En vacances parlementaire au Sud-Kivu, le président de la chambre haute du parlement rd congolais, Modeste Bahati Lukwebo, a effectué une sortie médiatique vibrante à l’escale de Goma, vendredi 15 juillet 2022. Le patron de l’AFDC-A, un regroupement politique bien représenté dans les deux chambres législatives et au sein de la coalition au pouvoir à Kinshasa, a reçu un bain de foule impressionnant au chef-lieu du Nord-Kivu où il a exhorté ses concitoyens à soutenir les Forces armées de la RDC qui affrontent les terroristes du M23 soutenus par Kigali. Devant la presse ensuite, Bahati a réitéré le message pathétique de soutien des élus de la nation aux troupes engagées au front. «Au niveau du parlement, nous nous sommes organisés pour apporter notre soutien et notre appui à nos vaillantes FARDC et à la Police. J’invite la population congolaise à se ranger derrière le chef de l’Etat, commandant suprême des FARDC et de la Police. J’invite la population congolaise à se ranger derrière les autorités nationales et provinciales », a-t-il martelé.
17.000 incapables …
Le speaker du Sénat, habituellement plus réservé, ne s’est pourtant pas pas arrêté là. A l’instar de son collègue de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso Nkodia Pwanga qui déploie une véritablement offensive diplomatique de dénonciation de la énième agression rwandaise en RDC, il a dénoncé à haute et intelligible voix « l’indifférence de la communauté internationale face aux drames récurrents qui s’abattent sur la République Démocratique du Congo ». Première cible visée, la Mission des Nations-Unies pour la Stabilisation du Congo (MONUSCO) présente dans le pays depuis 23 ans avec un effectif de 17.000 hommes, casques bleus et policiers compris, soit la troisième force onusienne au monde en effectifs, après la MINUSMA au Mali (18.108 effectifs) et la MINUSS au Soudan (18.000 effectifs).
A Goma, vendredi dernier, Modeste Bahati n’est pas allé avec le dos de la cuiller pour dire le ras-le-bol de la représentation nationale congolaise à l’égard de la mission onusienne : « 20.000 personnes depuis plus de 22 ans et on n’a pas la paix ! Nous nous posons la question de savoir si ça vaut la peine de continuer à garder la MONUSCO sur notre territoire. Le complot est total », a-t-il déclaré.

17.700 déplacés
Dans la ville de Goma occupée il y a dix ans par la même rébellion du M23 soutenue par Kigali, Modeste Bahati se trouvait à quelques dizaine de kilomètres du front où les FARDC affrontent les terroristes du M23 que d’aucuns dans les sphères officielles à Kinshasa considèrent, ni plus ni moins, qu’une créature du régime rwandais de Paul Kagamé. L’agglomération surpeuplée de déplacés en errance (17.700 selon des chiffres fournis par les experts onusiens) venait d’inhumer une dizaine de ses héros, des éléments FARDC tombés au champ d’honneur, quelques heures plus tôt. Impossible pour le N°1 du Sénat de ne pas communier avec les populations martyrisées du Nord-Kivu. «Je pense qu’il est temps pour nous-mêmes que nous puissions nous assumer. La plus grande arme, c’est notre détermination, la détermination de la population », déclarera Bahati à l’intention de la foule chauffée à blanc venue l’accueillir avant d’ajouter que «la communauté internationale est complice de ce qui nous arrive maintenant. Nous-mêmes nous devons nous défendre avec les armes de bord. Nous prendrons toutes sortes d’armes pour nous défendre».
Rage et exaspération
La sortie médiatique de Modeste Bahati à Goma fut précédée, et peut-être suscitée selon certaines sources, par une autre dont il n’y a nullement lieu de se vanter. Celle faite au cours de sa conférence de presse hebdomadaire dans le bunker qui lui sert de quartier général de la MONUSCO à Kinshasa-Gombe mercredi 13 juillet 2022 par Mathias Gilman, porte-parole de la mission, avouant piteusement « l’incapacité de la force MONUSCO à faire face aux agressions dont la RDC est l’objet » et insistant lourdement sur «la nécessité de maintenir la pression sur les ADF et d’autres groupes armés opérant dans le Nord-Kivu et l’Ituri, alors que l’armée congolaise et la Mission concentrent leurs efforts et une partie de leurs moyens à repousser les attaques du M23. Ce qui a forcément des implications négatives sur les autres régions où l’armée nationale et la MONUSCO opèrent».
Dans les griffes des agresseurs
Assénée à l’opinion un mois jour pour jour après l’occupation du poste frontalier de Bunagana en territoire de Rutshuru par les terroristes du M23 appuyés par des troupes des Rwanda Defence Forces (RDF), au nez et à la barbe des forces ougandaises intervenant théoriquement aux côtés des FARDC pour enrayer une précédente tentative d’occupation de l’agglomération frontalière, l’aveu d’impuissance onusien a glacé d’effroi plus d’un Congolais. Tout se passait (et se passe encore) comme si la mission onusienne et donc la communauté internationale qu’elle représente et qui venait de reconduire l’embargo inavoué sur l’acquisition d’armes et munitions qu’elle impose aux autorités légitimes congolaises jetaient la RDC en pâture à ses agresseurs. D’autant plus que Gilmann rappelait que «la Représentante spéciale (du secrétaire générale des Nations-Unies et cheffe de la MONUSCO, ndlr) réitère la nécessité d’engager au plus vite la désescalade, d’obtenir que le M23 et tous les groupes armés déposent les armes sans conditions, et d’assurer une réponse régionale et internationale unie pour la sécurité et la stabilité à l’Est de la RDC ». Sans plus. A la question d’un journaliste sur cet aveu d’impuissance, le porte-parole onusien se montrera plus précis encore : «Nous n’avons pas des capacités extensibles à merci. L’armée congolaise non plus n’a pas de capacités extensibles à merci », lâchera-t-il.
La conclusion est claire comme de l’eau de roche, pour Modeste Bahati, Christophe Mboso comme pour la quasi-totalité de leurs compatriotes : la seule alternative laissée par la MONUSCO et la communauté internationale est de se plier aux conditions dictées par les agresseurs rwandais dissimulés derrière les phalanges rebelles, terroristes et les groupes armés par procuration qui sont à la manœuvre pour la balkanisation du pays de Patrice-Emery Lumumba en commençant par l’Est. Et la réponse est niet, d’où l’appel à se mobiliser.
J.N.