A deux ans de la présidentielle 2023, Moïse Katumbi Chapwe s’est résolument jeté à l’eau en se lançant dans une gigantesque campagne d’implantation de Ensemble pour la République, son parti politique. L’acteur politique Congolais, qui s’appuie sur la popularité que lui confère son statut de président du TP Mazembe, un des grands clubs de football de la RDC et du continent, a choisi l’ex-immense province Orientale pour installer ses pénates sans plus tarder. Car, l’opinion dans son pays d’adoption comme ailleurs à travers le monde attendait depuis plusieurs mois que l’ancien gouverneur de l’ex-Katanga se prononce sur son départ ou non de l’Union Sacrée de la Nation, la coalition parlementaire qui soutient l’actuel chef de l’Etat, également candidat à la prochaine présidentielle. Les consultations annoncées par ses partisans tiraient en longueur lorsque le chairman, ainsi qu’on le surnomme, a décidé de passer outre les réticences justifiées des siens dans les institutions nationales sans s’encombrer de la plus petite clarification sur le sujet. Candidat en campagne, Moïse Katumbi l’est tout en demeurant partie prenante dans la coalition tshisekediste au pouvoir en RDC. L’homme met en œuvre une nouvelle forme de «J’y suis, j’y reste» qui charrie de nombreuses contradictions sans s’en formaliser outre mesure.
Au sommet de son art
Lundi 20 décembre 2021, Katumbi a entamé un périple d’installation de son parti politique par Kisangani dans la province de la Tshopo. A l’occasion, la ville cosmopolite a réservé un accueil des plus populeux au président du TP Mazembe. «On se croirait revenu en 2018, lors de la dernière présidentielle», faisait observer un confrère présent place de la Poste où des milliers de boyomais s’étaient donnés rendez-vous pour écouter le président de Ensemble pour la République. Mobilisation réussie donc, suffisamment pour faire écrire à Olivier Kamitatu Etsu, le porte-parole principal de l’ancien gouverneur katangais : «accueil grandiose de Kisangani avec Moïse Katumbi au sommet de son art ! En communion avec la population. Aucune question éludée ! Stop au RAM. Le passé c’est le passé. Ne soyons pas distraits. Mobilisons-nous pour le changement ! En avant toute pour implanter Ensemble !». S’il y eût bien du grand art katumbiste à Kisangani – la mobilisation s’est effectuée à coups de billets de banque dont l’homme n’est pas dépourvu, ainsi qu’en ont attesté les inévitables réclamations des mécontents et déçus du festin – l’orateur de Boyoma Singa Mwambe s’est signalé par ses incohérences habituelles. Devant la foule venue l’écouter, Moïse Katumbi a cru devoir jouer au défenseur des intérêts populaires en se déclarant dépourvu de crédits pour s’entretenir avec Mme son épouse restée à Lubumbashi. Une attaque populiste à peine voilée contre le gouvernement dont font partie une bonne demi-douzaine de ses partisans. Dont il n’a pas eu le courage de claquer la porte. Moïse Katumbi a profité de l’occasion pour inviter le premier ministre et le président de la République à supprimer la taxe RAM. «Nous ne sommes pas à l’union sacrée pour tout cautionner», s’était-il défendu en substance, comme pour justifier cette attitude atypique, à la limite de la traitrise, selon certains observateurs.
Mobilisation tous azimuts
Pour le reste, Katumbi Chapwe a convié les siens à placer résolument Ensemble pour la République sur les rails. Mardi 21 décembre avant de s’envoler pour Buta dans la province du Bas-Uélé, Katumbi a décrété que l’année 2022 sera consacrée à l’implantation de Ensemble pour le Changement, «… de village en village, de commune en commune, de quartier en quartier, de maison à maison pour ratisser large et convaincre nos compatriotes d’adhérer à notre parti. Nous devons mettre un terme à la longue pratique du découragement et de la résignation qui a gagné une grande partie de nos compatriotes. Beaucoup ne croient plus dans les promesses des politiciens», a encore expliqué l’ancien gouverneur candidat à la prochaine présidentielle.
