Chaque jour qui passe, Denis Kadima, l’expert ès élections pressenti par un groupe de six confessions religieuses sur les huit ayant pignon sur rue en RDC fait l’objet de multiples pressions. Confessions religieuses, bureau de l’Assemblée nationale, Union sacrée de la nation (majorité), opposition politique, communauté internationale…, chacun y va de ses ‘’recommandations’’ ou de ses exigences à l’endroit du futur patron du bureau de la centrale électorale.
Les uns pour le pousser à adopter une attitude jusqu’auboutiste en l’exonérant du devoir de calmer le jeu face à ses détracteurs. Les autres s’agitent fébrilement pour lui barrer la route de la présidence de la CENI même en usant d’arguments les plus immoraux et déloyaux.
Un groupe dénommé Synergie des organisations de la société civile pour les élections transparentes, (SOSCET) a ainsi dans un rapport rendu public le 18 juillet 2021 sur le monitoring du processus de désignation du président de la CENI de la RDC, relevé «des situations malheureuses de corruption ou de tentatives de corruption à ciel ouvert signalés et confirmés par plusieurs sources tout au long du processus de désignation du président de la CENI». Cette structure peu connue du public a fait état d’un certain nombre d’acteurs politiques qui auraient mobilisé d’importants moyens financiers et matériels pour appuyer certains candidats à la haute direction de la CENI. Elle accuse les auteurs de ces forfaits d’avoir bénéficié du soutien de quelques hautes personnalités congolaises qui les auraient chargés de convaincre «coûte que coûte» les grands électeurs que sont les représentants attitrés des huit confessions religieuses susmentionnées.
Des hiérarques catholiques et protestants ont promis de divulguer les preuves de corruption, si et seulement si, leur rejet du choix par leurs pairs des autres congrégations n’était pas pris en compte par l’Assemblée nationale et le président de la République. En même temps, ils exigent du chef de l’Etat de s’impliquer personnellement pour imposer un consensus unanime (sic !) autour du choix du président de la Commission électorale nationale indépendante (CENI).
Après le dépôt du rapport constatant l’absence d’un tel consensus par les huit confessions religieuses, six d’entre elles ont en effet décidé de faire cavalier seul en allant déposer le 28 juillet 2021 un procès-verbal plébiscitant Denis Kadima à la tête de la commission au bureau de l’Assemblée nationale. C’est la source du désaccord qui perdure jusqu’à présent. La suite est connue : une commission paritaire a été mise en place par la plénière de l’Assemblée nationale mais à peine venait-elle de débuter ses travaux que certains députés de l’opposition et de la majorité s’était élevés contre le principe même de sa tenue en faisant chorus avec les catholiques et les protestants pour la défenestration de Kadima ainsi que pour un consensus unanime devant, selon leur point de vue, permettre la désignation d’un président de la centrale électorale présentant une posture de totale neutralité vis-à-vis des pesanteurs politiques ambiantes.
On sait que les tentatives de corruption et les intimidations de toutes sortes avaient été dénoncées longtemps auparavant par toutes les huit confessions religieuses réunies en assemblée plénière. «Nous mettons en garde toutes les personnes qui s’adonnent à ces pratiques. Nous les avons déjà déjà identifiées. Si jamais un malheur arrivait à l’un de nous, nous les en tiendrons pour responsables», pouvait-on lire dans le communiqué final du vendredi 23 juillet 2021. Une mise en garde fut d’ailleurs formulée à toutes les forces politiques et sociales du pays pour décourager tout recours aux pratiques de corruption et d’intimidation sur les confessions religieuses. «Au moment où nous nous engageons à désigner nos candidats à la CENI, permettez-nous de dénoncer des intimidations et menaces de toutes sortes dont sont victimes certains membres de notre plateforme pour nous empêcher de faire librement notre travail. Cette façon de faire est un manque de respect envers les chefs des confessions religieuses», avaient dénoncé toutes les grandes figures représentatives des Églises congolaises en concertation.
Quelques jours plus tard, le 02 août 2021, le révérend Eric Nsenga, porte-parole de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) montait au créneau pour donner l’alerte en disant que «les autres membres de la plénière (des confessions religieuses NDLR) ont indiqué avoir reçu des appels téléphoniques de certaines autorités pour voter en faveur d’un candidat x», avant d’ajouter que «le législateur considère que les confessions religieuses ont une caution morale, elles sont des défenseurs de la moralité publique et incarnent l’indépendance de l’institution».
