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Le réveil tardif de l’Occident
Il leur a fallu une très forte concurrence de la Chine et de la Russie dans un contexte d’exaspération continue du sentiment anti-occidental un peu partout en Afrique pour que certains pays occidentaux dont les États-Unis d’Amérique tentent désespérément une véritable opération séduction en organisant, huit ans après, le deuxième sommet USA- Afrique qui se tient à Washington DC. du 13 au 15 Décembre 2022.
Devant près de 49 dirigeants politiques dont le président RD Congolais Félix Tshisekedi, l’administration Biden tente ainsi de regagner en influence sur le continent en promettant d’ores et déjà 55 milliards de dollars à l’Afrique sur trois ans, un geste qui ne réussira pas à faire oublier une politique étrangère américaine liée aux humeurs de chaque locataire de la Maison Blanche comme celles de « America first » ( l’Amérique d’abord) aussi isolationniste que rétrograde de l’ancien président US, Donald Trump.Jr alors que dans certains milieux du capitalisme en profonde crise, d’aucuns pensent que l’Afrique est devenue la nouvelle frontière de la mondialisation capitaliste et qu’elle détiendrait les clés de sortie de crise.
Huit ans après le premier sommet du genre ( sous la présidence de Barack Obama en 2014), cette rencontre de haut niveau présente des enjeux pour l’Administration Biden qui espère démontrer son engagement envers le continent et aussi remettre sur la table l’Agoa, une initiative mise en place en 2000 avec pour objectif de faciliter les exportations africaines vers les Etats-Unis pour soutenir le développement économique. Cela pourrait permettre au Pays de l’Oncle Sam de réduire sinon rattraper son retard face à la Chine, en terme du volume des investissements en Afrique.
En réalité, l’un des objectifs majeurs du Sommet sera pour les Etats-Unis de tenir un discours mielleux sur les bienfaits du commerce et des investissements dans le but d’avoir encore plus accès aux ressources du continent africain. Bien plus, le sommet Etats-Unis- Afrique aura également au menu les questions sécuritaires, notamment dans les pays des grands lacs où la République Démocratique du Congo est agressée et envahie par son voisin Rwandais, les financements compensatoires pour faire face aux changements climatiques dont a fait mention, d’entrée de jeux, le Président Félix Tshisekedi qui exposait devant ses pairs sa consternation suite à des pluies diluviennes qui ont causé plus de 120 morts à Kinshasa et coupé en deux la route nationale N°1 au niveau de la commune de Mont-Ngafula mardi dernier. Et ce, en dehors des échanges avec les autorités américaines qui devraient être mis à profit par les pays africains pour demander un soutien appuyé des Etats-Unis afin que l’Afrique obtienne un siège, longtemps réclamé, au Conseil de sécurité de l’Onu.
La bonne question à se poser est de savoir s’il en serait autrement si la concurrence sino-russe n’a pas un peu forcé la main à l’occident pour être un peu plus regardant envers l’Afrique. Quoi que veulent les américains, un monde multipolaire fait des pays comme la Chine, la Russie etc. va sauver des vies et faciliter la paix, notamment en Afrique. Les conséquences désastreuses du monde unipolaire né dans la foulée de la chute du Bloc soviétique pour l’Afrique et en particulier la grande région des grands lacs africains ont laissé les cicatrices plein la peau et quelques-unes dans les souvenirs des africains. Avec la montée en puissance économique de la Chine et la force de la Russie, dont l’État a été rebâti après la débâcle sous Boris Eltsine, les pays africains peuvent se permettre de dire non à Washington, à Londres et à Paris. Aussi, ils peuvent rétablir la paix sans l’intervention ni la supervision de grandes puissances, qui, malgré leurs belles paroles sur les droits de l’homme et la démocratie, ne cherchent qu’à avancer leurs intérêts impériaux. Le cas du Sommet de Luanda (Angola), qui a exigé que les terroristes du M23 se retirent du Congo et retournent d’où ils viennent, au Rwanda, en est un excellent exemple. Le M23 a accepté de se retirer de la RDC nonobstant quelques tergiversations.
