L’OMS a mis fin aux fonctions de son directeur régional pour le Pacifique occidental, le Japonais Takeshi Kasai, accusé de racisme et harcèlement, une première pour l’organisation accusée de ne pas faire assez dans ce domaine. «Après un examen minutieux des conclusions et après consultation du Comité régional du Pacifique occidental et du Conseil exécutif, le mandat du directeur régional a été résilié», peut-on lire dans un courrier adressé aux pays membres.
L’OMS n’a pas confirmé l’information dans l’immédiat mais a indiqué qu’elle communiquera sous peu sur le sujet.
La décision de se séparer du Dr. Kasai intervient après une réunion à huis clos de deux jours du Conseil exécutif de l’organisation à Genève qui avait été spécialement convoquée suite à la recommandation de renvoi émise la semaine dernière par le Comité régional du Pacifique occidental, réuni à huis clos les 27 et 28 février à Manille, siège de la direction du bureau régional.
Aucune communication officielle n’avait alors été faite mais une source diplomatique dans la région citée par l’AFP. «Jusqu’à la dernière minute, ils lui ont donné la possibilité de démissionner, mais il a refusé», précise le communiqué.
«Le vote a été très serré, 13-11… il y a eu beaucoup d’appels téléphoniques en coulisses», a-t-il ajouté, affirmant que le Japon avait exercé des pressions pour que le rapport d’enquête ne soit pas publié.
Kasai avait pris en 2019 la tête de la direction régionale après avoir travaillé plus de 15 ans au sein de l’organisation.
La région couvre 1,9 milliard de personnes dans 37 pays dont la Chine, le Japon mais aussi l’Australie ou encore les Philippines, l’Indonésie, le Vietnam, le Cambodge et la Corée du Sud.
«Autoritaire et raciste»
En octobre 2021, des dizaines de collaborateurs de l’OMS avaient émis une plainte interne contre le Dr. Kasai avant d’envoyer un courriel à la mi-janvier 2022 aux pays membres du Conseil exécutif de l’agence onusienne pour les alerter.
Ils y accusaient le Japonais d’avoir un «leadership autoritaire et raciste» mais aussi d’avoir partagé régulièrement des informations privilégiées avec le ministère japonais des Affaires étrangères, de n’avoir pas voulu critiquer la Chine ou encore d’avoir «gaspillé» l’argent des donateurs.
Ces graves accusations avaient été révélées fin janvier 2022 par l’agence de presse Associated Press.
C’est la première fois qu’une telle situation se produit à l’OMS, qui, dans l’attente du résultat de l’enquête, avait fait remplacer le Dr. Kasai par la directrice générale adjointe de l’OMS, Zsuzsanna Jakab.
Selon une source diplomatique à Genève, celle-ci gardera ces fonctions jusqu’à ce qu’un ou une remplaçante soit élue par le comité régional.
L’élection doit se tenir en octobre 2023.
Contrairement à d’autres agences de l’ONU, à l’OMS les directeurs régionaux -ils sont 6 en temps normal – sont très puissants.
Ils sont élus par les Etats membres de la région qu’ils dirigent, même si leur élection est par la suite confirmée par les Etats membres du comité exécutif de l’OMS.
Tolérance zéro
Plusieurs pays, qui réclament une OMS plus transparente et plus digne de confiance, avaient fait part de leurs préoccupations après l’éclatement de cette affaire.
L’organisation, l’une des plus puissantes agences des Nations unies, était déjà sous forte pression des principaux donateurs qui ont estimé qu’elle avait tardé à agir après le scandale de violences sexuelles commises par certains de ses employés en RDC pendant une épidémie d’Ebola (2018-2020).
L’OMS a fait depuis son mea culpa, et mis en place une politique de tolérance zéro et un plan stratégique pour mieux gérer ces dossiers complexes. Son directeur général, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a affirmé à de nombreuses reprises que ces dossiers de violences sexuelles et de harcèlement étaient une priorité pour lui.
LE MAXIMUM AVEC AFP