Reçu mercredi 28 juillet par le speaker USN de la chambre basse du parlement, Christophe Mboso, le prophète Dodo Kamba des églises du réveil avait assuré, sans rassurer, que les confessions religieuses n’étaient guère divisées. Ce clergyman porté il y a quelques mois à la tête du regroupement des évangélistes ne dissimulait pourtant pas le fait qu’il était devenu de facto le porte-parole des six des huit confessions religieuses chargées de désigner le prochain président de la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI). En lieu et place de l’abbé Donatien Nshole, secrétaire générale de la Conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO), à qui le rôle était dévolu jusqu’au schisme du 27 juillet, lorsqu’un groupe de chefs spirituels a déserté le Centre interdiocésain au profit du siège de la Commission d’intégrité et de médiations électorales (CIME) pour y désigner le candidat de l’église kimbanguiste en remplacement de Corneille Nangaa, Denis Kadima, selon de nombreuses sources.
Sauver la mise
Certes, jusqu’au moment où nous mettions sous presse, il semblait encore que des pourparlers se poursuivaient pour tenter de sauver la mise. Le procès-verbal de désignation du président de la CENI n’était encore ni signé, ni officiellement transmis à l’Assemblée nationale. Mais Dodo Kamba martelait : «nous restons dans les règles de notre charte et ne reculerons pas». Il était acquis en principe pour tout le monde qu’en cette date limite du dépôt du dossier du président de la CENI, plus rien n’arrêterait la machine. Les pères spirituels représentants les principales congrégations religieuses de la RDC n’avaient pas, une fois de plus, réussi à taire leurs divergences. Comme il y a un an, à l’occasion de la désignation chahutée d’un certain Ronsard Malonda. Catholiques et protestants s’étaient à nouveau désolidarisés des autres confessions religieuses, dès qu’il avait été acquis que leurs propres candidats avaient perdu la partie, selon les observateurs des joutes du Centre interdiocésain de Kinshasa. Mgr Marcel Uthembi, ci-devant président de la CENCO, ne s’en est pas caché devant la presse en déclinant la responsabilité de son église quant à la suite des événements. Dans l’impasse, des rumeurs insistantes faisaient état de l’intention des catholiques et des protestants d’en référer au président de la République plutôt qu’à l’Assemblée nationale.
Candidats peu saints
Mardi au Centre interdiocésain de la Gombe, les huit candidatures à la présidence de la CENI avaient rapidement été réduites à 6 puis à trois en fonction des critères retenus par les huit congrégations : Ebotolo (CENCO), Bimwala (Armée du Salut) et Kadima (Eglise Kimbanguiste). Le passé politique de Ebotolo et Bimwala qui avaient récemment postulé chacun à la députation nationale pour le compte de partis politiques mettait en doute leur indépendance, ce qui les disqualifiait sensément face au candidat de l’Eglise Kimbanguiste, présenté à son tour par ces deux confessions religieuses comme «proche de l’UDPS/Tshisekedi». Sans preuves autres que son appartenance à l’espace kasaïen selon les six confessions religieuses qui le soutiennent.
C’est là que les Romains s’empoignèrent, les catholiques proposant une suspension pour réexaminer les dossiers déjà examinés des candidats. En réalité, ainsi qu’on l’apprendra par la suite, les prélats catholiques et protestants reprocheraient à Kadima d’être un luba du Kasaï comme l’actuel président de la République Félix Tshisekedi.
Critères personnalisés
Quelques jours avant les dates fatidiques des 27 et 28 juillet, par la bouche de l’Abbé Nshole, les pères spirituels s’étaient fendus d’un communiqué dénonçant les menaces dont ils auraient fait l’objet (de la part d’on ne sait qui) et égrenant une litanie de conditionnalités à remplir par les postulants à la présidence de la CENI. Parmi ces dernières, ils exigaient du futur président de la centrale électorale «d’être capable de communiquer les vrais résultats des urnes». Cela sonnait comme une contestation de l’élection de Tshisekedi fin décembre 2018, en même temps qu’une exhortation à ne plus le voir re-proclamé président de la RDC. Catholiques et protestants auraient voulu faire déjà le lit d’un éventuel challenger du chef de l’Etat en place qu’ils ne s’y seraient pas pris autrement.
Tout bien considéré, les hommes de Dieu de tous acabits auront péché en actes et en pensées dans la mise en œuvre de la désignation de l’homme qui doit présider aux élections de 2023. D’abord, dans le choix des candidats, qui pour la plupart n’avaient rien de saints, ensuite en entretenant l’illusion fallacieuse de la dépolitisation de l’institution d’appui à la démocratie qu’est la CENI, autant que des résultats électoraux à venir. De l’enfumage au propre comme au figuré, puisque les choix ainsi opérés relève pratiquement du satanique.
En pensées et en actes
Les observateurs se demandent, en effet, comment la respectable Armée du Salut a pu endosser la candidature de Bimwala, un proche de l’ancien gouverneur PPRD de Kinshasa Kimbuta, dont le nom s’était retrouvé parmi les candidats aux législatives passées sur les listes de l’ancien parti présidentiel. Les catholiques qui pour leur part ont béatifié la candidature de Ebotoko ne pouvaient, eux non plus, ne pas connaître l’appartenance aux listes électorales de Lamuka de leur protégé.
Dans ces conditions, contester aux Kimbanguistes le droit de parrainer la candidature de Denis Kadima pour cause de son appartenance à une province kasaïenne prenait les allures d’une véritable forfaiture.
On peut en dire autant des Orthodoxes, des Musulmans, des Eglises dites de Réveil, de l’Union des Eglises Indépendantes dont les candidats ont été balayés d’un revers de la main. Il n’y eût donc pas que des révélations divines dans les choix de leurs candidats à la présidence de la CENI.
En acceptant depuis 2006, année des premières élections démocratiques en RDC, la lourde charge de conduire les élections en RDC, les pères spirituels semblent ainsi avoir plongé tête baissée dans l’illusion discutable selon laquelle une neutralité totale est possible dans ce domaine hautement politique. Et qu’elles pourraient par le seul miracle de leur ‘‘sainteté’’ représenter cette parfaite neutralité. Les faits dans leur entêtement viennent ainsi démentir ces utopies. Il n’y a pas eu de présidentielle qui n’ait entraîné des contestations, y compris parmi les pères des églises eux-mêmes, dont l’indépendance par rapport aux puissances d’argent et d’influence qui écument l’Afrique est plus que sujette à caution.
Dans le processus de désignation du président de la CENI, les pères spirituels auront donc péché.
Certes, l’erreur est humaine, leurs éminences, excellences, révérends et représentants légaux devraient en convenir. Mais la persévérance dans cette voie les discréditerait plus qu’elle ne réglerait la situation.
LE MAXIMUM