Alors que la question d’un transport aérien propre est de plus en plus soulevée et que d’ici deux ans tous les avions au départ des aéroports européens devront incorporer du carburant durable d’aviation (SAF), Bruxelles entend miser dans un domaine à fort potentiel sur le continent africain. Des études sont en cours.
Après avoir investi dans des usines renouvelables, des initiatives d’hydrogène vert, des vaccins et des projets d’éducation en Afrique dans le cadre de son Global Gateway, l’Union européenne (UE) met le cap sur les projets de carburant durable d’aviation (SAF). Dans cette démarche, Bruxelles est motivé notamment par le boom attendu des demandes de voyages respectueux de l’environnement dans le monde, alors que l’Afrique y joue un rôle de plus en plus important. «La production de carburant durable d’aviation sur le continent africain présente un grand potentiel», a déclaré à Reuters Stefan De Keersmaecker, porte-parole de la Commission européenne.
Transition énergétique oblige
Les carburants durables d’aviation sont des carburants utilisés dans les avions à réaction et certifiés comme durables par des entités indépendantes et reconnues à l’international. Leur usage dans le transport aérien commercial est soumis à un processus strict, visant à s’assurer que leurs caractéristiques physiques et chimiques permettent un mélange en toute sécurité avec les carburants d’origine fossile. Face aux enjeux climatiques, il devient urgent pour le secteur de l’aviation -qui pèse 2% dans les émissions mondiales de gaz à effet de serre- de se décarboniser. A cet effet, l’Association du transport aérien international (IATA) prévoit une augmentation conséquente de la production de SAF au cours des prochaines années qui pourrait atteindre les 30 milliards de litres d’ici 2030. Boeing donne le Brésil pour le futur leader mondial de la production de SAF, en raison notamment des différentes initiatives prises sur le plan national.
En Afrique, il n’existe pas encore de production de SAF en tant que telle, même si des sociétés telles que l’italien Eni, le sud-africain Sasol, l’allemand Linde ou le danois Topsoe investissent dans des projets de SAF et de biocarburants sur le continent. De leur côté, les compagnies africaines réfléchissent déjà aux différentes possibilités qui s’offrent à elles, d’autant qu’à compter de 2025, l’UE exige l’incorporation d’une part de SAF dans tous les avions au départ des aéroports européens.
Le coût du SAF en Afrique, un casse-tête
Dans un entretien récent avec La Tribune Afrique, la Rwandaise Yvonne Makolo, présidente de l’IATA, évoquait le coût financier comme défi à la transition des compagnies aériennes africaines vers le carburant durable d’aviation. «Tout le monde sait que le moyen le plus rapide [d’atteindre l’objectif net zéro carbone] passe par l’usage du carburant durable d’aviation, qui constitue également un centre de coûts important pour de nombreuses compagnies aériennes», a-t-elle déclaré, soulignant que le coût de SAF viendrait renchérir les charges financières pour les compagnies aériennes africaines pour qui le carburant conventionnel est déjà coûteux. «Il est essentiel, a-t-elle estimé, de plaider en faveur d’une approche plus collaborative entre les gouvernements d’Europe, d’Amérique, d’Afrique, d’Asie…, en termes d’incitations entre les OEM [fabricants d’équipements d’origine, NDLR], qu’il s’agisse de Boeing, d’Airbus ou de n’importe quel autre équipementier et les compagnies aériennes, afin de voir comment nous pouvons travailler ensemble pour relever ce défi et disposer d’un personnel suffisant à un prix abordable».
Pour Allan Kilavuka, directeur général de Kenya Airways, qui s’est confié à Reuters, «le meilleur moyen de réduire le coût des SAF sur le continent africain et d›avoir des SAF produits de manière durable et fabriqués localement».
Des études sont en cours à Bruxelles
En dévoilant les contours de l’initiative Global Gateway à Dakar en février 2022, l’UE plaçait notamment l’infrastructure et l’énergie au top des secteurs ciblés par ses financements. Sur les 300 milliards USD mobilisés sur six ans (2021-2027), 50%, soit 150 milliards USD, sont consacrés au continent africain. Bruxelles n’a rien précisé concernant l’enveloppe allouée aux projets de SAF en Afrique, mais l’heure est déjà aux recherches stratégiques. «La Commission étudie actuellement d’éventuels mécanismes de cofinancement et instruments de garantie », a confié Stefan De Keersmaecker.
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