Et de trois pour Vincent Karega, membre de la phalange extrémiste du FPR et diplomate à poigne du Rwanda. Après l’Afrique du Sud et la RDC, le Royaume de Belgique a formellement refusé l’accréditation de cet ancien ambassadeur rwandais à Kinshasa. La décision définitive du gouvernement belge est tombée le 23 juillet 2023, après quatre longs mois d’attente. Et confirme le tournant observé depuis peu dans les relations diplomatiques entre la principauté militaire rwandaise et ses mentors occidentaux.
Le remplaçant de Dieudonné Sebashongore à la tête de la plus importante représentation diplomatique rwandaise en Europe serait due, selon des sources dans la capitale belge, à l’arrogance affichée par le gouvernement de Paul Kagame, qui avait prématurément et publiquement annoncé la nomination de Karega à Bruxelles en mars 2023 avant même d’en informer le pays hôte, conformément aux usages diplomatiques en la matière.
D’autres sources mettent en avant l’activisme des organisations congolaises et rwandaises de défense des droits de l’homme et de promotion de la démocratie actives en Belgique, qui avaient écrit au gouvernemement belge en avril 2023 pour exprimer leurs inquiétudes au sujet de la nomination de Karega.
Né à Walikale (Nord-Kivu, RDC) de parents immigrés rwandais, Karega qui rentré dans son pays en 1995 dans la vague de retour des émigrés de l’Ouganda, avait été nommé ambassadeur en RDC le 15 juillet 2019, après avoir été expulsé d’Afrique du Sud où il avait occupé durant huit ans les fonctions de Haut-Commissaire (ambassadeur). Une nomination sur fond d’une réputation plus que sulfureuse.
Expulsé d’Afrique du Sud
Début mars 2014, le pays de Nelson Mandela avait expulsé et accusé des diplomates rwandais, dont Karega, de l’attaque armée de la résidence de l’opposant Kayumba Nyamwasa, un tutsi comme lui, ancien chef d’Etat-major général de l’armée rwandaise qui avait déjà survécu à deux tentatives d’assassinat, dont une fusillade à Johannesburg en 2010. Deux mois plus tôt, Patrick Karegeya, un autre tutsi, ancien chef des renseignements du Rwanda, avait été retrouvé mort étranglé dans un hôtel de Johannesburg.
Le 31 octobre 2022, Kinshasa avait décidé l’expulsion de Vincent Karega, prié de quitter le territoire de la RDC sur recommandation du Conseil supérieur de la défense. Une décision «en rapport avec la situation sécuritaire préoccupante dans l’Est du pays», expliquait une note du vice-premier ministre et ministre des affaires étrangères, Christophe Lutundula, alors que les agglomérations de Rutshuru et de Kiwanja venaient de tomber aux mains des terroristes du M23 soutenus par Kigali. Mais pas seulement.
Très actif sur les réseaux sociaux en RDC, l’ambassadeur Karega avait déclenché l’ire de plusieurs organisations de la société civile et de la classe politique en août 2020 en relativisant la responsabilité des autorités de son pays dans les massacres de Kasika en 1998.
Soutien belge à Kinshasa ?
En nommant au poste diplomatique stratégique d’ambassadeur du Rwanda en Belgique, un diplomate aussi mal famé quelques mois plus tôt, Paul Kagame avait sans doute voulu narguer Kinshasa. Mal lui en a pris parce que la Belgique a, pour une fois, pris le parti du pays de Patrice Lumumba, victime d’agressions récurrentes des forces armées rwandaises (RDF).
Il est rappelé à ce sujet que le gouvernement belge a pris une part active dans l’initiation des sanctions en discussion à l’Union Européenne contre certains officiers rwandais. Il est également à la base de la mobilisation des fonds européens pour renforcer les capacités de la 31ème brigade de réaction rapide des FARDC.
Mercredi 26 juillet 2023, Kigali a déploré le refus de l’agrément de son ambassadeur en Belgique, indiquant que «cela n’augure rien de bon». Yolande Makolo, porte-parole du gouvernement rwandais, a notamment déclaré qu’«il est regrettable que le gouvernement belge semble avoir capitulé face aux pressions du gouvernement de la RDC et à la propagande des organisations et militants négationnistes. Cela n’augure rien de bon pour nos relations bilatérales».
Alors qu’à Kinshasa, le nouveau revers diplomatique de Paul Kagame est loin de déplaire. Le professeur André Mbata, 1er vice-président de l’Assemblée nationale, estime ainsi qu’«en refusant d’accréditer cette figure hideuse de l’Etat voyou qui agresse la RDC en violation du droit international, la Belgique donne une leçon magistrale à certains pays qui continuent de flirter avec cet Etat policier tout en se posant en donneurs de leçons en Afrique et en sacrifiant les valeurs de civilisation sur l’autel des intérêts affairistes».
J.N. AVEC LE MAXIMUM