Dix mois après la proclamation de l’état de siège dans les provinces du Nord- Kivu et de l’Ituri, et quatre mois après le lancement des opérations conjointes FARDC-UPDF contre les terroristes ADF et les milices congolaises, les élus nationaux et provinciaux des deux provinces semblent d’accord sur un point : aux grands maux les grands remèdes. Plus question de pourfendre la mesure exceptionnelle prise par le président de la République pour ramener la paix et restaurer l’autorité de l’Etat dans la région. Mercredi 23 mars 2022, des députés nationaux et provinciaux du Nord-Kivu ont tenu une réunion d’évaluation de l’état de siège, au terme de laquelle ils ont constaté d’indéniables avancées sécuritaires, depuis la mutualisation des forces entre les armées ougandaises et congolaises. Suffisamment d’avancées pour qu’ils demandent au chef de l’Etat de commuer l’état de siège en état d’urgence. Une nouvelle mesure exceptionnelle qui, tout en maintenant le renforcement des pouvoirs des forces de l’ordre, déjà en vigueur avec l’état de siège, remplaceraient les militaires aux commandes desdites provinces par des autorités civiles nanties de pouvoirs exceptionnelles, elles aussi.
Elus provinciaux de l’Ituri chez Mboso
De leur côté, des élus de la province de l’Ituri, reçus le même mercredi 22 mars par le président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso, ont réitéré leur soutien à l’état de siège et aux opérations militaires en cours dans leur province. Pas d’exigence de suspension de l’état de siège donc, comme on l’a parfois entendu de certains leaders de cette province où les opérations de traque des terroristes ADF et des milices locales ont démarré récemment et portent à peine leurs fruits. Quelles que soient les divergences d’approche, il semble qu’au Nord-Kivu comme en Ituri, un consensus se dégage autour de la nécessité de passer par des mesures fortes pour pacifier ces territoires soumis à l’arbitraire et à la sauvagerie.
Sur le terrain des opérations, cependant, les bonnes nouvelles alternent avec les mauvaises, même si les premières prédominent. Les craintes et le pessimisme nés du déclenchement des opérations militaires conjointes FARDC-UPDF se dissipent peu à peu. En ce compris la hantise développée par certains observateurs craignant que l’intervention ougandaise en RDC ne serve qu’à éloigner les ADF des frontières avec leur pays. Autorités militaires ougandaises et congolaises, ainsi que des observateurs ayant soutenu que la puissance de feu des forces ainsi coalisées avaient fait fuir les ADF vers l’Ouest, aux confins du Nord-Kivu et en Ituri, désertant ainsi leurs bases de la région de Beni.
Multiplication des exactions
Les exactions de ces dernières semaines indiquent que s’il est vrai que le gros des égorgeurs a effectivement migré, la région de Beni n’en est pas pour autant sorti de l’auberge.
Mardi 15 mars 2022 à Vukohwa, un village de la localité de Kikura dans le secteur de Ruwenzori, deux femmes ont été tuées à la machette par des rebelles ADF. Trois jours après à Kamango (chefferie de Watalinga), une localité pourtant frontalière de l’Ouganda, 6 civils ont été tués au cours d’une attaque particulièrement violente des ADF mercredi 16 mars vers 20 heures locales, dont 2 au centre de Kamango et 4 autres à Buisega, un village voisin. Avant l’intervention des FARDC qui ont repoussé les assaillants, neutralisant au passage 3 éléments ADF.
Dimanche20mars, c’étaitau tour de Eringeti (territoire de Beni) d’être ciblée par les ADF. 4 personnes ont succombé à une embuscade tendue à Linzo sur la RN4 axe Oïcha-Eringeti. Les victimes revenaient de l’enterrement d’un des leurs, victime des mêmes ADF quelques jours plus tôt. Le même jour à Maybaridi, village proche d’Eringeti, 6 agriculteurs ont été achevés à la machette par des rebelles ADF.
Attirer l’attention du parlement
Cette multiplication des exactions contre les populations civiles par des rebelles en débandade s’explique par l’approche de l’ouverture de la session parlementaire, selon Me Omar Kavota, coordonnateur d’une Ong de défense des droits de l’homme, le CEPADHO. « En multipliant les attaques ces derniers jours, à l’approche de la session parlementaire, ils (les rebelles) étaient sûrs, d’une part, d’attirer l’attention du parlement et, d’autre part, de voir des voix s’élever pour critiquer l’état de siège », explique-t-il aux médias.
Ce qui n’empêche pas les autorités militaires de tenter de consolider les principaux acquis des opérations conjointes contre les rebelles ougandais. Selon des sources à Beni, les commandants des deux armées ont assisté, mercredi 23 mars à Kasindi (frontière ougandaise), au démarrage des travaux de réfection de l’axe routier Kasindi-Butembo-Lubiriha, décidés par les chefs d’Etat de la RDC et de l’Ouganda.
Mardi22mars, un communiqué officiel des FARDC a appelé les usagers de l’axe routier Komanda- Luna à reprendre librement leurs activités, signe que le tronçon était passé sous contrôle des forces coalisées.
En Ituri, les FARDC ont fait état de la neutralisation, le 23 mars 2022, de deux combattants ADF au cours d’une patrouille entre Ndalya et Mutubangi.
Tronçons routiers sécurisés
24 heures plus tôt, ce sont 21 bandits arrêtés par la PNC qui ont été présentés au gouverneur militaire Luboya à Bunia. Les criminels, dont des agents de l’ordre, avaient été surpris en possession d’armes de guerre de type AK-47 et de 12 chargeurs garnis.
Lundi 21 mars dans la même province, les FARDC ont annoncé la prise de trois bastions ADF au terme d’affrontements dans la forêt au Sud d’Irumu. Douze combattants ont été neutralisés, six autres capturés et cinq armes de guerre récupérées.
Ces opérations permettent la reprise de l’activité commerciale dans certaines localités libérées, à l’instar de Bambu-Mines en territoire de Djugu, longtemps occupé par les miliciens CODECO.
Néanmoins, milices et rebelles ADF sévissent encore dans la province de l’Ituri.
Samedi 19 mars, la CODECO a ainsi attaqué le camp des déplacés de Gokpa dans la chefferie de Ndo Okebu en territoire de Djugu, y tuant 12 personnes dont deux enfants.
Dimanche 20 mars, 14 civils avaient été tués dans les villages de Guda et Drakpa dans le même territoire par les mêmes miliciens CODECO, selon le Baromètre sécuritaire du Kivu.
LE MAXIMUM