Contre la proposition de loi relative au verrouillage de l’accès aux fonctions de souveraineté en RDC, des critiques incisives s’élèvent parmi certains ambassadeurs de pays occidentaux accrédités en RDC qui font chorus avec quelques dignitaires de l’église catholique romaine et des katumbistes qui se sentent particulièrement visés par cette proposition susceptible de sceller le sort de leur poulain à la prochaine élection présidentielle.
Le ton de cette croisade contre le verrouillage de l’accès aux fonctions de souveraineté que l’on appelle à tort loi sur la congolité dans la quête d’une réminiscence avec l’ivoirité qui mit naguère le feu aux poudres en Côte d’Ivoire, a été donné à Kinshasa à l’occasion de la fête pascale par le cardinal archevêque Fridolin Ambongo. Dans un message en trois points intitulé «Vous cherchez Jésus le crucifié ? Il n’est pas ici, il est ressuscité (Mt 28,5-6)», le prélat ofm cap a consacré plus du tiers du texte à adapter le message pascal à son plaidoyer en déclarant que la RDC était «prise en étau entre conflits armés et violences interminables surtout dans sa partie orientale et dans le territoire de Kwamouth», avant de s’interroger, un tantinet racoleur : «que peut bien signifier la Pâques du Seigneur pour un peuple secoué par des incertitudes et des agitations sur le plan socio-politique?». Et d’apporter des réponses, toutes politiques à son questionnement : compte tenu de ses immenses potentialités, le problème de la RDC réside dans la gouvernance. «La bonne gouvernance dont le pays a besoin pour que les Congolais vivent dignes pour la gloire de Dieu dépend aussi pour beaucoup de notre sens de responsabilité au moment de choisir nos dirigeants. En cette année électorale, j’invite chacun de vous à se préparer pour un vote responsable qui contribuera à l’avènement d’un Congo plus beau qu’avant», assure du haut de sa chaire le primat de l’église catholique congolaise. Mais la Pâques électorale de Fridolin Ambongo est déteinte par les haines, les jalousies, les violences, les divisions, le tribalisme «dans lesquels nos cœurs s’enferment souvent». A l’instar de ce qui se passe dans le territoire de Kwamouth où se perpètre «ce qui ressemble à un massacre des Teke», le prélat s’en indigne et dit sa solidarité avec les victimes. La Pâques du cardinal, c’est aussi un appel à l’unité, à la communion fraternelle, à la réconciliation des uns avec les autres, parce que «c’est pour rassembler tous les enfants de Dieu en un seul troupeau que le Seigneur est mort et ressuscité». En conséquence de quoi Ambongo s’estime fondé à exhorter au «bannissement de tout esprit de division, de stigmatisation et d’exclusion au sein du peuple de la RDC».
Angélisme politique naïf
L’angélisme politique du cardinal kinois se veut très concret. «En ce moment singulier de l’histoire de notre pays, nous avons un urgent besoin de gestes et de lois qui rapprochent, plus que d’actes et de dispositions qui nous dressent les uns contre les autres (…) Dans un tel contexte, un projet de loi sur la congolité, à la veille des élections, nous divise davantage plus qu’il ne nous unit. Au lieu de nous focaliser sur l’examen d’une telle loi qui nous divise, nous ferions plutôt mieux de nous resserrer les coudes pour déceler le jeu funeste des ennemis de notre patrie avec leurs velléités de balkanisation de notre pays», énonce-t-il.
Nul besoin donc de lois qui protègent la patrie si notoirement exposée à des velléités de balkanisation. Ni d’interrogations sur la responsabilité d’acteurs étrangers (occidentaux) quant aux drames à répétition qui endeuillent depuis des décennies les Congolais, particulièrement ceux des territoires de l’Est et depuis peu, de l’Ouest dans la région de Kwamouth. «Il suffira de bien voter» pour faire jaillir miraculeusement le paradis terrestre au Congo. Un peu comme Abraham fit jaillir l’eau du désert de Sinaï …
Croisade occidentale
Le cardinal Ambongo n’est pas seul dans cette croisade en faveur d’une législation permissive vis-à-vis des fonctions de souveraineté.
Dans une déclaration, le 30 mars 2023, la cheffe de la mission des Nations–Unies en RDC, Bintou Keïta avait déjà soutenu que «le processus électoral doit être inclusif. Aucun Congolais ne pourrait être exclu sur base de son origine, celle de ses parents ou de son conjoint». Des propos interprétés comme hostiles au verrouillage des fonctions régaliennes en RDC dans une partie de l’opinion. Avec un bel ensemble, les ambassadeurs occidentaux accrédités en RDC se sont rendus à l’Assemblée nationale, pour dire leur ‘‘inquiétude’’ face à l’inscription d’une proposition de loi dans ce sens au calendrier des travaux de la session parlementaire en cours. Avant que le 11 avril 2023, l’ancien sous-secrétaire d’Etat américain, le nonagénaire Herman Cohen, ne publie sur son compte twitter un appel au président Félix Tshisekedi l’exhortant pince-sans-rire à «rejeter la soi-disant loi Tshiani qui serait discriminatoire à l’encontre des citoyens congolais qui n’ont pas deux parents Congolais. Car une telle discrimination pourrait nuire gravement aux relations américano-congolaises».
Il est curieux à cet égard de constater que les relations entre la RDC et les Etats-Unis d’Amérique et sans doute également les autres pays occidentaux soient tributaires de la possibilité pour des personnes à loyauté partagée de prendre en mains la haute direction de ce pays dont les richesses sont convoitées par le monde entier. «On ne peut que s’étonner que des citoyens congolais au sein de l’église catholique, ou tout au moins certains responsables de cette confession religieuse en RDC partagent cette vision réductrice et discriminatoire des relations internationales», déplore ce professeur géopolitique à l’Université pédagogique nationale de Kinshasa.
J.N. AVEC LE MAXIMUM