Le président de la République, Félix Tshisekedi, a entamé vendredi 24 décembre 2021 une tournée provinciale, diversement commentée, dans l’espace Kasaï. Située au centre de l’immense RDC, cet espace politique compte 5 provinces : le Kasaï Oriental, le Kasaï, le Kasaï Central, la Lomami et le Sankuru. Toutes ayant la particularité de ne pas avoir été gâtées ces dernières années et croulant sous de nombreux problèmes socio-économiques et souffrant de carences en infrastructures de base parfois indicibles. Et que l’insurrection Kamwina Nsapu survenue en 2016 a particulièrement aggravé dans certaines parmi ces provinces.
De l’avis général donc, le retour aux sources – les parents biologiques du chef d’Etat sont originaires des provinces du Kasaï Oriental et du Kasaï Central – serait tout sauf une partie de plaisirs.
Il y avait de quoi. Au plan politique, 4 des 5 provinces de l’espace kasaïen, dont son Kasaï Oriental, sont dépourvues de gouverneur depuis plusieurs mois. Dans la province de la Lomami, le gouverneur et le président de l’Assemblée provinciale ont été carrément déstitués ; au Sankuru, Joseph-Stéphane Mukumadi a récemment subi le même sort après qu’il se fut révélé incapable de faire l’unanimité autour de sa personne trois ans après son élection ; idem au Kasaï Central où Martin Kabuya s’est fait proprement défenestrer par l’Assemblée provinciale, alors qu’au Kasaï voisin, Dieudonné Pieme s’est offert quelque répit grâce à un arrêt de la cour constitutionnelle jugeant son invalidation illégale. Sans compter les nombreux problèmes auxquels les élus provinciaux des provinces kasaïennes, à l’instar de leurs collègues d’autres provinces, font face.
Aucune des 5 provinces kasaïennes ne peut se prévaloir d’infrastructures routières dignes de ce nom. La tâche et les espoirs à combler sont immenses : l’espace Kasaï, c’est 325.044 km2 dont 104.331 pour la seule province du Sankuru ; 95.631 km² pour le Kasaï ; 59.111 km2 pour le Kasaï Central ; 56.426 km2 pour la Lomami et 9.545 km2 pour la Kasaï Oriental.
Le chantier est immense et la tâche incommensurable. Mais «charité bien ordonnée commence par soi-même», ainsi que l’assure un adage populaire. Et Félix Tshisekedi semble avoir choisi de prendre le taureau par les cornes en se rendant à l’assaut des 14.707.934 âmes kasaïennes qui ne l’avaient pas encore vu depuis son accession à la magistrature suprême début 2019.
Le jeu en vaut, en effet, la chandelle parce qu’au plan politique, les 5 provinces de l’espace Kasaï pèsent 81 sièges à la chambre basse du parlement. Soit 14 du Sankuru, 15 de la Lomami, 14 du Kasaï Oriental, 19 du Kasaï Central et 19 du Kasaï. Ce n’est pas rien, à l’hémicycle autant que sur le terrain à la base.
Dans ce périple entamé vendredi dernier par Mbujimayi au Kasaï Oriental, le chef de l’Etat s’est assuré le soutien de la quasi-totalité des élus kasaïens, membres de l’Union sacrée ou pas. Presque tous ont précédé le président de la République dans leurs fiefs électoraux respectifs où ils se sont chargés de mobiliser leurs électeurs. A Mbujimayi, la contribution de l’ancien gouverneur Alphonse Ngoyi Kasanji et de nombreux autres leaders d’opinion locaux a été plus que perceptible. Dans la province du Sankuru, Lambert Mende s’est rendu dans son fief Lodja (il y pèse à lui seul 3 sièges de député national sur 5) et prépare la venue de Fatshi, prévue lundi 3 janvier2022. A Kananga, le secrétaire général adjoint de l’UNC, John Ntumba, s’est lui aussi mis à la tâche. Idem à Tshikapa (Kasaï) où un poids lourd comme Evariste Boshab a entrepris de préparer l’accueil présidentiel depuis quelques jours. A Kabinda dans la province de la Lomami, que le chef de l’Etat a gagné mardi 28 décembre au milieu de la nuit après près de 10 heures de route, la contribution du professeur Adolphe Lumanu à la mobilisation populaire n’est pas passé inaperçue.
Ceci explique-t-il cela ? Partout où est passé le président de la République, la ferveur populaire semble l’avoir emporté sur toutes les autres préoccupations. «Les Kasaïens ont décidé de s’oublier un instant, le temps d’accueillir un des leurs devenu chef de l’Etat», commente à nos rédactions un élu national de Mbujimayi. Il faut dire que Fatshi y a mis du sien en exaltant ci et là la corde sensible et en disant sa volonté de contribuer à la réduction de la misère des uns et des autres. «Vous êtes les miens», avait-il lancé à la cantonade devant des dizaines de milliers de personnes venues l’écouter à la place de la cathédrale Bonzola à Mbujimayi. Des paroles prononcées dans un Ciluba parfait, qui ont fait le tour du monde : «le successeur de Joseph Kabila a assumé son identité. C’est elle qui fonde son nationalisme inébranlable. Parce qu’il n’est pas de nationalité congolaise authentique sans identité ethnique, ainsi que le stipule notre constitution», explique-t-on dans l’entourage du chef de l’Etat où on se défend de tout tribalisme.
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