La province rd congolaise du Nord-Kivu sous état de siège depuis fin mai 2021 a un gouverneur militaire ad interim. Il a été nommé à la suite des événements malheureux du 30 août 2023. Le général-major Peter Cirimwami Nkuba a en effet été désigné gouverneur a.i. et commandant des opérations militaires en remplacement du lieutenant-général Constant Ndima Kongba, rappelé en consultation à Kinshasa après le massacre d’une cinquantaine de civils par des éléments des forces de défense congolaises à Goma. La décision, formellement rendue publique par le lieutenant-général Christian Tshiwewe, chef d’état-major général des FARDC sur instruction du président de la République, le 15 septembre, est motivée par des préoccupations d’efficacité dans la conduite des opérations sécuritaires et militaires dans cette province partiellement occupées par des troupes d’agression rwandaises sous le label du M23. Lundi 18 décembre, le vice-premier ministre chargé de la Défense nationale et Anciens combattants, Jean-Pierre Bemba Gombo, avait formalisé cette décision car selon les textes qui régissent la mise en œuvre de la mesure d’exception prise en mai 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, «pendant toute la durée de l’Etat de siège, le gouverneur militaire a la conduite des opérations».
Aussitôt nommé, le général Peter Cirimwami a pris possession de ses nouvelles fonctions à Goma. Au cours d’une brève cérémonie, le nouveau gouverneur militaire a.i. du Nord-Kivu a été présenté aux autorités urbaines et à la population par le chef d’état-major adjoint chargé des opérations des FARDC, le général-major Jacques Nduru. Mercredi 20 septembre, il a entrepris une visite des positions avancées des troupes engagées au front. Face à la presse, le général Cirimwami a déclaré que «notre population doit comprendre qu’elle est congolaise et que sa seule armée s’appelle FARDC. Nous sommes dans l’obligation de collaborer pour mettre fin à l’agression que nous imposent nos ennemis».
Velléités d’occupation
Le nouveau chef militaire du Nord-Kivu prend ses fonctions alors que plusieurs témoignages font état de velléités de plus en plus avérées d’occupation et de gestion territoriale de Kigali par M23 interposé se multiplient. Lundi 18 septembre à Kiwanja (Rutshuru), les dirigeants du M23 ont ainsi convoqué un rassemblement auquel les populations locales ont été contraintes d’assister. Au cours du meeting tenu en cette circonstance, les responsables de cette milice pro-rwandaise ont, notamment, annoncé leur intention de prendre en charge la sécurisation de la zone présumée placée sous le contrôle de la force régionale de l’EAC en vertu des accords de Luanda (Bunagana, Kibumba et Kiwanja).
Afrika Amani, une ONG active dans la région, a dénoncé cette situation qu’elle présente comme une «prise en otage de la population au nez et à la barbe de l’EAC». Selon Théoneste Bahati Gakuru, communicateur de l’organisation, «le M23 et ses alliés prennent en otage les populations civiles de Rutshuru au vu et au su de la force régionale de l’EAC. Le gouvernement devrait quitter les distractions initiées par la région et imposer la paix à Rutshuru. L’orgueil du M23 et ses alliés est alimenté par le traitement léger de cette question. Le gouvernement devrait s’assumer en restaurant la paix par des moyens imposables».
Après Kiwanja, les cadres du M23 se sont produits en meeting mardi 19 septembre dans le groupement de Kisigari et annoncé leur intention de récupérer les positions conquises et cédées aux forces de l’EAC.
Sur les réseaux sociaux, des témoins rapportent des affrontements opposant la coalition RDF-M23 à des mouvements d’auto-défense (maï-maï) à Muhongozi et Busumba à la frontière entre les territoires de Masisi et Rutshuru après une attaque des positions de ces derniers à Kidodi et Kiwandja près de Kahunga. Dans la localité de Bipfuro en groupement Tongo, les terroristes RDF-M23 avaient tenté une incursion sur la colline de Muzi afin d’ouvrir la voie à leur offensive contre l’agglomération de Kabizo.
Commandant suspecté
Sur le terrain des affrontements au Nord-Kivu, la situation est donc plus proche d’une déflagration que d’une consolidation de la paix précaire instaurée depuis quelques mois.
A cet égard, la nomination à la tête des opérations militaires du général Peter Cirimwami n’est pas pour rassurer tout le monde. L’officier général est soupçonné, à tort ou à raison, d’avoir facilité l’occupation de la ville frontalière de Bunagana par les forces d’agression rwandaises et ougandaises. Dans un tweet rageur publié mardi 19 septembre, l’ONG la Lucha (Lutte pour le Changement), estime qu’en nommant Cirimwami gouverneur a.i. du Nord-Kivu, « Tshisekedi promeut l’officier qui a livré Bunagana au M23 en juin 2022 et maintient une mesure inefficace et désapprouvée y compris lors de la Table ronde sur l’Etat de siège qu’il a lui-même convoqué ». Au mois de mai 2020, Jean-Jacques Wondo, un spécialiste des questions militaires et sécuritaires avait déjà rapporté qu’alors qu’il était commandant des opérations à Beni, Peter Cirimwami avait été mis en cause dans le massacre de civils dans cette partie du Nord-Kivu.
Le 3 avril dernier, le général Cirimwami avait comparu en qualité de renseignant devant la cour militaire du Nord-Kivu dans le cadre du procès contre les déserteurs FARDC de Bunagana. Il avait dû répondre, en qualité de
commandant de l’opération Sukola II, aux allégations portées à sa charge, selon lesquelles il aurait ordonné à ses troupes de se retirer de la ligne de front face à l’avancée des assaillants, selon une dénonciation des colonels Ndyadya et Lobo. Peter Cirimwami qui a nié avoir donné un quelconque ordre de débrayage ne va donc pas tarder à être mis à l’épreuve. Des sources constantes signalent des préparatifs d’offensive à Kigali. «Trois officiers RDF ont débarqué à Kibumba (Nyiragongo) pour déployer des troupes aguerries aux combats», a alerté la société civile du Nord-Kivu, mardi 19 septembre 2023. Alors que des mouvements des troupes d’agression, aux frontières et à l’intérieur du territoire rd congolais sont également signalés.
J.N. AVEC LE MAXIMUM