Le député (ex-UDPS), ancien président a.i du parti présidentiel, a franchi le Rubicon. Lundi 18 juillet 2022 dans sa résidence cossue de Kingabwa à Limete, Jean-Marc Kabund a Kabund a rameuté tout ce que Kinshasa compte comme médias et quelques sympathisants pour annoncer avec pompes la création de son parti politique, l’Alliance pour le changement (AC) et une croisade contre Félix Tshisekedi. Cet ancien secrétaire général de l’UDPS qui passe ainsi avec armes et bagages dans l’opposition en a appelé au peuple congolais et «à tous ceux qui croient au combat du père de la démocratie congolaise (Etienne Tshisekedi ndlr) à se mobiliser pour barrer la route à ce régime des irresponsables jouisseurs».
Annoncée plusieurs semaines auparavant pour produire un effet à la hauteur d’un acteur politique qui, manifestement, ne se voyait pas moins que calife à la place du calife en RDC, la sortie médiatique de Kabund aura été un cas d’école d’égocentrisme politicien. Pas la moindre expression de modestie. Son discours était ponctué d’une litanie de «je». Nulle part on n’y trouve le «nous» derrière lequel se dissimulent habituellement les âmes bien nées. Typique de l’arriviste imbu de lui-même qui, aussitôt parvenu au pouvoir s’érigea en un deus ex machina, crevant les pneus des voitures qui gênaient son passage sur la voie publique. Son voisin et même la mère biologique de son patron, le chef de l’Etat, veuve de celui dont il prétend poursuivre le combat, en firent les frais, entre autres.
Mais, ce lundi 18 juillet, ce n’est pas de cela qu’il fut question dans la diatribe déclamée par l’ancien président intérimaire de l’UDPS.
Litanie d’états d’âmes
Face à l’assistance, Jean-Marc Kabund a introduit son propos par un rappel… du silence auquel il s’était astreint «malgré les turbulences émaillées d’actes de sabotage, d’humiliations, d’ingratitude et même de calomnie» imposés à sa personne depuis le début de l’année, lesquels l’ont conduit à initier sa propre formation politique, «de gauche qui fera, sans nul doute, l’opposition au régime actuel». En second lieu, il évoque «l’absence d’une vision claire et d’un leadership convaincant dans le chef du président Félix Tshisekedi, l’incompétence notoire et la mégestion institutionnalisée caractérisée par l’insouciance, l’irresponsabilité, la jouissance et la prédation au sommet de l’Etat ; la proposition d’une nouvelle offre politique, alternative crédible à l’échec du régime Tshisekedi».
Jean-Marc Kabund qui se proclame «incontestablement l’héritier idéologique» d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba, reproche au président de la République, Félix Tshisekedi d’«avoir négligé mes appels à opérer un changement profond en vue de bâtir un Etat de droit, pour sortir le peuple congolais de l’extrême pauvreté». Selon lui, «aucun projet concret n’a été finalisé alors que les caisses de l’Etat saignent jour et nuit, en contradiction des principes sacrosaints et inviolables qui caractérisaient notre orientation politique en matière de gestion de la chose publique dont le socle est la bonne gouvernance et la redevabilité. Les promesses irréalisables sont considérées désormais comme mode de gestion, le mensonge, la manipulation comme vision de gouvernance, le détournement des deniers publics et la corruption comme mode d’exécution des projets».
