Facebook, Instagram, WhatsApp et Messenger, les deux réseaux sociaux et les deux messageries du géant californien, émergeaient mardi d’une panne sans précédent, qui a plongé le groupe dans une double crise après les révélations au grand jour d’une lanceuse d’alerte.
L’incident, causé par un problème technique, constitue la panne «la plus importante jamais observée» par Downdetector, qui recense les signalements des utilisateurs. «Des milliards d’utilisateurs ont été affectés», a assuré le site.
«A l’immense communauté de personnes et entreprises dans le monde qui dépendent de nous: nous sommes désolés. Nous travaillons dur à vous redonner accès à nos applis et services et sommes heureux de vous dire qu’ils reviennent en ligne en ce moment», a tweeté Facebook lundi à 22H30 GMT, après quelques sept heures de panne.
Facebook a indiqué tard lundi soir, mardi à l’aube en Belgique, dans un communiqué que la panne majeure de ses réseaux et messageries avait été causée par un «changement de configuration défectueux» de ses serveurs, qui a empêché ses utilisateurs d’accéder à la plateforme, Instagram, WhatsApp ou Messenger pendant environ sept heures.
«Les personnes et les entreprises dans le monde dépendent de nous pour rester connectés», a noté le groupe jusque-là peu loquace sur l’incident exceptionnel. «Nous présentons nos excuses à ceux qui ont été affectés», a ajouté Facebook, soit potentiellement plusieurs milliards de personnes selon divers experts en cybersécurité.
Une panne qui tombe au pire moment
Cette panne tombe très mal pour la firme de Mark Zuckerberg, qui traverse l’une des pires crises sur sa réputation.
En cause, une ancienne ingénieure, Frances Haugen, qui a accusé le groupe de choisir “le profit plutôt que la sûreté” de ses utilisateurs, dans un entretien diffusé par la chaîne CBS dimanche.
Ses révélations ont donné un nouvel élan aux nombreux critiques de Facebook, dont les quatre plateformes sont utilisées tous les mois par quelque 3,5 milliards de personnes.
Ces révélations montrent pour le président américain Joe Biden que la société «ne sait pas se réguler elle-même», d’après sa porte-parole Jen Psaki. Elles «prouvent les inquiétudes (…) au sujet du pouvoir que les géants des réseaux ont amassé», a-t-elle ajouté lundi.
La lanceuse d’alerte a été interrogée par une commission parlementaire mardi.
Monde meilleur?
La gigantesque panne a été causée par un «changement de configuration défectueux» des routeurs qui «coordonnent le trafic entre les serveurs», a fini par expliquer Facebook dans un communiqué publié sur son site dans la nuit de lundi à mardi.
La perturbation technique a eu des “effets en cascade”, au point que “de nombreux outils et systèmes que nous utilisons au quotidien en interne ont aussi été affectés, compliquant nos efforts pour diagnostiquer et réparer le problème”, détaille le groupe. «A un moment ce matin, Facebook a retiré la carte qui permet aux ordinateurs dans le monde de trouver ses différentes adresses en ligne», a résumé l’expert en cybersécurité Brian Krebs sur son blog.
Le malheur de Facebook a fait le bonheur de ses concurrents. La messagerie Telegram est passée de la 56e à la 5e place des applications gratuites les plus téléchargées aux Etats-Unis, en un jour, selon le cabinet spécialisé SensorTower.
«Les inscriptions sont en forte hausse sur Signal (bienvenue tout le monde)», a aussi tweeté cette autre messagerie réputée pour son cryptage des données.
La panne régalait aussi les utilisateurs facétieux, qui rivalisaient de sarcasmes sur Twitter. D’autres se plaignaient d’être coupés de leurs contacts, de leur source de revenu ou de leur outil de travail.
Certaines personnes se montraient philosophes, comme Cindy Bennett, une boulangère de New York, interviewée par l’AFP : «en général, je crois que le monde serait meilleur si tout le monde ne savait pas ce que tous les autres font à tout instant du jour et de la nuit».
Comme pour le tabac
L’incident devrait apporter de l’eau au moulin des détracteurs de la société californienne, car il démontre son immense emprise sur la vie quotidienne.
Les répercussions sont encore pires dans les nombreux pays où Facebook est “synonyme de ‘l’internet'”, ou pour les usagers qui se servent du réseau social pour accéder à d’autres services, souligne Jake Williams, cofondateur de BreachQuest, une entreprise de cybersécurité.
Or les autorités ne manquent déjà pas d’arguments pour s’attaquer à l’entreprise.
Surtout après les fuites de documents internes orchestrées par Frances Haugen, qui ont permis au Wall Street Journal de publier, mi-septembre, une série d’articles sur les effets toxiques de Facebook et Instagram pour la société.
Le plus retentissant d’entre eux détaillait les problèmes de santé mentale de nombreuses adolescentes confrontées, image après image, au mythe du corps féminin idéal. Une dérive dont Facebook a parfaitement conscience, selon l’ingénieure.
L’audition de mardi doit porter sur ce sujet.
D’après des extraits de ses remarques préliminaires publiées sur Twitter par des médias américains, Frances Haugen a prévu d’exhorter les élus à réguler Facebook – ce que nombre d’entre eux promettent régulièrement de faire. «Quand nous avons réalisé que les producteurs de tabac dissimulaient les dégâts qu’ils causaient, le gouvernement a agi. Quand on a compris que les voitures étaient plus sûres avec des ceintures de sécurité, le gouvernement a agi», devrait-elle déclarer. «Je vous supplie d’en faire autant» pour Facebook.
AVEC AGENCES