Le candidat à la présidentielle rd congolaise de décembre 2023 pour le compte de Ensemble pour la République (ER), Moïse Katumbi Chapwe, séjourne à l’Ouest du pays dans le cadre d’une tournée qui devrait durer plusieurs jours, selon son parti. L’an dernier, le richissime homme d’affaires, également président du TP Mazembe, un des grands clubs de football du continent, avait sillonné le Nord-Kivu, la Tshopo, le Haut-Uélé et le Bas-Uélé, pour «remercier» les populations locales, selon ses propres propos, mais aussi et surtout implanter et enraciner son parti politique. A Kinshasa depuis quelques jours dans le cadre de ce que ses proches annoncent comme une grande tournée à l’Ouest qui devrait le conduire au Kongo Central, dans l’ex-Bandundu et l’ex-Equateur, Moïse Katumbi semble plutôt se lancer dans une campagne séditieuse de grande envergure dans le dessein manifeste de bloquer le processus électoral en cours, à quelques mois de la convocation de l’électorat fixée au mois de septembre, pour les scrutins de décembre 2023.
Tout sauf une manifestation pacifique
Avec ses affidés également candidats à la même présidentiel, Martin Fayulu, Delly Sessanga et Augustin Matata Ponyo, regroupés au sein d’un «cartel de Lubumbashi», il s’est essayé à la tâche, samedi 20 mai 2023 en organisant une marche de contestation d’un peu de tout (vie chère, insécurité, chômage et processus électoral jugé chaotique). La manifestation présentée comme «pacifique», selon les termes consacrés a manifestement tourné en eau de boudin et en tentative insurrectionnel. Face à une mobilisation plutôt médiocre, de l’avis de tous les observateurs, le quatuor des candidats au top job semblent avoir tenté de provoquer un soulèvement populaire à partir de l’avenue Kianza dans la commune de Ngaba, en incitant des jeunes, voire des mineurs, préalablement drogués, selon les termes de la police dépêchée en renfort sur les lieux, à s’affronter à cette dernière. Des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux sont sans équivoque sur ces incidents. On y aperçoit, outre Moïse Katumbi encadré par une impressionnante garde armée, Martin Fayulu ordonner à une hordre de jeunes surexcités de lapider des policiers. Mais également, le quatuor en grandes discussions avec des officiers de police chargés par l’Hôtel de ville de Kinshasa de disperser les manifestants.
Refus d’obtempérer
Préalablement prévue pour se tenir le 13 mai 2023 au départ des quartiers périphériques de la Tshangu et de Kintambo avant de déferler vers le Boulevard triomphal en face du Stade des Martyrs et non loin du Palais du Peuple, siège du parlement la marche de protestation (et de contestation, à ce qu’il est apparu) des candidats présidents de la RDC avait été postposée sur ordre de Gentiny Ngobila, le gouverneur de la ville-province. Au terme d’une rencontre de concertation avec les organisateurs, vendredi 19 mai, l’hôtel de ville avait modifié l’itinéraire prévu, en raison de l’organisation de deux autres marches à la même date, n’autorisant pour le quatuor de Lubumbashi qu’un seul itinéraire allant de la commune de Kintambo vers Ymca. Ce qui amputait Katumbi et ses affidés des foules de la Tshangu, où, du reste, se tenait au terrain municipal de Kingasani-Pascal dans la commune de Kimbanseke, un meeting d’un parti politique de la majorité au pouvoir.
Piètre mobilisation
Malgré une mobilisation à grand renfort de publicité, Moïse Katumbi en personne s’essayant même dans un lingala laborieux à convier les kinois au rendez-vous du 20 mai, l’échec semblait au rendez-vous de la capitale rd congolaise avec le chairman katangais. Ne restait donc plus que la perspective d’un bras de fer avec les forces de l’ordre en désobéissant aux instructions sécuritaires de l’hôtel de ville. Sur avenue Kianza dans la commune de Ngaba, tout attroupement de plus de 10 personnes était strictement prohibé. Katumbi et ses amis du cartel de Lubumbashi n’en ont pas tenu compte et en ont manifestement eu pour leurs frais : de «marche pacifique», il n’y en aura pas eue le 20 mai 2023 à Kinshasa. Seulement une tentative de début de mouvement insurrectionnel qui, selon maints observateurs, aurait gagné en ampleur s’il avait atteint la commune voisine et très commerciale de Lemba, avec de possibles pillages des commerces qui pullulent dans les abords du Rond-point Super Lemba.
