Un communiqué de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (CENCO) l’a annoncé mardi 14 décembre 2021. L’Abbé Donatien Nshole, porte-parole de la conférence des évêques de la RDC, a été nommé Chapelain de Sa Sainteté le Pape François. A ce titre, ce prêtre du diocèse d’Inongo ordonné en 1993 accède aux honneurs de l’appellation de « Monseigneur », et à certains privilèges vestimentaires ecclésiastiques. Dans l’église catholique romaine, Chapelain de Sa Sainteté le premier rang (et le plus bas) des trois rangs de Monseigneur. Et comme pour la plupart des nominations chez les calotins, l’élévation au rang de Chapelain de Sa Sainteté est sollicitée par l’évêque du lieu à la Nonciature apostolique, sous réserve de l’examen du bien-fondé de la personne considérée pour ce grade et des critères du Saint-Siège. L’évêque du diocèse d’Inongo ou le Cardinal-archevêque de Kinshasa, peuvent être à l’origine de la proposition de nomination de Donatien Nshole, que certains présentent comme un proche parent du défunt Cardinal Laurent Monsengwo Pasinya.
Né en 1963, Donatien Nshole est ordonné prêtre le 3 janvier 1993 pour le diocèse d’Inongo. Poursuivant ses études supérieures, il obtient un doctorat en théologie dogmatique de l’Université Pontificale Urbanienne de Rome (2002), avant d’être nommé professeur au Grand séminaire St Cyprien de Kikwit. Le 24 février 2017, l’Abbé Donatien Nshole est nommé secrétaire général de la CENCO pour un mandat de 6 ans renouvelable une fois. Ce sont ces fonctions qui le révèlent à l’opinion nationale et internationale parce qu’elles lui offrent l’occasion de participer aux négociations politiques qui engagent l’épiscopat congolais. Autant qu’aux joutes qui opposent, de manière récurrente, les calottes sacrées catholiques aux tenants du pouvoir en RDC.
Reconnaissant
Le désormais Mgr Nshole le sait et ne s’en cache guère, du reste. «Mon élévation est le mérite de notre CENCO. Je suis reconnaissant à l’endroit des évêques, particulièrement le président, Mgr Marcel Utembi, qui doit avoir porté un bon témoignage sur ma modeste personne pour que la Pape ait un regard sur moi. Mon travail a toujours été facilité par le fait qu’il a toujours été porté par tous les évêques. C’est donc l’occasion pour moi d’exprimer ma reconnaissance envers eux et je promets de ne pas les décevoir», a-t-il déclaré aux médias.
En qualité de porte-parole des évêques de la CENCO, Mgr Donatien Nshole a été de toutes les luttes, notamment politiques. Dont la dernière en date a tourné autour de la désignation du président de la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) dévolue à la composante Confessions religieuses. Le bras de fer engagé avec 6 des 8 confessions religieuses habilitées à faire partie de la composante ainsi qu’avec une partie de la classe politique et de l’opinion nationale s’est terminée par un bras de fer épique. Les évêques catholiques de la RDC ont opposé un véto catégorique à la désignation de Denis Kadima, un candidat porté par l’église kimbanguiste, à ce poste. C’est, naturellement, le désormais Mgr Nshole qui a été chargé de porter les voix cléricales sur la place publique, avec tout ce que cela implique. Et qui peut justifier la gratification qui lui est octroyée par le Pape François à leur demande.
Souffre-douleur clérical
Vers fin novembre, le tumulte entre les évêques catholiques et le pouvoir en place envoyait des signaux d’accalmie. Le 25 novembre 2021 à l’archevêché de Kinshasa, le Cardinal Fridolin Ambongo, a reçu une délégation des patrons des institutions nationales conduite par le président de l’Assemblée nationale. Juste avant que le président de la République en personne n’accorde une audience solennelle à une représentation élargie des évêques de la CENCO qu’accompagnait le Nonce Apostolique en poste à Kinshasa. Les évêques avaient tenu à échanger avec le président de la République autour des recommandations, «torales», aux dires de l’alors Abbé Nshole, leur porte-parole, contenues dans un mémorandum rédigé à son intention.
A l’issue de l’audience présidentielle, Mgr Marcel Uthembi, le président de la CENCO, a rapporté aux médias que leurs Excellences avaient notamment fait part à Félix Tshisekedi de la contribution positive des évêques à travers des propositions pour accompagner le processus électoral et sur l’état de siège en vigueur dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri.
Tout semblait donc pouvoir aller pour le mieux, dans l’intérêt supérieur des fidèles catholiques aussi bien que la population congolaise dans son ensemble, parce qu’ainsi, il semblait que les princes de l’église catholique s’extirpaient des sentiers de la confrontation partisane et privilégiaient désormais l’intérêt général, c’est-à-dire, l’organisation au mieux des élections démocratiques en RDC. D’autant plus qu’à l’occasion, Mgr Uthembi assurait qu’«il était temps de tourner la page du passé et de se projeter vers l’avenir avec espoir et foi en toute sérénité». Semblait ainsi définitivement tournée, la page du bras de fer autour de la désignation du président de la CENI, d’autant plus que «le processus électoral, c’est une dynamique, il y a une étape qui a déjà été franchie, il y a un temps pour tout, un temps pour réfléchir, un temps pour se quereller et un temps pour se concerter, un temps pour être réaliste, un temps pour prendre des décisions, l’important c’est d’aller de l’avant. Nous avons d’autres éléments de ce processus électoral qui nous engage l’église, l’État et d’autres partenaires comme par exemple l’éducation civique électorale, il y a aussi la mission d’observation électorale qui viendra mais il ne faut pas attendre 2023 pour en parler, ce mécanisme doit être déclenché dès aujourd’hui donc c’est cela les points autour desquels nous pouvons fédérer, mutualiser nos forces pour aller de l’avant afin de d’atteindre cet objectif qui consiste à assurer le bien-être du peuple congolais et à choisir des personnes idoines qui seront en mesure de répondre aux différents problèmes du peuple congolais», ponctuait le président de la CENCO.
C’est sur ces entrefaites dans les relations en dents de scie entre certains représentants de l’épiscopat en RDC et le pouvoir politique qu’intervient l’élévation du porte-voix clérical au rang de Mgr. A Kinshasa, nombre d’observateurs ont ainsi tendance à lier l’élévation honorifique dont bénéficie Donatien Nshole à l’évolution de la situation politique et politicienne du pays. Mais rien n’est moins sûr. «Rome ne prend jamais de décision intempestive. Le Vatican est réputé pour la lenteur de ses positions définitives sur la plupart des questions de l’heure. Et le dossier de candidature de Mgr Nshole doit remonter d’assez longtemps», explique au Maximum un professeur de l’Université Catholique de Kinshasa.
LE MAXIMUM