Dénonciations théoriques
Revendiquant faussement une expertise et une expérience dans la gestion publique, cet étudiant en premier cycle universitaire poursuit sa litanie de dénonciations en déclarant toute honte bue que «le système Tshisekedi est incapable de mobiliser les recettes à la dimension du grand Congo et à l’immensité de ses ressources et richesses. En revanche, force est de constater que l’appareil de l’Etat se détériore et est devenu de plus en plus un club d’amis où les apprentis-sorciers de tous bords exercent leur premier stage au sommet de l’Etat. Quoi de plus ahurissant que de constater que le peuple qui constitue le fondement de la démocratie sociale, ait été volé par l’Etat sous la coordination des services de la première institution de la République à travers le dossier RAM. Cette escroquerie d’Etat s’est déroulée au grand jour». Sur cette lancée rythmée d’attaques ad hominem contre Félix Tshisekedi, à qui il attribue même la création du M23 (une dizaine d’années avant son avènement à la tête de l’Etat !), Kabund accuse pratiquement le chef de l’Etat de tous les péchés d’Israël. «Le désastre qui prévaut actuellement à l’Est du pays, dans les provinces du Nord – Kivu et de l’Ituri, relève de la responsabilité première du chef de l’Etat et de son gouvernement. Les dirigeants actuels n’ont entrepris aucune réforme de notre système de défense et de sécurité. Pire encore, les militaires et les policiers vivent dans des conditions exécrables. Depuis que Monsieur Félix Tshisekedi est au pouvoir, il n’a jamais songé à doter l’uniforme aux éléments des FARDC et de la PNC. Si tel est le cas, que dirions-nous des armes et munitions qui sont indispensables pour toute campagne militaire afin de défendre la République ? Dans ces conditions, il est clairement établi que le système en place expose la République, le peuple congolais ainsi que ses ressources naturelles», a-t-il déclaré pince-sans-rire.
Alternance utopique
Jean-Marc Kabund propose une alternative qui sonne comme du déjà entendu. «La transformation de l’homme congolais, la refondation de l’Etat, la mise sur pied d’un modèle économique et financier favorable au contexte congolais et la révolution sociale à travers une gestion rationnelle et raisonnable des richesses et ressources naturelles. Nous visons l’amélioration des conditions de vie des populations congolaises à travers la création d’une classe moyenne. En cela, l’Alliance pour le changement se veut le champion de la pratique de l’équité, de la justice et du droit, de la protection et la sécurité sociale ainsi que de la quête permanente du bonheur partagé, en réalisant un équilibre intelligent entre l’Etat, le patronat et les salariés ; en mettant en œuvre des mécanismes nouveaux de redistribution équitable des richesses du pays et de contrôle des finances publiques, tout en luttant contre la corruption, l’impunité, le tribalisme, le trafic d’influence, le clientélisme, le népotisme et le laxisme béat dans la gestion de la chose publique», a-t-il martelé.
Pour couronner le tout, le nouvel opposant à Tshisekedi s’est employé à révéler quelques ‘‘secrets’’ croustillants du régime relatifs à l’organisation des prochaines élections. «Je suis déçu de vous annoncer que le régime Tshisekedi a décidé de mettre en péril la périodicité, la sincérité et la transparence des élections en préparant le glissement ainsi qu’en orchestrant une fraude massive aux prochaines échéances électorales. Le plan consiste en la création de plusieurs partis politiques-mallettes dans l’entourage du président Félix Tshisekedi par les membres de sa famille et amis dans l’espoir de se voir distribuer des sièges au niveau de l’Assemblée Nationale et des Assemblées provinciales. Ce plan funeste dont se vantent d’ores et déjà les précités, vise à s’attribuer par des mécanismes frauduleux 300 sièges à la chambre basse et laisser 200 aux autres formations politiques», a-t-il poursuivi.
Réactions
C’en était trop, même pour des acteurs politiques extérieurs au parti de la 10ème rue limete. Des voix se sont aussitôt élevées pour déplorer la mauvaise foi et recadrer le tout nouveau président de l’Alliance pour le changement. A l’instar de celle du député lumumbiste, et kasaïen comme Kabund et Tshisekedi, Lambert Mende Omalanga qui, dans une lettre ouverte d’une grande élégance, a conseillé à Jean-Marc Kabund de faire passer ses états d’âme après les intérêts de la Nation.
Le député national élu de Lodja (Sankuru) a poliment mais fermement rappelé à son jeune collègue que ce qui doit primer aujourd’hui, «ce sont moins les jérémiades et l’orgueil blessé (des élus) que les menaces contre l’intégrité du territoire que des terroristes manipulés par le Rwanda font peser sur notre pays à l’Est et qui appellent à l’unité nationale. Tout le reste n’est que distraction, billevesées et calembredaines».
