Quarante-deux ans de guerre, des milliers de vies détruites, un pays ravagé, des milliards de dollars dépensés… pour rien. Arrimage parfait sur la politique hégémonique des USA, le 3 juillet 1979, le président Jimmy Carter signait une «conclusion présidentielle» autorisant la CIA à dépenser un peu plus de 500.000 USD en aide non létale pour soutenir les moudjahidines afghans contre l’influence croissante des Soviétiques dans la région.
L’«influence soviétique croissante» était le gouvernement progressiste PDPA qui dirigeait l’Afghanistan, mais ne faisait pas ce que Washington lui demandait. C’est l’«aide» apportée par les États-Unis aux rebelles qui a contraint l’URSS à intervenir. Le 15 février 1989, le processus de retrait des forces militaires soviétiques d’Afghanistan était officiellement terminé.
Aujourd’hui, quarante-deux ans après la signature de Carter, les États-Unis, vaincus, fuient l’Afghanistan. Les Talibans prennent des districts dans le nord de l’Afghanistan aux troupes loyalistes en fuite.
La progression des Talibans dans le nord de l’Afghanistan s’est accélérée cette semaine avec la prise de plusieurs districts aux forces afghanes en fuite, dont plusieurs centaines ont franchi la frontière avec le Tadjikistan, ont indiqué des responsables dimanche dernier.
Depuis la mi-avril, lorsque le président américain Joe Biden a annoncé la fin de la « guerre sans fin » en Afghanistan, les Talibans ont progressé dans tout le pays. Mais leurs gains les plus significatifs ont été réalisés dans la moitié nord du pays, un bastion traditionnel des chefs de guerre alliés aux États-Unis qui avaient contribué à leur défaite en 2001.
Le porte-parole des Talibans, Zabihullah Mujahid, a confirmé la chute des districts et déclaré que la plupart d’entre eux étaient tombés sans combattre. Lors de précédentes redditions, les Talibans ont montré des vidéos montrant des soldats afghans prenant de l’argent pour le transport et rentrant chez eux.
A quoi est-ce que tout cela a servi ? Les Afghans se lamentent sur les décennies de guerre alors que les États-Unis quittent Bagram Malek Mir, un mécanicien de Bagram qui a vu l’armée soviétique puis les Américains aller et venir, a déclaré qu’il était pris d’un profond sentiment de tristesse devant la futilité des présences étrangères.«Ils sont venus en bombardant les Talibans et en se débarrassant de leur régime mais maintenant ils sont partis alors que les Talibans sont si puissants qu’ils ne tarderont pas à prendre le pouvoir», a-t-il déclaré. «À quoi ont servi toutes les destructions, les meurtres et la misère qu’ils nous ont apportés ? Il aurait mieux valu qu’ils ne soient jamais venus. Les Américains laissent un héritage d’échec, ils n’ont réussi à contenir ni les Talibans, ni la corruption», a déclaré Sayed Naqibullah, un commerçant de Bagram.
Un petit pourcentage d’Afghans est devenu riche, alors que la grande majorité vit toujours dans une extrême pauvreté. Si le retrait des troupes américaines et de leurs alliés de l’OTAN a été salué par certains et fortement critiqué par d’autres, il y a une chose sur laquelle tout le monde semble s’accorder : la mission de 20 ans menée par les États-Unis pour vaincre les Talibans, imposer la démocratie à l’américaine a été un échec total.
À l’instar de leur retrait d’Irak en 2011, les États-Unis laissent derrière eux un appareil militaire de bric et de broc qui, malgré l’investissement de dizaines de milliards de dollars, est mal préparé aux tâches qui lui sont assignées.
La situation à laquelle l’Afghanistan sera confronté après le retrait américain n’est toutefois guère un incident isolé dans l’histoire moderne des États-Unis. Après avoir effectivement abandonné leur allié du Sud-Vietnam dans les années 1970, laissé derrière eux un Irak paralysé en 2011 et maintenant s’être retirés d’Afghanistan, les célébrations du retour au pays seront entachées par les sombres perspectives de ceux qui souffriront des conséquences de la guerre en Afghanistan pour les décennies à venir. Le zèle avec lequel ces interventions militaires sont lancées n’a d’égal que le degré d’indifférence qui s’ensuit à l’égard du sort du pays lorsque les réalités du conflit deviennent trop inconfortables, ce qui ouvre la voie à une répétition sans fin de la tragédie des désastres interventionnistes. L’Afrique en sait quelque chose. Pendant ce temps, la population locale est, pour les générations à venir, involontairement endettée par les caprices de la politique américaine, une dette ironiquement contractée par l’investissement tout aussi involontaire de billions de dollars des contribuables américains dans l’industrie de la guerre.
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MISSION CIVILISATRICE ET IMPOSITION DE LA DEMOCRATIE US EN AFGHANISTAN : Echec et mat
