Près d’un mois après l’instauration de l’état de siège dans les provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, l’armée a hasardé un premier bilan des opérations militaires contre les forces négatives qui écument et endeuillent la région : une trentaine de rebelles ADF neutralisés, 70 collaborateurs mis aux arrêts. Bilan significatif, certes, particulièrement dans son volet renseignements militaires, qui met en exergue pour la première fois l’attention accordée aux collaborateurs qui permettent au phénomène ADF de se perpétuer dans la région de Beni grâce à leur insertion dans le tissu économique local.
Mais ce bilan reste largement insignifiant, surtout s’il est comparé aux exactions subies par les populations civiles jusque-là, et qui ne sont pas près de s’arrêter, manifestement. Presqu’au même moment où le porte-parole FARDC de l’opération Sukola 1 à Beni rendait public le bilan de quelque 3 semaines d’instauration de l’Etat de siège dans la région, fusait d’un peu partout le bilan macabre des tueries dans la même période : en gros, au moins une soixantaine de civils ont été tués depuis début mai 2021 dans le seul secteur de Ruwenzori (Beni rural), selon la Nouvelle société civile congolaise. Tandis que la province voisine de l’Ituri, également sous état de siège, faisait la une de la presse en raison du massacre d’une soixantaine de civils à Boga et à Tchabi en territoire d’Irumu dans la nuit de dimanche 30 à lundi 31 mai derniers.
Situation préoccupante
Pas de quoi rasséréner quiconque d’autant plus que mardi 1er juin encore, la coordination provinciale de la société civile du Nord-Kivu faisait état de la présence croissante d’hommes armés inconnus en chefferie des Bashu dans le territoire de Beni, ainsi que de son corollaire, une multiplication d’enlèvements et de disparitions de civils. «Nous craignons que ce ne soit une réorganisation des positions des ADF, parce qu’ils ont toujours utilisé la vallée de Mwalika comme base-arrière», déclare à la presse Edgar Mateso, président de l’organisation. Alors qu’à Kasindi, à quelques dizaines de km de là à la frontière RDC-Ouganda, un délégué du gouverneur de province révélait que les mêmes rebelles ADF se trouvaient à la porte de l’agglomération. Mercredi 2 juin 2021, Exode, un site minier de l’Ituri, a subi une attaque en règle des miliciens CODECO qui a fait une dizaine de morts parmi les civils.
De quoi faire le lit des adversaires de l’instauration de l’état de siège, dans les régions concernées et au-delà, mais un peu prématurément tout de même. Parce qu’à en juger par la tournure prise par les événements, la mise en œuvre de la décision prise par Félix Tshisekedi début mai dernier ne ferait que commencer … et que donc, les avancées observées jusque-là (autant, du reste, que les échecs), auront été acquis avec «les moyens du bord», pour ainsi dire.
Militarisation progressive ?
Du point de vue de l’administration des provinces du Nord-Kivu et de l’Ituri, de nombreuses nominations sont intervenues après la proclamation de l’état de siège et des chefs militaires des provinces concernées. Certes, on ne peut pas encore affirmer que c’est la militarisation intégrale des administrations qui est en cours, ainsi que le souhaitent certaines organisations locales de la société civile. Il appert qu’on s’y achemine depuis la nomination des maires des villes PNC, autant qu’à la tête de l’opération militaire Sukola 1 chargée de l’éradication des forces négatives au Nord-Kivu. Tout ne ferait que commencer dans le processus de l’instauration et de la mise en œuvre effective de l’état de siège dans les provinces de l’Est rd congolais, de toute évidence.
Ça s’active intensément
Sur le terrain des opérations militaires s’observe également ce qui apparaît comme un ou des coups de pouce décisifs à l’amélioration de l’efficience des FARDC. Le 28 mai 2021, le général Kasonga, porte-parole des FARDC annonçait l’acquisition de 3 hélicoptères de combat HM16 destinés à soutenir les offensives terrestres contre les forces négatives au Nord-Kivu et en Ituri. Et mardi 1er juin à Kinshasa, le ministre de la Défense, Gilbert Kabanda, annonçait l’accélération des opérations militaires sur le terrain grâce aux moyens financiers mis à sa disposition par le gouvernement. «Il y a des hommes que nous allons devoir bouger pour aller dans les zones de l’état de siège et d’ici deux semaines, je peux vous assurer que la situation ne sera plus la même», a déclaré en substance ce médecin militaire.
Au Nord-Kivu et en Ituri, tout ne fait que commencer, selon toutes les apparences. Il faudra attendre avant de se prononcer sur la réussite ou l’échec de l’état de siège décrété début mai 2021.
LE MAXIMUM