A la suite de Mende, Germain Kambinga s’est elevé
le 20 juillet contre «la stérilité des débats de cour de récréation en attendant que le Rwanda par le M23 interposé ne prenne et Goma et que sais-je encore !». Il en est de même du député national Crispin Mbindule de Butembo, qui estimait, lundi 18 juillet qu’«à ce moment où le chef de l’Etat affronte les terroristes ADF et M23 Rwanda, il est irréfléchi de le considérer comme ’’danger public’’. Quand le singe veut monter sur le cocotier, il faut qu’il ait les fesses propres», a-t-il dit en s’inspirant d’un vieil adage bantou.
De ‘‘fesses propres’’, Kabund semble ne pas en voir, à en juger par la réplique musclée de l’UDPS, son ancien parti le 20 juillet. Au cours d’un point de presse, le secrétaire général de ce parti, Augustin Kabuya a rappelé que Kabund avait été exclu pour «détournement de plusieurs millions USD de cartes de membres et de cotisations, agression d’un élément de la garde républicaine ainsi que le monnayage éhonté des postes de responsabilité réservés à l’UDPS».
Le coup de gueule de Kabund apparaît donc comme une extériorisation de frustrations au lieu d’une défense contre les griefs ayant conduit à son exclusion, selon Augustin Kabuya qui a entrepris d’exposer la personnalité de l’homme «poussé par la folie du pouvoir afin de faire comprendre sa vraie nature qui justifie tous les faits et actes passés et présents».
Réplique musclée
Le nouveau n° 1 a.i de l’UDPS a ainsi dépeint un Kabund qui «ne s’était jamais empêché de s’ériger en justicier en se permettant d’interpeller des contrevenants aux lois mais aussi en infligeant, sans titre ni qualité, des châtiments corporels ci et là, en confisquant des biens d’autrui dont des carrés miniers et autres comme en novembre 2021, lorsqu’il avait ravi les carrés miniers d’un citoyen congolais qui ne put recouvrer sa propriété qu’après moult interventions». L’UDPS révèle également que «le dernier méfait visible et connu de Jean-Marc Kabund qui lui a valu l’exclusion du parti, n’est pas une quelconque contradiction idéologique ou politique avec le chef de l’Etat Félix-Antoine Tshisekedi , moins encore avec les instances du parti dont il assurait personnellement, de manière autocratique, la direction mais plutôt, sa délinquance qui l’a conduit à humilier publiquement, par le canal de ses gardes du corps, un membre de nos forces armées, plus spécialement, un élément de la Garde républicaine».
Suivent ensuite la réfutation de l’argumentaire développé par Kabund au cours de son point de presse.
Enrichissement éclair
«Lorsque Kabund fait état des jouisseurs au sommet de l’Etat, il faut qu’il précise qu’il s’adresse à lui-même. En une année de mandat au bureau de l’Assemblée nationale, il a construit une école d’une valeur de 350.000 USD. Alors que deux ans auparavant, il n’avait rien. Ceci n’étant qu’illustratif parce qu’il faut y ajouter les constructions de stades et villas de luxe à travers tout le pays», fait observer Augustin Kabuya qui fustige également des déclarations tapageuses et irresponsables en cette période où le pays fait face à une agression étrangère. «Par ces déclarations, Jean-Marc Kabund a montré clairement son accointance avec les ennemis de la République et devrait désormais être considéré comme traître à la Nation, car, contrairement à ce qu’il raconte, notre armée est au centre des préoccupations de nos dirigeants aujourd’hui plus que jamais: les militaires sont recrutés, formés et équipés. Des efforts visibles sont consentis pour améliorer leurs conditions de vie», a-t-il bûcheronné.
