Après la candidature à la présidentielle 2023, plutôt attendue des observateurs, de Moïse Katumbi Chapwe, avalisée par Ensemble pour la République le 20 décembre 2022, l’ancien bâtonnier du barreau de Lubumbashi, Jean-Claude Muyambo Kyassa s’est déclaré partant pour le même challenge le 3 janvier 2023. Dans l’opinion, à Kinshasa et dans l’ex-Katanga, l’annonce de la candidature de Me Muyambo qui a précédé de peu une rencontre entre les deux challengers à l’issue de laquelle Muyambo a annoncé sa disponibilité à gouverner ensemble avec son rival en a surpris plus d’un, beaucoup se demandant s’il fallait en rire ou en pleurer.
Dans un passé plus ou moins récent, les deux acteurs politiques katangais avaient été à deux doigts de s’étriper. Alors que Moïse Katumbi plastronnait en maître absolu à la tête de la province cuprifère, Muyambo, avocat spécialisé dans les questions minières qui lui permirent de faire fortune, se fendit d’une série de ‘‘lettres ouvertes’’, 13 au total, qui pourfendirent sans aménité le nouveau et trop puissant gouverneur de province qu’était Katumbi Chapwe.
On aurait pu penser au premier abord que la candidature annoncée de Jean-Claude Muyambo était destinée à contrer les ambitions de son ancien adversaire. Mais les deux acteurs politiques semblent plutôt s’être bel et bien réconciliés quelques années après les diatribes au vitriol de l’avocat d’affaires.
Le 3 janvier, Muyambo s’est empressé de calmer les katumbistes inquiets d’une possible reprise des hostilités en promettant de se mettre d’accord avec Katumbi pour diriger la RDC. Comme Moïse Katumbi, l’avocat qui préside le parti Solidarité congolaise pour la démocratie (SCODE), une formation de faible envergure même dans l’ex-Katanga, s’est déclaré «conscient de la souffrance de la population congolaise» et de «l’insécurité» qui sévit à travers le pays. Un «sauveur» de plus à la rescousse des Congolais, donc.
Comme deux gouttes d’eau
Entre Katumbi et Muyambo, la ressemblance et la proximité ne s’arrêtent pas en si bon chemin. Les deux hommes ont également en commun l’appartenance à l’association Sempya, qui rassemble essentiellement les ressortissants du Haut Katanga soucieux de la promotion de cette partie de ce qui fut jusqu’à il y a peu la province du Katanga. Les deux ont chacun à un moment donné présidé aux destinées de cette association soucieuse plus que tout de l’émergence des acteurs politiques haut-katangais, selon des observateurs.
Il reste que ces candidatures katangaises annoncées à grand renfort de publicité ne sont pas sans poser de sérieux problèmes, d’origine et de nationalité, notamment. Comme Katumbi, à ses détracteurs attribuent, à tort ou à raison, une ribambelle de nationalités (congolaise, zambienne, italienne, grecque), Muyambo, est, il ne s’en cache pas, petit-fils d’un ingénieur néerlandais venu au Congo dans les mallettes des colonisateurs. Les prétentions au top job de l’un et de l’autre pourraient, à n’en pas douter, pâtir de ces origines étrangères qui paraissent d’autant sujettes à caution et qu’elles sont suspectes de les placer dans une situation de loyauté partagée en raison des convoitises et des agressions à répétition dont la RDC est régulièrement l’objet.
Ce n’est pas tout, parce que Katumbi et Muyambo candidats pour le compte du Grand Katanga, ça fait plutôt désordre aux yeux de nombre de ressortissants de cet espace. D’abord en ce que les deux, ressortissants du Haut-Katanga auraient ainsi tendance à occulter d’autres prétentions légitimes d’acteurs politiques en provenance notamment du Lualaba, du Haut-Lomami et du Tanganyika dont le poids sur l’échiquier politique national n’est pas moindre. «On peut trouver mieux que Moïse Katumbi et Jean-Claude Muyambo au Katanga», déclare ainsi au Maximum un professeur de sciences politiques à l’Université de Lubumbashi appartenant à l’ensemble Buluba i bukata, couvrant le Haut-Lomami et le Tanganyika qui a requis l’anonymat. De plus, les deux acteurs politiques n’auraient aucun projet de société particulier, ni pour le Katanga ni pour la RDC, selon le point de vue cet universitaire.
Allochtonie
Même si derrière ce reproche filtre, selon certains observateurs, la délicate question de l’autochtonie qui mine l’unité de l’ancienne province cuprifère depuis les années 1960, Katumbi ou Muyambo n’apparaissent pas pour autant comme représentatifs des communautés du Haut-Katanga dont plusieurs acteurs politiques se disent marginalisés au profit d’autres provinces du grand Katanga. Car, même s’il a été majoritairement plébiscité au terme des scrutins législatifs dans la ville cosmopolite de Lubumbashi en 2006, Moïse Katumbi qui se revendique tantôt de l’ethnie Bemba, tantôt de celle des Bayeke ne serait pas suffisamment proche des populations locales du Haut-Katanga. Il en est de même de JC Muyambo qui se dit Sanga né à Kolwezi dans la province voisine du Lualaba. Les deux compères conviendraient d’un attelage unique pour «diriger ensemble» que cela ne résoudrait guère le problème.
A moins que, jouant au plus malin, Jean-Claude Muyambo ne compte en réalité sur un rejet de la candidature de Moïse Katumbi par la Commission électorale nationale indépendante (CENI) et la Cour constitutionnelle pour cause de multiplicité de nationalités. Comme sous Joseph Kabila en 2018, la polémique au sujet de la nationalité de l’ancien gouverneur du Katanga enfle, depuis notamment que Moïse Katumbi dont la biographie officielle indique qu’il est né d’une mère Bemba, s’est fait introniser ‘‘prince des Bayeke de par sa mère’’ en décembre dernier. Autant d’informations qui restent à vérifier à l’aune du témoignage attribué à l’homme d’affaires Raphaël Katebe Katoto, son demi-frère, assurant que Katumbi est plutôt le fils de leur père commun, un grec d’origine juive séfarade et d’une domestique de ce dernier, Mme Chinyata Makula, fille de Mwata Kazembe, un ressortissant de Kawambwa dans la province du Luapula en Zambie. Certains juristes sont d’avis que c’est la nationalité zambienne de Moïse Katumbi qui, si elle est attestée, constituerait un obstacle à ses ambitions présidentielles au regard de la constitution congolaise.
J.N. AVEC LE MAXIMUM