Incitation à l’émeute
Les affrontements entre les forces de police et les jeunes armés de pierres et autres machettes ont provoqué des blessés graves parmi les éléments de la police et les civils. Mais pas seulement, les délinquants rameutés par les opposants s’en étaient également pris aux paisibles passants, à l’instar de cette camerawoman d’une chaîne TV de la place gravement blessée à la machette par des individus qui lui avaient tout ravi.
Heureusement, aucun décès n’a été enregistré. Les statistiques de la police font état de 6 machettes saisies entre les mains de certains manifestants drogués, 27 policiers blessés dont 1 dans un état comateux et 3 autres grièvement blessés par des projectiles et 3 dans les affrontements avec les manifestants ; 20 individus auteurs d’actes de vandalisme contre le sous-commissariat de Kianza qu’ils ont tenté d’incendier arrêtés ; 2 véhicules de la police endommagés.
Du côté des organisateurs de la marche du 20 mai 2023, le quatuor de Lubumbashi a rendu public, mardi 23 mai, un communiqué faisant état de 3 personnes ‘‘portées disparues’’ (arrêtées ?); 150 blessés dont 10 graves ; plus de 300 personnes interpellées ; plusieurs appareils de téléphones portables et des sommes d’argent extorqués par des policiers ; 3 tentatives de viols ; des pare-brises et vitres de véhicules cassés. Mais dans l’opinion kinoise, peu croient aux chiffres des blessés avancés par les affidés de Katumbi et consorts que des vidéos largement diffusées sur les réseaux sociaux ont montré visitant les blessés enregistrés parmi les manifestants.
Bis repetita à Mitendi
Mardi 23 mai, Moïse Katumbi a essayé de poursuivre son bras de fer avec le pouvoir en tentant de se rendre au Kongo-Central contre l’avis des autorités provinciales qui lui avaient demandé de postposer de 48 heures les activités politiques qu’il comptait y déployer.
Alors qu’une tribune érigée à Mbanza-Ngungu attendait le candidat président de la République ER, le convoi de véhicules chairman katangais a été bloqué à Mitendi, à la limite entre Kinshasa et le Kongo Central sur ordre du gouverneur Guy Bandu qui reprochait à Katumbi un programme d’activités trop imprécis ne permettant guère aux services de police de se préparer en conséquence. «Ensemble pour la République n’a indiqué ni les lieux ni les timings des activités politiques programmées».
Bras de fer devant la CENI
Jeudi 25 mai 2023, le quatuor de Lubumbashi a convié les kinois à un sit in devant le siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) sur boulevard du 30 juin à la Gombe dans une zone déclarée neutre. 24 heures plus tôt, mercredi 24 mai, l’hôtel de ville de Kinshsasa avait rappelé l’interdiction de toute manifestation politique devant l’institution d’appui à la démocratie qui, depuis mardi 23 mai avait formellement déposé au ministère de l’Intérieur le projet de loi de répartition des sièges électoraux à soumettre par le gouvernement à l’Assemblée nationale en vue de la convocation de l’électorat dès le mois de septembre 2023. Katumbi et ses affidés ont annoncé, le même jour, leur refus d’obtempérer aux ordres du gouvernement provincial de la capitale, entamant ainsi un nouveau bras de fer en plein centre-ville de Kinshasa. Un impressionnant dispositif policier était visible depuis mercredi soir alentours du siège de la CENI en prévision de probables troubles à l’ordre public.
Suffisant pour faire dire à certains observateurs qu’à la différence de la partie Est de la RDC, à l’Ouest, Katumbi est venu mettre en œuvre un soulèvement populaire visant à stopper un processus électoral qui le donne perdant selon tous les sondages publiés à ce jour.
J.N. AVEC LE MAXIMUM