L’effet boomerang du déplacement des débats politiques des espaces légalement établis, notamment dans les assemblées parlementaires, est plus que perceptible depuis plusieurs mois en RDC en général et à Kinshasa la capitale en particulier. Dans la rue, les confrontations politiques difficilement maîtrisables en raison du nombre d’intervenants ou de participants – des foules entières, en fait – débordent quasiment à coup sûr. Même lorsque les manifestations autorisées ou pas sont « encadrées » par les forces de l’ordre.
A Kinshasa, l’Hôtel de Ville a cru limiter dégâts et débordements, et ainsi civiliser les manifestations organisées à l’appel des partis politiques en décrétant un espace interdit de manifestations long de plusieurs km. Il va de la place du Pont Matete sur le boulevard Lumumba à l’aéroport international de Ndjili. La décision rendue publique samedi 25 septembre dernier a particulièrement déplu à la plateforme politique Lamuka du tandem Fayulu-Muzito, habitué à puiser dans le vivier populaire de la Tshangu pour mobiliser la rue. Et l’investir rageusement, troublant ainsi l’ordre public sous prétexte d’expression de libertés. De mauvaise grâce, samedi 9 octobre, le tandem a organisé un meeting politique plutôt réussi non loin des lieux prohibés, à la Place Ste Thérèse dans la commune de Ndjili. Mais ce ne fut sans doute pas assez pour le challenger de Félix Tshisekedi à la dernière présidentielle, qui aspire à gagner du terrain avant les échéances électorales de 2023.
Un meeting précédée d’une longue marche
Samedi 16 octobre, Lamuka aile Fayulu a organisé un autre meeting Place St Raphaël dans la commune de Limete, précédé d’une longue marche partie de l’avenue Kianza à Ngaba en passant par Lemba avant de gagner Limete, le fief du parti au pouvoir, l’UDPS. Autorisée par l’Hôtel de Ville, la marche de Lamuka à travers les rues de cette partie de la capitale fut bel et bien encadrée par une impressionnante escouade de policiers. A la fin de la prestation, Martin Fayulu qui avait tenu des propos orduriers contre la police quelques semaines plutôt à l’occasion d’une manifestation non autorisée sur le boulevard Lumumba, s’est plutôt félicité du travail accompli par les forces de l’ordre. Seulement, les choses ne se sont pas déroulées aussi parfaitement que voulues.
Le long de la procession des sympathisants fayulistes, débordements et affrontements ont été signalés, notamment à la hauteur de la commune de Limete. Des témoins ont rapporté que les militants fayulistes, déjà connus pour leur aversion pour le parti au pouvoir, sa tribu et le pouvoir qu’il incarne, avaient arraché une effigie de Félix Tshisekedi et déchiré un drapeau de son parti politique à la hauteur de la IIème entrée FIKIN. C’est donc sans grande surprise qu’à la hauteur de la 12ème rue Limete, au siège de l’UDPS, des affrontements entre militants des deux organisations politiques ont éclaté. Que la police a réussi à maîtriser en larguant des grenades lacrymogènes.
Affrontements entre militants
Ce qui devait arriver est arrivé 48 heures plus tard. Lundi 18 octobre, Devos Kitoko Mulenda, un porte-parole Lamuka, a annoncé le décès à l’Hôpital St Joseph de Limete de M. Kalala, un militant Lamuka. Il avait succombé aux blessures reçues lors d’affrontements entre militants de samedi 16 octobre, non loin de là. Le même lundi, des «individus non autrement identifiés », selon l’expression consacrée, ont attaqué le siège de l’Ecidé de Martin Fayulu sur avenue de l’Enseignement dans la commune de Kasavubu. Après que d’autres individus tout aussi peu identifiés eurent eux aussi attaqué le siège de AVC (Autre Vision pour le Congo), un parti politique membre de la majorité tshisekediste situé à côté du siège de l’Ecidé. Jusque mardi 19 octobre, il était fait état d’affrontements entre militants de l’UDPS et de Lamuka aile Fayulu-Muzito, notamment au croisement des avenues Tombalbaye et Plateau dans la commune de la Gombe. Et rien n’indique que cette escalade de la violence politique dans les rues de la capitale s’arrêtera de si tôt.
Au cours d’un point de presse, mardi dernier à Kinshasa, Martin Fayulu a dénoncé le recours à certaines pratiques politiques par le pouvoir en place. Mais le candidat malheureux à la dernière présidentielle s’est abstenu de faire état du recours dont il use et abuse, de certaines pratiques critiquables des oppositions politiques en RDC. Notamment, le recours aux manifestations de rue pour peser sur la scène politique, malgré la tenue régulière d’élections depuis 2006. Si cette stratégie ne posait pas problème contre une majorité sans réelle encrage populaire à Kinshasa, il n’en va pas de même avec le pouvoir UDPS. En RDC, c’est à feu Etienne Tshisekedi et à son parti politique que l’on doit la résistance politique populaire mise en œuvre depuis la dictature mobutiste à la fin des années ’80. La rue, l’UDPS la connaît pour l’avoir pratiquée depuis des décennies. « On apprend les grimaces à un vieux singe ». Et la guerre pourrait s’avérer plus longue, et préjudiciable pour tous, que prévu.
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