Un différend entre actionnaires concernant l’une des plus grandes mines de cuivre et de cobalt au monde s’intensifie en RDC après la menace par la Gécamines de bloquer les exportations ou même de retirer la mine à son partenaire, China Molybdenum Co.
L’entreprise d’Etat qui détient 20% de la société holding de la mine de Tenke Fungurume, a accusé CMOC de manipuler les finances du projet et dit devoir jusqu’à 5 milliards USD de paiements.
Un tribunal congolais a nommé un administrateur provisoire pour gérer la société holding pendant que les actionnaires règlent leurs différends, mais CMOC a insisté sur le fait que rien n’avait changé. L’administrateur, Sage Ngoie Mbayo, dit qu’il contrôle maintenant les comptes bancaires de la société mais qu’il a été empêché d’accéder au site minier la semaine dernière par des soldats congolais.
La situation a failli dégénérer jeudi lors de la première rencontre entre les actionnaires et Ngoie dans les locaux de Tenke Fungurume Mining SA à Lubumbashi. Alors que les deux hauts dirigeants de la Gécamines étaient présents, les représentants du CMOC n’ont pas répondu au rendez-vous.
Le directeur général de la Gécamines, Bester-Hilaire Ntambwe Ngoy Kabongo, et son adjoint, Leon Mwine Kabiena, ont déclaré qu’ils étaient prêts à prendre des mesures plus drastiques, notamment en révoquant effectivement la propriété du projet par CMOC en dissolvant le partenariat.
Gardes armés
«Si ça continue comme ça, nous allons demander la dissolution», a tempeté le PDG. Les deux dirigeants étaient de plus en plus agités au cours de la réunion, qui a duré deux heures dans une salle de conférence vide pendant que des gardes armés veillaient à l’extérieur. «Ce que CMOC fait maintenant, c’est voler, tricher, dissimuler», a martelé Mwine les qualifiant de «menteurs», «pilleurs», «bandits» et «criminels».
Le CMOC n’a pas répondu dans l’immédiat aux questions sur la réunion ou les déclarations de la Gécamines. La société a précédemment déclaré que la mine fonctionnait comme d’habitude sans aucun changement de direction et que la production dépassait les objectifs. Dans son rapport annuel 2021, le CMOC a déclaré que la communication avec la Gécamines était «complexe et dynamique» et qu’ils prévoyaient d’engager un tiers indépendant pour vérifier les désaccords sur les estimations des réserves «et résoudre les différends par une négociation juste et impartiale».
Toute perturbation des opérations ou des exportations de Tenke Fungurume pourrait avoir des répercussions sur les marchés mondiaux des métaux. Le Congo est l’un des principaux producteurs mondiaux de cuivre et de loin le plus grand fournisseur de cobalt, un minerai clé pour les batteries. Tenke représente à lui seul environ 14% de la production mondiale de cobalt, selon les calculs de Bloomberg utilisant les chiffres de Darton Commodities Ltd., et le corps minéralisé devrait durer des décennies.
CMOC a acheté le contrôle du projet à Freeport McMoRan Inc., basé à Phoenix, il y a environ cinq ans dans le cadre d’un accord qui a finalement coûté à l’entreprise plus de 3 milliards USD. La mine a produit 209.120 tonnes de cuivre et 18.501 tonnes de cobalt en 2021, selon CMOC.
Le différend entre les partenaires actuels a commencé vers le mois d’août dernier, lorsque CMOC a annoncé qu’il investirait 2,5 milliards USD supplémentaires pour doubler la production de la mine. Les responsables de la Gécamines se sont demandé comment elle pourrait réaliser cette énorme augmentation sans augmenter ses estimations de réserves, ce qui entraînerait des paiements de redevances de 12 USD par tonne, a fait observer Ntambwe.
Quelques semaines après l’annonce du CMOC, le président congolais Félix Tshisekedi a formé une commission pour examiner le partenariat et la Gécamines a rapidement suivi avec une action en justice devant le tribunal de commerce de Lubumbashi qui en février, a tranché en faveur de la Gécamines en ordonnant que Tenke Fungurume Mining SA soit dirigée pendant six mois au moins par Ngoie, docteur en géohydrologie et ayant précédemment travaillé pour plusieurs mines congolaises dont TFM.
En panne
Le gouvernement congolais a suspendu la nomination pendant que la commission présidentielle tentait de négocier avec le CMOC, mais les pourparlers ont de nouveau échoué, selon Mwine, qui est également coordinateur de la commission.
Ngoie a déclaré qu’il n’était ni du côté du CMOC ni de la Gécamines, et que sa préoccupation était la santé de l’entreprise. «Je suis l’église au milieu du village», a-t-il déclaré. En plus des comptes bancaires de TFM, Ngoie a laissé entendre qu’il contrôlera bientôt ses exportations. «Ils ne prennent pas l’avion, ils ne prennent que la route. Et d’une manière ou d’une autre, je contrôlerai cela. J’en ai le pouvoir», a-t-il lâché tandis que Mwine lui, a affirmé que la Gécamines a le droit, en tant qu’actionnaire, de bloquer les exportations du projet. «Des dispositions tactiques peuvent également être prises au niveau de la route afin qu’aucune production de TFM ne puisse sortir. Nous avons beaucoup d’options sur la table et s’ils continuent avec ce jeu, les choses deviendront plus difficiles», a-t-il précisé.
LE MAXIMUM AVEC BLOOMBERG