Dans la province congolaise du Nord-Kivu où les forces de défense affrontent l’armée rwandaise dissimulée sous l’étiquette des terroristes du M23, le chef-lieu, Goma, a été mis sens dessus-sens dessous par des manifestants chauffés à blanc, décidés à en découdre avec tout ce qui bouge. A l’origine de ce vaste mouvement de masse qui s’est étendu sur quelques 48 heures, la passivité de la force de l’EAC, qui observe sans réagir la progression des assaillants rwandais alors qu’elle est censée avoir un mandat offensif, ainsi que l’a rappelé sans ambages un communiqué du ministère des Affaires étrangères au lendemain du sommet de Bujumbura qui venait de réunir les chefs d’Etat de l’organisation régionale autour de la situation sécuritaire à l’Est de la RDC.
Dans la foulée, les manifestants s’en sont indistinctement pris à la Monusco et à tout ce qui s’apparente aux agresseurs, rwandais et M23, répondant ainsi à un appel à manifester durant 7 jours pour protester contre la progression des terroristes, dont on peine encore à identifier les auteurs, la société civile de Goma ayant nié toute responsabilité dans l’organisation de ces mouvements de masse qui ont littéralement dérapé.
Retour au calme
C’est seulement mardi 7 février 2023 que le calme est progressivement revenu sur la ville de Goma, avec la réouverture des commerces et le rétablissement de la circulation. Autour de 15 heures locales, la plupart d’artères barricadées jusque-là étaient dégagées. Même si au début de la journée, les éléments de la PNC usaient encore de gaz lacrymogènes pour disperser des manifestants ci et là.
24 heures auparavant, au deuxième jour sans activités à Goma, les ronds-points Instigo, Ulpgl, Ndosho, Kituku, Cathédrale et Nyavushongo étaient encore systématiquement barricadées à l’aide de grosses pierres par des manifestants en furie, empêchant toute circulation à travers la ville.
Lundi 6 février, jour du déclenchement des émeutes, un groupe de manifestants s’en était pris à Horebu, une église de Nyabushongo majoritairement fréquentée par des fidèles d’expression rwandophone. Deux personnes avaient trouvé la mort lors de l’effondrement de l’édifice, selon des témoignages. Les images de l’église saccagée ont aussitôt fait le tour des réseaux sociaux, suggérant tunnels secrets et armes dissimulées en dessous des fondations, dont on ne peut préciser si elles avaient été publiées avant la destruction ou après. Parce que dans un communiqué appelant ses administrés au calme, diffusé le même jour, le gouverneur militaire du Nord-Kivu déplorait la présence d’infiltrés manifestement chargés de missions de destructions précises. «Si vous continuez, vous allez bloquer la route à nos forces qui sécurisent la ville. Vos revendications ont été entendues», disait ce communique. Un autre, des Nations-Unies celui-là, dénonçaient des attaques ayant visé des objectifs préalablement ciblés en fonction des origines tribales. Des magasins et autres biens privés avaient, en effet, également été systématiquement pillés par les manifestants.
L’incident de Kanyaruchinya
Le même lundi, des sources locales ont fait état de manifestants dispersés à balles réelles alors qu’ils s’approchaient de la frontière rwandaise située non loin de là. Dans l’après, la confusion fut à son comble lorsque des meutes incontrôlées se sont mises à fouiller tout engin roulant ou en stationnement sous prétexte de rechercher des infiltrés rwandais.
Mardi 7 février 2023, des manifestants s’en sont pris à un convoi de la Monusco de retour d’une mission de ravitaillement à Kiwanja et se rendant à Goma à hauteur de Kanyaruchinya. Selon un communiqué de la Monusco, ces manifestants qui avaient préalablement barré la route s’en sont pris aux 4 véhicules du convoi, qu’ils ont incendiés et pillés. «Trois personnes ont péri durant les échauffourées tandis que les casques bleus et les FARDC tentaient de protéger le convoi», selon ce communiqué.
8 tués parmi les déplacés
Mais, un certain Vianney Muhema, présenté dans une vidéo sur les réseaux sociaux comme président de la jeunesse de Bujari à Nyiragongo, accuse la Monusco de transporter des armes, dont des mines anti-personnels qui auraient été découvertes dans les camions pillés. Tandis qu’à travers la population locale s’est répandue une version selon laquelle les casques bleus auraient tiré sans sommation sur un père de famille innocent.
Mercredi 8 février, le gouverneur militaire du Nord-Kivu a publié un communiqué relatif aux incidents «graves» de Kanyaruchinya qui porte le nombre de victimes congolaises à 36 : soit, 8 morts et 28 blessés parmi les déplacés de Kanyaruchinya.
Sur le terrain des affrontements, des sources locales ont fait état d’affrontements FARDC – M23/RDF à Kashumiro et à Bambo en territoire de Rutshuru, ainsi que de l’ouverture de deux nouveaux fronts à l’Ouest de Kitshanga et à Burungu.
Sur l’axe Sake-Kitshanga, les FARDC avaient réussi à repousser les terroristes au milieu de l’après-midi du 7 février 2023, récupérant les villages de Makombo, Karenga (partiellement occupé), Kingi et une partie du «Petit Masisi», les affrontements se concentrant à Ruvunda (partiellement occupé par les assaillants) et Kausa.
A Kingi, localité située à 12 km de Sake, l’intensité des affrontements avaient provoqué des déplacements de populations, certaines se rendant à Goma et d’autres à Minova pour se mettre à l’abri. Même si au 7 février, cette localité demeurait sous contrôle FARDC.
J.N. AVEC LE MAXIMUM