La nuit de mercredi 30 juin au jeudi 1er juillet 2021 fut cauchemardesque pour les habitants de la ville de Beni, capitale administrative du Grand Nord-Kivu. Au quartier Rwangoma, les rebelles ougandais de l’ADF ont tué 10 civils dont les corps ont été acheminés à la morgue locale. Quelques heures auparavant, mardi 29 juin, tôt le matin, dix autres habitants de Beni avaient été enlevés par les mêmes rebelles près du parc des Virunga, aux quartiers Paida et Rwangoma alors qu’ils se rendaient à leurs travaux champêtres. Il s’agit de huit habitants de la cellule Kithahomba et de deux autres de la Cellule Mapendo (Rwangma), selon les responsables urbains cités par la presse à Kinshasa qui font état de l’enlèvement, plusieurs jours plus tôt, de neuf autres des leurs et des environs. «Nos membres de famille ont été pris en otage la journée du mardi près de la rivière Mamoma, les uns à Nyaleke et les autres à Mayangose. Mon mari est parmi les otages. Il reste introuvable jusqu’à présente», raconte impuissante Mme Masika, épouse d’un des otages.
L’attaque de Beni en ce jour symbolique du 61ème anniversaire de l’indépendance de la RDC intervient après les attentats à la bombe artisanale, lourds de symbole et de provocation, le week-end dernier à Beni. Dimanche 27 juin dans la matinée, un engin explosif avait explosé peu avant la célébration eucharistique en l’église de la paroisse «L’Emmanuel» de la commune de Bulungu, blessant deux paroissiennes venues préparer la messe, et causant des dégâts matériels importants. Au même moment, un autre engin explosait non loin d’une station d’essence sans faire de dégâts. Il est fait état de l’explosion d’une troisième bombe artisanale, cette fois, dans un débit de boisson de la ville.
Attentats symboles
Les trois attentats à la bombe à Beni ont été revendiqués, en début de semaine, par le groupe Etat Islamique (EI), qui vante sur son site internet «son premier attentat suicide en RDC visant des chrétiens dans un bar à Beni (…) et une explosion dans une église». Les auteurs de cette revendication ne font pas l’économie de détails, puisqu’ils assurent que «le frère Abu Khadijah (…) a réussi à actionner sa ceinture explosive dans un bar des liqueurs de Makabanga dans la ville de Beni», selon le communiqué de l’Etat Islamique dans la Province d’Afrique centrale (ISCAP).
Les derniers incidents sécuritaires à Beni-Ville indiquent que les rebelles ADF répondent à la proclamation de l’état de siège dans la région en faisant grimper la tension parmi les populations dans le dessein évident, selon les observateurs, de fissurer la résistance et la collaboration avec les forces loyalistes. Mais aussi, d’opposer entre eux les fidèles musulmans, nombreux dans cette partie du pays, aux fidèles catholiques afin d’exacerber des tensions socio-religieuses. Jeudi matin à Beni, les populations, des jeunes essentiellement, ont réagi à la vue des corps des victimes par une marche spontanée de protestation à travers les rues de la ville.
Pourtant, ce n’est pas faute de mesures préventives, mais les nouvelles autorités militaires flairaient déjà cette escalade de violences. Outre les enquêtes lancées dès dimanche 27 juin pour identifier les auteurs des attentats du week-end, les quartiers Kanzuli et Kasanga avaient fait l’objet d’un bouclage en règle opéré par les éléments de la police nationale congolaise. Trois éléments FARDC et de nombreux suspects ont été interpellés à l’occasion, de même qu’au moins deux armes de type AK-47 et de nombreux objets militaires ont été saisis, dont des munitions et des appareils de communication de type Motorolla.
Pressions militaires
Les rebelles ADF semblent donc plus que jamais aux abois face aux mesures sécuritaires mises en branle sur le terrain des opérations. Au cours d’une conférence de presse, mardi 29 juin, le gouverneur militaire du Nord-Kivu a dressé le bilan des opérations militaires au 29 juin selon lequel «49 terroristes ont été neutralisés dont nous avons vu les corps, 10 ADF capturés, 85 collaborateurs interpellés que nous avons mis à la disposition de la justice militaire. Au plan matériel, 34 armes et munitions, tous calibres, récupérés, six véhicules et 10 motos arrêtés. Sur le plan opérationnel, contrôle et occupation des sanctuaires les plus importants de l’ADF. Aujourd’hui à Malika, plus de 38.000 cultivateurs ont repris leurs activités agro-pastorales. Dans le Mayangose, terrain le plus fertile du coin, autour de la ville de Beni, plus de 36.000 cultivateurs exploitent de nouveau leurs champs. Jadis, personne ne pouvait y accéder», a assuré le général Constant Ndima qui a indiqué que les villages Mapobu, Halungupa, Mamova, Lahe, Mandina, Kididiwe, Kasinga, Totolito, Semuliki, Mbau, Kamango, Mamudyoma et Nobili sont passés sous contrôle FARDC.
Les rebelles ADF semblent ainsi de plus en plus réduits à la perpétration d’attaques urbaines ciblées, à ce terrorisme urbain qui a fait la triste réputation des groupes islamistes extrémistes à travers le monde.
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