Interpellé par le parquet général de Kinshasa-Matete puis embastillé à la surprise générale à Makala en avril 2020 alors qu’il exerçait les fonctions de directeur de cabinet du président de la République, Vital Kamehre aura été détenu près de 2 ans. Le président de l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), alter ego de Félix Tshisekedi au sein du Cap pour le Changement (CACH), une plateforme créée quelques mois avant la présidentielle de 2018, était poursuivi pour détournement de 48 millions USD décaissés par le Trésor public dans le cadre du programme des 100 jours du président de la République, dont il était du reste le concepteur. Celui qui était devenu directeur du cabinet présidentiel quelques mois après la victoire du candidat CACH à la dernière élection avait été condamné au 1er degré par le TGI de Kinshasa-Gombe à 20 ans de prison, puis au second degré par la cour d’appel à 13 ans de prison assortis de travaux forcés.
Néanmoins, ses avocats et partisans n’ont eu de cesse de clamer l’innocence de l’ex-dircab de Fatshi, allant jusqu’à présenter le procès ultra-médiatisé autour du programme de 100 jours comme un procès politique. En conséquence, ils ont usé de toutes les voies, de droit et politiques pour obtenir son acquittement.
Libération surprise
La liberté provisoire obtenue lundi dernier auprès de la Cour de cassation avait été sollicitée par sa défense au 1er et au second degré de juridiction sans succès. Tout en recourant à cette haute juridiction, Kamerhe et ses partisans s’étaient lancés dans une campagne politique sans précédent, organisant des manifestations publiques parfois hostiles au pouvoir allié en place. Dans le même temps, à partir de son lieu de détention, VK réorganisait son parti en rajeunissant et en redynamisant sensiblement ses principales structures en vue de ce qui ressemblait à s’y méprendre à une campagne électorale anticipée à travers tout le territoire national autour du thème de sa libération, à n’importe quelle condition, par le chef de l’Etat.
Lundi dernier, la Cour de cassation a justifié la liberté provisoire assortie d’une caution de 500.000 USD accordée à l’ancien dircab de Félix Tshisekedi par son état sanitaire.
Il faut dire qu’en fait de détention à la prison de Makala, VK séjournait plutôt, depuis août 2020 au centre hospitalier Nganda. Les images de l’ancien bras droit du président de la République diffusées au soir du même jour le présentaient effectivement dans un état piteux, confirmant ainsi les craintes sur l’aggravation de sa santé ressassées avec insistance par ses avocats.
Conjectures politiques
Il reste que pour maints observateurs, la relaxe de l’ancien alter ego de Fatshi au sein du CACH alors que la machine Union Sacrée de la Nation (USN) mise sur pied pour soutenir la politique du président de la République n’en est à ses premiers pas fait croire à un arrangement politicien.
D’autant plus que le 1er juillet 2021, au cours d’un séjour à Goma, ville dont VK est incontestablement le chouchou, le président Tshisekedi avait déclaré que «Vital Kamerhe est quelqu’un de sérieux et de correct (…) Je suis convaincu qu’il jouera de nouveau un rôle dans ce pays». Pour certains observateurs, le chef de l’Etat avait ainsi, en réalité, subtilement indiqué la voie à suivre aux instances judiciaires chargées de l’instruction du dossier de son ancien directeur de cabinet. La libération provisoire accordée par la Cour de cassation à VK lundi 6 décembre a beau revêtir toutes les formes requises par le droit, pour une certaine opinion, le retour à l’air libre du président de l’UNC est un fait politique similaire à la libération soudaine dont Jean-Pierre Bemba avait bénéficié de la CPI en juin 2018, à quelques mois de la présidentielle.
Lundi 6 juin, les principaux fiefs du mentor de l’UNC à travers la RDC ont vibré à la nouvelle de sa libération provisoire : à Bukavu son fief électoral, mais aussi à Goma au Nord-Kivu, malgré l’état de siège, on a célébré l’événement aux sons des klaxons des motards et des chants des partisans kamerhistes descendus dans les rues.
Malgré l’état de santé réputé délicat de l’ancien dircab de Fatshi, les conjectures vont bon train, les plus optimistes le voyant même à la tête de l’USN, entre autres.
Mais d’autres observateurs, moins enthousiastes, estiment que l’équation Tshisekedi-Kamerhe, plombée par les engagements réciproques des deux acteurs politiques, est des plus complexes. La liberté provisoire accordée à Vital Kamerhe peut être traduite, à cet égard, comme une entente provisoire entre deux loups dans la bergerie.
LE MAXIMUM