L’incapacité à mobiliser les recettes publiques dénoncée par Kabund a, elle aussi, reçu une réplique de son ancien lieutenant. «Depuis 2019, le budget de l’Etat a subi chaque année de fortes mutations en termes d’amélioration des performances dans le recouvrement des recettes publiques et dans les dépenses sociales. De trois milliards USD dans les assignations d’avant 2019 soit la moyenne de 40%, le budget de l’Etat est en train de se hisser autour de dix milliards USD soit plus de trois fois la situation de 2018 avec une mobilisation dépassant largement les 100% des prévisions dans un contexte de récession mondiale liée notamment à la pandémie à Covid-19 et à la guerre en Ukraine. Le stock des réserves de change internationales est en fort accroissement : de huit cent million USD fin 2018, elles se situent au-delà de quatre milliards USD à mi 2022, une réalisation jamais atteinte dans l’histoire du pays. Le marché de change est resté relativement stable depuis fin 2020 jusqu’à ce jour. Tout cela est incontestablement une expression des effets de la bonne gouvernance induite par le leadership du président de la République Félix-Antoine Tshisekedi. Toutes ces évidences restent invisibles aux yeux de Jean Marc Kabund: c’est pitoyable !», a déclaré le secrétaire général du parti présentiel.
Budget de 10 milliards USD
S’agissant de l’accusation de ‘‘complot électoral’’ dénoncé avec emphase le 18 juillet dernier à Kingabwa, Kabuya déclare qu’«à une année de la convocation du corps électoral, la CENI difficilement mise en place accusait à son installation 28 mois de retard. A ce jour, grâce à la détermination de son Excellence Félix Tshisekedi, ce retard a été comprimé. Une seule opération pré-électorale nous sépare de la tenue effective du scrutin. C’est l’actualisation du fichier des électeurs. Les appels d’offres ont été lancés tant pour l’équipement en machine que le recrutement du personnel. Où donc se situerait ce fameux complot?».
Quant à la gratuité de l’enseignement de base décrétée par le nouveau pouvoir et dont Kabund dénonce l’échec, l’UDPS soutient qu’elle «est au contraire effective à ce jour. Parmi ses effets, on peut citer notamment : La révision à la hausse des salaires de base de tous les enseignants, l’alignement et le payement de plus de 250.000 enseignants restés nouvelles unités, certains depuis plus de 30 ans, l’octroi des indemnités de transport et de logements aux enseignants des chefs-lieux des provinces, l’octroi de la prime de brousse à ceux des territoires, ainsi que le paiement de la prime de la gratuité aux enseignants du primaire. Ces augmentations portent à 327.023 FC le salaire moyen d’un enseignant au niveau national; le réajustement des frais de fonctionnement des écoles primaires qui ont conduit à une augmentation faisant passer de 45.000 FC à : 200.000 FC pour les écoles de 1 à 11 classes soit une augmentation de 344% ; 420.190 FC pour les écoles de 12 à 18 classes soit une augmentation de 834%; 620.190 FC pour les écoles de 19 classes ou plus soit une augmentation de 1.278% ; 2.450.000 FC pour les écoles de prestige soit une augmentation de 5.344%. Toutes ces actions ont fait passer l’enveloppe mensuelle de paie des enseignants de 70.154.552.544 FC à 205.740.718.434 FC soit une augmentation de 193% ».
RAM : le mensonge de Kabund
S’agissant du dossier relatif à la taxe sur le Registre des appareils mobiles (RAM), le secrétaire général de l’UDPS souligne un trait de caractère propre au pourfendeur de Félix Tshisekedi: « Jean-Marc Kabund est un menteur. Comme député et deuxième personnalité de l’Assemblée nationale, il n’a jamais pipé mot lors des discussions sur ce dossier dans l’hémicycle. Il a attendu son éviction pour s’adonner à une sorte de règlement de comptes. L’on peut comprendre en quoi le mensonge reste intimement lié aux gênes même de Jean-Marc Kabund qui, en son temps, avait menti sur ses origines pour gagner la confiance du président Etienne Tshisekedi pour se faire nommer secrétaire général du parti. Y-a-t-il plus dangereux dans ce pays que cet homme qui a usé des moyens de la République mis à sa disposition pour s’attaquer à nos forces armées, à des paisibles citoyens et à notre police pour satisfaire sa gloriole ?», a-t-il rappelé en signalant que la taxe querellée (RAM) a été instituée par le précédent gouvernement, dont le 1er ministre, le PPRD/FCC Ilunga Ilunkamba, avait signé le décret de mise en application.
H.O.