Une nette accalmie s’observe autour de la polémique qui a entouré le projet de loi Tshiani le trimestre dernier. La proposition de limiter l’accès aux fonctions de souveraineté aux seuls ressortissants nés de père et de mère Congolais, endossée par le député USN Nsingi Pululu et déposée à l’Assemblée nationale fut sur le point de faire éclater la nouvelle majorité tshisekediste au parlement. Le 9 juillet 2021, Ensemble pour le Changement, la plateforme de Moïse Katumbi Chapwe, avait publié un communiqué d’une rare fermeté, menaçant de claquer la porte de l’USN si le projet de loi querellé était aligné dans l’ordre du jour des travaux de la session parlementaire de septembre.
Les motivations avancées par les états-majors katumbistes pour menacer le pays de pires calamités ne tenaient guère la route. Pour la bonne et simple raison que nul ne peut interdire à un élu national de proposer une loi, quelle qu’elle soit, quitte à la disqualifier à l’aide d’arguments valables au cours de débats démocratiques. De même qu’il appartient à toutes les assemblées du monde de discuter des questions soumises à leurs cogitations. Mais au finish, tout semble être rentré dans l’ordre depuis quelques jours, grâce à l’une ou l’autre déclaration de responsables politiques, ci et là. Sans plus.
En marge de son séjour à New York dans le cadre de l’Assemblée générale des Nations-Unies, le président de la République avait exprimé sa désapprobation de la proposition de loi Tshiani-Pululu aux journalistes de la VOA. De même que, quelques jours plus tard à Lubumbashi où il séjournait, le président de l’Assemblée nationale avait soutenu que le projet de loi querellé n’était pas prioritaire. Rien de plus.
C’est de Kinshasa, particulièrement du camp katumbiste, que les considérations les plus enthousiastes sur la fin de l’épisode loi Tshiani se sont fait jour. Le 27 septembre dernier, l’information faisait la Une d’un certain nombre de médias : la proposition de loi Tshiani était déclarée irrecevable par le bureau d’études de l’Assemblée nationale, assurait-on. Mais l’affaire paraissait des plus louches. Parce qu’il n’appartient pas au bureau d’études de la chambre basse du parlement de décider, en cette matière soumise à son appréciation technique, comme en toute autre. Renseignement pris, l’unique source de cette information pour le moins rocambolesque était le député katumbiste Eliézer Tambwe. Il prétendait la tenir du bureau d’études de la chambre basse du parlement. Mais si on peut reconnaître quelque populisme à notre ancien confrère, force est de convenir que Ndeko Eliézer n’est pas l’acteur politique le plus crédible de sa génération. Même si son coup médiatique semblait avoir le don d’apaiser certains esprits, dont celui de son mentor, Katumbi, d’autant plus requinqué que le projet honni n’ait pas été aligné parmi les sujets à débattre d’ici la fin de l’année.
Au cours d’un séjour à Goma qui coïncidait très heureusement avec la diffusion de ces perspectives enchanteresses dans les médias, le patron d’Ensemble pour la République n’a pas loupé l’occasion de gloser sur la fin de la polémique née de la loi Tshiani. «J’ai suivi le chef de l’Etat quand il était aux Etats-Unis et je crois qu’il a tranché. Pour moi, c’était une distraction. Le Congo n’a pas besoin de division», avait déclaré Moïse Katumbi à la foule venue l’ovationner dans la ville volcanique. Mais cela n’est pas évident pour tout le monde, surtout pas l’initiateur de la proposition de loi sur le verrouillage de l’accès aux fonctions de souveraineté.
L’économiste Tshiani n’en démords pas, en effet : «la loi sur la congolité n’a pas été déclarée irrecevable par le bureau de l’Assemblée nationale», s’évertuait-il déjà à soutenir le 27 septembre, aussitôt après la publication de la «fuite Eliézer». «Chers compatriotes, ne vous laissez pas influencer par les mensonges des détracteurs. Loi Noël Tshiani n’a pas été déclarée irrecevable par le bureau d’études de l’Assemblée nationale qui l’enverra au gouvernement pour avis avant de programmer débats conformément à la procédure», avait-il écrit sur son compte Twitter. Même après les déclarations du président de la République à la presse au cours de son séjour newyorkais, l’économiste ne lâche rien : «tous les Congolais sont appelés à être utiles à leur pays. Même si cette proposition de loi n’a pas le soutien du chef de l’Etat, s’il a un point de vue contraire et que si la majorité des Congolais opte pour la proposition que j’ai initiée, ça va passer», insiste-t-il. Il n’est pas exclu qu’il ait raison.
D’abord, parce que le speaker de l’Assemblée nationale, voix autorisée pour se prononcer sur la question, s’exprime en terme de priorité et non d’irrecevabilité. Une ouverture politique demeure donc, qui permettrait de remettre la question sur la table de négociations, le moment opportun. Le requiem sur la proposition de loi Tshiani semble avoir été entonné prématurément.
LE MAXIMUM
PROJET DE LOI TSHIANI : Requiem prématuré pour une proposition gênante mais pertinente
