hommes d’églises en RDC. «C’est à se demander, entre Dieu le père et l’Evêque Albert Kankienza, qui donne des ordres à l’autre», s’est ainsi interrogée Sarah, une fidèle … catholique.
Des flammes de l’enfer sur la terre des hommes
Mais il reste que sur la deuxième personnalité politique du pays après le président de la République, de surcroit membre de la majorité aux affaires en RDC, pèse désormais une menace de mort prononcée par un religieux. Christophe Mboso N’Kodia Pwanga, 81 ans, trouverait la mort un de ces quatre matins qu’elle serait attribuée à la «puissance divine» des pères d’une frange des pères de l’ERG particulièrement courroucés contre sa personne. Idem pour quiconque de sa famille viendrait à passer de vie à trépas dans l’avenir.
De procédure judiciaire – c’est le propre de toute sanction et la fatwa d’essence islamiste n’en échappe pas-, les tombeurs de l’évêque Dodo Kamba n’en ont manifestement pas cure. L’impie qui préside aux destinées de la représentation nationale rd congolaise, accusé condamné à l’extrême sanction, n’a nullement été entendu. Même si l’on a appris, mardi 31 octobre 2023 d’un coordonnateur de la convention pour la République et la Démocratie (CRD, le parti politique de Mboso), que l’interdiction musclée de l’accès au Palais du Peuple ne serait pas venue du speaker de la chambre basse du parlement.
Pourvoyeurs en paradis terrestres
Samedi dernier, les «fondateurs» de l’ERC sont donc allés au bout de leur logique, considérée par leurs détracteurs comme putschiste. Paul-David Olangi, successeur du couple Olangi à la tête du Ministère du combat spirituel (MCCS), a été investi président et représentant légal de la confession religieuse regroupant les églises de réveil en RDC. «Nous avons désigné quelqu’un pour conduire nos églises, aujourd’hui, ce monsieur (Dodo Kamba, ndlr) nous a traités d’imposteurs, satanistes … C’est pourquoi nous lui avons dit en face, nous te retirons notre confiance. Il a falsifié nos statuts, voilà la raison pour laquelle nous l’avons destitué. Il n’a plus le pouvoir de nous engager, il n’a plus le pouvoir de parler en notre nom. Son pouvoir a été déchiré, le pouvoir que nous lui avons donné est déchiré aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons choisi Paul-David Olangi pour conduire nos églises», a déclaré Albert Kankienza devant une meute de ses pairs «hommes de Dieu» et de fidèles partisans.
Olangi Fils (de Papa et Maman, fondateurs de l’ERG décédés) n’a pas dédaigné l’offrande. «Ce soir, je prends mes charges à un moment délicat de l’histoire de notre église. C’est un moment de croire et d’espérer en une église meilleure. Je crois que par la puissance du Saint Esprit, notre église sera honorée. Je suis devenu évêque pour honorer Jésus-Christ. Nous irons dans toutes les contrées du pays pour proclamer l’Evangile et la gloire, l’Evangile de Jésus-Christ. L’église peut dormir, mais elle ne mourra jamais ! Nous allons inscrire notre action dans la durée tout en s’appuyant sur les objectifs statutaires de l’ERC. Tous les noms des 14 pères fondateurs ont été exclus. Nous ne permettrons jamais, les statuts que les pères fondateurs ont eu du mal à fonder soient modifiés. S’il n’y a pas de consensus de tous les pères, je n’accepterai pas ça !», a pour sa part prêché le président intronisé de l’ERC.
Dodo Kamba ne désarme pas
Les observateurs notent, néanmoins, que Paul-David Olangi aura besoin de tout le concours du Saint-Esprit pour mener à bon port la mission lui assignée par ce groupe de pères fondateurs de l’ERC. D’autant plus que samedi dernier, l’évêque Albert Kankienza a jugé opportun de prendre ses distances avec les politiciens, de l’organisation qui a porté avec succès la candidature de l’actuel président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) à la tête de l’influente institution d’appui à la démocratie en RDC. «Nous n’appartenons à aucun camp politique. Nous allons collaborer avec toutes les autorités en place», avait-il déclaré. A quelques mois des scrutins électoraux – dont la présidentielle – prévus en décembre prochain, la neutralité affichée de l’ERC peut s’avérer un couteau à double tranchant, à certains égards.
Le 25 octobre 2023, l’évêque Dodo Kamba, qui se considère toujours comme président et représentant légal de l’ERC, a rendu public une mise au point «pour dissiper toute confusion occasionnée par les déclarations et la diffamation véhiculées dans les médias et les réseaux sociaux par un groupe de pasteurs». Et rappelé que l’ERC est une Asbl fonctionnant conformément aux lois du pays, dont les «pères fondateurs» ne se préoccupent manifestement pas, de son point de vue. Mais il espère «qu’ils finiront par revenir à la raison et faire amende honorable afin de pouvoir travailler réellement pour l’intérêt de l’église corps du Christ et pour notre pays».
J.N. AVEC LE MAXIMUM