Le Comité Laïc Chrétien (CLC), une organisation proche de l’archevêché de Kinshasa dont elle a servi les desseins politiques depuis l’époque du défunt cardinal Laurent Monsengwo Pasinya, s’est rappelée au bon souvenir de l’opinion. Mercredi 22 décembre, le CLC a programmé une manifestation devant … le siège de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour exiger la «dépolitisation» de cette institution d’appui à la démocratie et la suppression de la taxe le Registre des Appareils Mobiles (RAM). Seulement, la manifestation n’a pas obtenu le quitus de l’Hôtel de Ville de Kinshasa. Dans un courrier en réponse à la lettre d’information des organisateurs, le gouverneur de la Ville province de Kinshasa, Gentiny Ngobila Mbaka, argue que la question de la RAM a déjà été vidée par le parlement qui a récemment demandé sa suppression pour certains types d’appareils au gouvernement. La recrudescence de la Covid-19 ne favorise pas non plus l’organisation de rassemblements populaires, soutient également le patron de l’exécutif de la capitale.
Mais il en fallait plus pour dissuader les organisateurs de la manifestation, qui ont tenté de battre le pavé mercredi avant-midi avant de se voir dispersés par les forces de police instruites par le gouverneur Ngobila d’empêcher tout déploiement à travers les rues de la capitale. Au Camp Luka, un quartier populaire Kinshasa, des témoins ont rapporté qu’un groupe de manifestants a été dispersé sans trop de peine par une escouade de la PNC. De même qu’au centre-ville dans la commune de la Gombe, où un déploiement d’unités mobiles de la PNC a quadrillé des artères menant vers le siège de la CENI sur boulevard du 30 juin.
Appel contre appel
Néanmoins, le CLC et ses dirigeants ne semblent pas pour autant s’avouer vaincus. Un communiqué publié le même mercredi «…demande au peuple de rester mobilisé et de se tenir prêt à répondre à des appels de protestation d’envergure en cas de persistance du kidnapping de la centrale électorale et prélèvements RAM et de l’insécurité à l’Est du pays». La liste des revendications catholiques qui s’enrichit ainsi du grief sécuritaire et séculaire, traduit la volonté de ce groupe de pression de faire feu de tout bois, estiment des analystes. «Le CLC considère, par ailleurs, que la même logique d’opérer dans l’illégalité et de passer outre des revendications du peuple, qui a prévalu dans le forcing des animateurs de la CENI s’étend de la même manière aux prélèvements illégaux du RAM dont l’Assemblée nationale et le Sénat ont reconnu l’absence de fondement. Comment alors justifier et maintenir des prélèvements qui frappent sévèrement des bourses les plus modestes. Le CLC exige la cessation immédiate des prélèvements RAM et le remboursement des sommes perçues aux victimes ainsi que des enquêtes pour établir la chaîne de responsabilité de ce système de spoliation à ciel ouvert du peuple», poursuit le communiqué.
Les observateurs notent, néanmoins, que l’appel à manifester intervient un peu plus d’une semaine après la publication par la CENI d’un appel à candidature au poste de secrétaire exécutif national (SEN) le 14 décembre 2021. Une fonction stratégique dans le fonctionnement de la centrale chargée de l’organisation des scrutins électoraux en RDC, que l’église catholique convoite sans trop s’en cacher après avoir perdu la lutte pour le poste de président confiée à Denis Kadima, un représentant de l’église kimbanguiste dont la candidature avait été soutenue par 6 des 8 confessions religieuses chargées de la désignation de cet oiseau rare.
Une structure informelle
A la faveur d’un point de presse, le 29 novembre au Centre interdiocésain de Kinshasa, les évêques catholiques avaient posé des conditions pour accompagner le processus électoral par des «orientations pastorales». Notamment, la dépolitisation de certaines structures de la CENI à travers «la désignation des personnes apolitiques dans l’administration». Mgr Donatien Nshole, porte-parole des évêques catholiques, précisait même que la dépolitisation visée concernait le secrétariat exécutif national, les secrétariats exécutifs provinciaux et les antennes locales de la CENI. Des observateurs sont d’avis qu’en publiant un appel à candidatures à ce poste ultra convoité, la CENI ouvrait la voie à une concurrence compromettante pour les catholiques. Les appels à manifester, qui devraient se multiplier de ce point de vue, seraient une réplique à l’appel à candidatures aux fonctions de SEN de la CENI.
Deux autres observations se dégagent des nouvelles gesticulations du CLC, selon les mêmes analyses : d’abord, que l’appel à la rescousse d’une organisation qui ne dépend pas de l’ensemble des évêques de la CENCO trahit une division parmi les évêques catholiques de la RDC qui ne partagent donc pas tous cette politisation de l’église. «De la province ecclésiastique du Kasaï, des voix cléricales se sont déjà élevées pour condamner en des termes à peine voilés l’activisme contre le pouvoir politique», explique au Maximum un professeur de l’Université Catholique du Congo; ensuite, que le front socio-politique mis sur pied par les églises catholique et protestante s’est fissuré, une partie des évêques catholiques ayant manifestement décidé de faire cavaliers seuls. Le CLC ne relève pas des structures officielles de la CENCO, rappelle-t-on.
LE MAXIMUM