Après lui, deux associations de laïcs, l’une catholique et l’autre protestante se sont dans une déclaration virulente insurgées contre le lourd climat de désaccord entre les deux tendances qui ont vu le jour parmi les confessions religieuses congolaises.
Evoquant les reproches adressés à Denis Kadima Kazadi, un enseignant de l’Université de Kinshasa interrogé par nos rédactions rappelle ces mots de Pierre billon qui a dit que «la neutralité est une chose que l’on trouve dans les discours, pas dans les cœurs des gens». Avant de donner son point de vue : «la question qu’on peut légitimement se poser dans cette controverse est celle de savoir s’il sera possible un jour en RDC de désigner un président de la Commission électorale aux vertus angéliques pouvant échapper totalement à la critique publique, tant il est idéalement question de rassembler les valeurs d’indépendance, d’équité, d’éthique et de bonne moralité bien en même temps qu’une grande expertise et une maîtrise des questions électorales ».
S’agissant de Kadima, seule son indépendance vis-à-vis du camp du président Tshisekedi semble faire l’objet des préoccupations de ses détracteurs catholiques et protestants qui se contentent jusque-là de considérer son appartenance au même groupe ethnique que le cinquième président rd congolais. Pour le reste, sa compétence n’a jamais été contestée.
Master en sciences politiques et diplômé postuniversitaire en administration des affaires de l’université de Witwatersrand de Johannesburg en Afrique du Sud (1997 – 1999), Denis Kadima présente le parcours d’un grand intellectuel des temps modernes. Il aligne des compétences dans le domaine du leadership, de la planification stratégique, de la conception et de la direction des programmes, de la levée de fonds, de la gestion axée sur les résultats, du réseautage, de la gestion des ressources humaines et de la gestion financière.
Sa grande force réside dans la diplomatie électorale avec son passage à l’ONU en qualité de directeur du bureau référendum et élections de l’ONU au Soudan (juillet 2010 à mars 2011) et au Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD) ainsi que de la mission de conseiller technique principal en matière électoral en Tunisie (avril à juillet 2011). Sa réputation s’est également forgée dans ses fonctions de directeur de l’Institut électoral pour une démocratie durable en Afrique (EISA) où il a transformé cette organisation régionale en une ONG panafricaine et continentale respectée et influente.
Bon diplomate électoral auprès des Etats et bailleurs des fonds, Denis Kadima a dirigé et appuyé plusieurs missions d’observation et d’évaluation d’EISA et de plusieurs autres institutions en Afrique et dans le monde. A ces atouts non négligeables, Kadima ajoute celui de polyglotte parlant couramment aussi bien l’anglais, le français, le lingala, le tshiluba que le swahili.
Pince-sans-rire, un évêque catholique très remonté par ‘’la fuite en avant’’ des 6 confessions religieuses pro-Kadima persiffle sur ce qu’il considère comme insuffisances de ce dernier. «Denis Kadima n’a jamais participé à la gestion directe d’une administration électorale en pratique étant donné qu’il a depuis toujours œuvré dans l’observation et l’accompagnement électoral. Contrairement à Ronsard Malonda qui a gravi les échelons de la Commission électorale nationale indépendante (CENI) depuis les années 2006 en passant de simple expert à la fonction de directeur technique chargé des opérations électorales jusqu’à devenir secrétaire exécutif national de la centrale électorale congolaise, Denis Kadima n’a aucune référence de gestion pratique des élections sur le terrain. En plus, le parcours de Denis Kadima en RDC limite son expertise à l’accompagnement électoral par l’appui aux projets d’éducation civique et d’observation des élections». Les partisans de Kadima qui attribuent ces commentaires à une ‘’réaction de mauvais perdant’’, note en passant que «même le défunt abbé Apollinaire Malumalu d’heureuse mémoire qui a conduit le premier processus électoral en RDC a été formé en matière électoral par Denis Kadima qui n’a eu que très peu de contacts avec la plupart des acteurs politiques congolais des trois dernières générations des cycles électoraux ayant évolué le plus souvent dans l’encadrement des opérations électorales à l’étranger, ce qui constitue une garanti d’indépendance et de neutralité. Il n’est pas normal que notre pays qui consacre la laïcité de ses institutions recule face aux pressions des deux églises (catholique et protestante) alors que le processus est déjà en marche et que l’Assemblée doit se prononcer incessamment».
Le Maximum