Le Message de Kishishe
Comment interpréter, traduire certains messages reçus de Kishishe, une localité du Rutshuru dans le grand Kivu en RDC où plus de 300 personnes ont été tuées de sang froid début décembre par la coalition RDF-M23 sans que l’Union européenne ne renonce à soutenir à hauteur de 20 millions de dollars l’armée rwandaise alors que dans le même temps, la Chine réclamait carrément la levée de l’ embargo onusien sur les armes en RDC et la Russie réclamait des enquêtes visant à punir les auteurs et commanditaires de cette boucherie en remettant sur la table son offre pour aider la RDC ?
Pour le ministre de l’Industrie en RDC, Julien Paluku, la progression du M23 à Kishishe a pour objectif de contrôler les gisements miniers se trouvant à Rutshuru principalement ceux de la Société Aurifère du Kivu et du Maniema (SAKIMA), l’ex-SOMINKI, pour piller les minerais du Congo. Dans la quête du M23, c’est plus le pyrochlore, un minerai qui contient le niobium, une matière première très utile dans l’aéronautique et l’informatique, qui est visé. «Ce qui se passe à l’Est de la RDC est une guerre économique. Ce sont le coltan, la cassitérite, l’or et surtout le pyrochlore qui sont visés. C’est la mine de l’ex-Sominki qui est visée. Ce qui justifie la progression de l’armée Rwandaise vers Kishishe, c’est pour contrôler la mine de l’ex-Sominki afin d’extraire le pyrochlore», a dénoncé Julien Paluku lors du briefing hebdomadaire organisé lundi 5 décembre par Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement.
Les différentes réactions qui s’en sont suivies et surtout le ressenti des Congolais illustrent tous à leur manière le basculement géopolitique que nous sommes en train de vivre au niveau mondial avec un double centre, comme dans une ellipse, pour le monde multipolaire d’abord par l’impulsion russo-chinoise dans les relations sud-sud et ensuite la guerre européenne en Ukraine avec des Etats-Unis utilisant leurs vassaux européens pour conserver l’hégémonie. Et il nous convient de montrer comment “le petit homme” que, celui qui subit la Storia, nous tous tentons de conserver un difficile équilibre dans le séisme…
Voici donc venu de Kishishe d’énigmatiques messages qui interpellent à la fois les décideurs politiques congolais que le monde : « Quel que soit le partenaire avec qui elle va composer, la RDC a besoin de paix, de faire taire les armes sur son sol et d’impulser son développement intégral !».
USA-Afrique, une amitié qui n’en est pas une
«Il est impossible de tromper tout le monde tout le temps». Ce dicton très connu est celui prononcé par Abraham Lincoln. Le fait que les États-Unis, depuis leur existence, aient renforcé leur puissance sans aucune considération des dommages pour autrui est devenu sensiblement perceptible, dans le monde entier. Une différence qui existe entre le monde «occidental» et le «reste du monde» réside dans l’évaluation divergente relative à ce fait. On peut le constater également dans le comportement de maints gouvernements, notamment de ceux qui n’agissent pas dans l’intérêt de leurs populations.
Le « monde occidental » ne se range pas aux côtés des pays Africains par amitié, mais en raison de la soumission de leurs élites à leur leadership, faute de moyens de se soustraire à la violence du chantage exercé sur eux. En d’autres termes, cette «alliance Afrique-USA» voulue par le président Biden au sommet USA- Afrique est en réalité ce que le droit romain a dénommé un latrocinium, une campagne de pillage, dont l’adhésion dépend du droit du plus fort exercé sur ses acolytes.
L’indifférence de Washington à l’égard des africains qui souffriront encore de l’insécurité dans le Sahel et les pays des grands lacs en raison de l’agression de la RDC par le Rwanda et du sabotage des efforts de développement par le terrorisme, sans parler de la destruction de leur économie, n’étonne plus. Croire au miracle à l’issue du sommet USA-Afrique c’est ignorer la nature des relations internationales qui fait peu de cas du sort des peuples et plus encore l’évolution profonde de la politique américaine ces dernières décennies qui se résume en un bout de phrase comme l’a si bien dit Trump « America first».
Alfred LOSEKOLA