Les catholiques, tout au moins les princes de l’église regroupés au sein de la CENCO, n’ont pas renoncé à la direction de la Commission électorale nationale indépendante (CENI), en dépit de l’échec de la première manche des conciliabules pour parvenir à un consensus avec les 6 autres confessions religieuses sur la question. A la différence des précédents scrutins électoraux en 2011 et 2018, qui avaient vu ces prélats rechigner à toute désignation officielle d’un des leurs, pour 2023 ils semblent déterminés à ne plus se faire les apôtres de la politique de la chaise vide bien connue de leurs collègues politiciens. Alors que les négociations sur la désignation du futur patron de la centrale électorale avaient achoppé le week-end dernier, Mgr Marcel Utembi trahissait un souci évident de préserver les arrières des catholiques en répétant à satiété que la commission qu’il avait présidé n’avait désigné aucun candidat. Même si tout le monde savait qu’un groupe de 6 confessions religieuses avait formellement jeté son dévolu sur le candidat le mieux disant porté par l’église kimbanguiste, Denis Kadima.
Imbattable
Beaucoup dans l’opinion en conviennent de plus en plus : l’expert ès élection d’origine kasaïenne (comme Fatshi, hélas !) traîne un CV imbattable n’en déplaise à ses détracteurs, dont les églises catholique et protestante qui ont largué en début de semaine une pseudo-révélation présentant Kadima comme un ancien collaborateur du président Tshisekedi. Une information qui semble produire un effet contraire à celui attendu par ses auteurs : recruté dans le cadre du Mécanisme national de suivi de l’Accord d’Addis-Abeba conclu sous Joseph Kabila pour contribuer avec d’autres experts nationaux à la rédaction de la revue du cadre juridique et institutionnel des élections en RDC financé par le PNUD, l’expert ne semble pas en avoir entretenu des relations particulières avec le chef de l’Etat. Pas plus que ses collègues experts, en tout état de cause. Bien au contraire, le fait d’avoir obtenu le quitus d’organismes internationaux comme le PNUD, que l’on sait extrêmement pointilleux sur le profil de ceux qu’ils recrutent, en rajoute aux qualités intrinsèques de Kadima.
Arguments fallacieux
Et les arguments avancés par le tandem ECC-CENCO pour recaler le dossier Kadima ne résistent pas à l’analyse. Au cours d’un point de presse, lundi dernier, les deux confessions religieuses ont justifié leur refus de cautionner la meilleure candidature du lot par des menaces, des pressions, des tentatives de corruption dont certains parmi les pères spirituels des églises auraient fait l’objet. Denis Kadima perdrait, de ce point de vue, toutes ses qualités et ses aptitudes à tenir les rênes de la CENI parce que certains individus auraient plaidé ou fait pression en sa faveur. «Un peu comme si un élève présenté comme intelligent par ses connaissances ne le serait plus parce qu’il aurait été présenté comme tel», commente pour le Maximum ce professeur de psychologie de l’UPN. L’argumentaire ne tient pas la route, en tout cas pas pour tout le monde. Ni les stratagèmes mis en œuvre par les deux confessions religieuses pour parvenir à leur fin, c’est-à-dire écarter le dossier Kadima de la course.
3ème voie de triste mémoire
Le 27 juillet au Centre interdiocésain de Kinshasa où se tenaient les travaux de désignation du remplaçant de Corneille Nangaa à la tête de la CENI, les représentants des confessions religieuses en étaient arrivés au point de choisir par consensus entre Cyrille Ebotoko, candidat des catholiques et Denis Kadima des Kimbanguistes, lorsque catholiques et protestants ont fait état de réticences qu’ils n’avaient pas exprimées au moment de l’examen des dossiers et des interviews, a rapporté le prophète Dodo Kamba des églises de réveil mardi dernier en conférence de presse réplique. Un jour plus tard, le 28 juillet, les deux confessions religieuses ont rappliqué avec la proposition, jugée saugrenue par les 6 autres, d’éliminer les deux candidatures finales (Ebotolo et Kadima) pour régler le désaccord, plutôt que de passer au voter ainsi que le prévoit l’article 17 de leur charte.
Groupe de pression catholique
Mardi 3 août à Kinshasa, c’est un groupe de pression connu pour sa proximité avec l’archevêché de Kinshasa, le Comité laïc de coordination (CLC), qui a volé au secours de l’ECC et de la CENCO. Dans un communiqué, le CLC avance que «la présidence de la CENI ne peut être l’otage des candidatures de Kadima et Ebotoko», et invite les confessions religieuses à renégocier autour d’autres candidatures. Une recette connue pour avoir été mise en œuvre sous l’égide du défunt cardinal Laurent Monsengwo, alors archevêque de Kinshasa et président de la CENCO. Vers sa fin dans les années ’90, la Conférence nationale souveraine qui avait élu Etienne Tshisekedi premier ministre du gouvernement avait été phagocytée par la remise sur la scène de Léon Kengo wa Dondo, Mobutu et Tshisekedi étant écartés de la course au motif que leur cohabitation était impossible. On doit à l’évolution de la situation politique qui s’en est suivie, l’invasion de la RDC par les troupes rwando-ougandaises interposées, à ce contournement de la volonté des conférenciers, selon certains analystes.
J.N