Mercredi 22 décembre, Katumbi Chapwe s’est rendu à Isiro, le chef-lieu de la province du Haut-Uélé, où il a brillé par une autre incohérence remarquable. Au cours d’une marche à pieds aux côtés d’une foule de curieux, le président de Ensemble pour le Changement a déclaré que «Je suis venu à pieds voir de mes yeux l’état des infrastructures à Isiro. Il n’y a pas de routes, pas d’électricité. Alors que les Congolais ne réclament que le développement. Je suis venu sceller un pacte avec vous pour qu’on change les choses ensemble». On sait pourtant que l’entretien du réseau routier est un des points marquants de la gouvernance de Baseane Nangaa, No 1 de cette province. Ses propos etaient aussi assortis d’un clin d’œil séducteur à l’endroit des chrétiens catholiques, nombreux dans cette ville. Le chairman katangais s’est, en effet, rendu devant la tombe de la Bienheureuse Anuarite Nengapeta où il s’est religieusement recueilli avant d’adresser quelques mots chaleureux aux fidèles catholiques de la paroisse Ste Thérèse, non loin de là. Suffisant pour attirer l’attention de nombre d’observateurs qui se souviennent des mêmes gestes de piété posés par le même Moïse Katumbi. C’était le 9 novembre à Cracovie, à l’occasion de la commémoration du 83ème anniversaire de la Kristallnacht, cette nuit dite de Cristal, entrée dans l’histoire parce qu’elle marque le début des pogroms anti-juifs en Allemagne et en Autriche hitlériennes. Affichant ostentatoirement ses origines juives à l’occasion, Moïse Katumbi en avait profité pour stigmatiser, devant un parterre de hautes personnalités du monde politique invitées à l’occasion, ceux qui dans son pays s’opposaient à sa candidature à la présidentielle arguant du fait qu’il était de père juif.
Supercherie religieuse
La supercherie katumbiste n’est pas passé inaperçue. Pas pour tout le monde. Dans un tweet rageur, l’économiste Noël K. Tshiani, connu pour sa désormais célèbre proposition de loi sur la nationalité d’origine, assure que «aucun vrai congolais n’a besoin que les gens chantent qu’il est congolais. Lorsque vous voyez des gens soudoyés pour chanter qu’un individu est congolais, cela signifie que la personne concernée n’est pas authentiquement et véritablement congolaise. La souveraineté de la RDC n’est pas négociable. N’est éligible pour les fonctions de souveraineté qu’un congolais d’origine, né de mère et de père congolais d’origine». Quelques jours plus tôt, le 19 décembre, ce candidat malheureux à la présidentielle 2018 avait annoncé un tour des provinces pour animer des conférences de sensibilisation à la proposition loi Tshiani. La première étape de ce périple combattant sera … l’université de Kisangani où des conférences débats sont programmées dès le 28 janvier prochain.
Au sein de l’Union Sacrée de la Nation, les attaques de Moïse Katumbi contre le gouvernement auquel il participe par ses partisans interposés ne sont pas passées inaperçues. Au cours d’une adresse aux combattants, mercredi 22 à Kinshasa, Augustin Kabuya, secrétaire général de l’UDPS, a tenu à clarifier la situation en des termes clairs : «Nous avons un discours à tenir en 2023 devant la population, que personne ne vous fasse peur. Nous sommes des co-gestionnaires de la chose publique (…). Nous sommes en train de gérer le pays tous ensemble. Que personne ne vous tromlpe que c’est le bilan de l’UDPS seule (…) Que personne de vous effraie», a-t-il déclaré. Les joutes oratoires en vue de la prochaine présidentielle s’annoncent on ne peut plus houleuses.
LE MAXIMUM