Investi dans l’urgence le 26 avril 2021, le gouvernement Sama Lukonde aura été dispensé du bras de fer habituel avec les élus autour de son programme. Le document d’une soixantaine de pages décliné en 343 actions à réaliser en deux ans et demi pour un coût global de 36 milliards USD présentait beaucoup d’opportunités d’empoignades qui n’eurent pas lieu dans une salle des congrès chauffée à blanc par les sympathisants des partis membres de l’USN prêts à chahuter toute opinion contraire à l’exhortation du président Tshisekedi de voir l’équipe Sama recevoir rapidement les moyens de mettre en œuvre les urgences de l’heure. La plénière a même zappé la réplique du 1er ministre, généralement assortie d’au moins 48 heures de préparation. C’est à peine si une députée avait fait observer que mettre en œuvre autant d’actions en aussi peu de temps sans chronogramme, ni cadre de résultats avec indicateurs objectivement vérifiables, était trop ambitieux. L’heure n’était pas aux atermoiements ni à la critique aussi rationnelle au palais du peuple ce jour-là. L’air non plus, d’ailleurs.
L’équipe gouvernementale dite des «warriors» investie sans coup férir, les choses sérieuses se sont enclenchées. Après une remise-remise sans anicroches avec son prédécesseur, Sylvestre Ilunga Ilunkamba mardi 27 avril 2021, Sama Lukonde a réitéré dans un tweet sa volonté de «construire un Etat fort pour l’intérêt du peuple congolais». La cérémonie supervisée par Albert Ekumbaki, secrétaire général du gouvernement, avait été précédée d’un tête-à-tête entre l’entrant et le sortant.
Mercredi 28 avril, toutes les remises-reprises ont été bouclées. Le président Tshisekedi a mis du sien en levant aussitôt les mesures conservatoires qui avaient accompagné la démission du professeur Ilunga le 30 janvier dernier. «Sur instruction de la haute hiérarchie, les mesures conservatoires du 30 janvier 2021 sont levées suivant les modalités qui seront communiquées en Conseil des ministres. Les dossiers traités et en cours de traitement relatifs aux susdites mesures doivent être transmis au 1er ministre Jean-Michel Sama Lukonde Kyenge pour orientation sectorielle et prise en charge», disait un communiqué du directeur de cabinet du président, Guylain Nyembo. Ainsi, les engagements, liquidations et paiements des dépenses publiques suspendues depuis plus d’un trimestre peuvent reprendre.
Un gap de 6 milliards USD par an
Il reste que le plus dur reste à faire. Devant la représentation nationale, lundi, Jean-Michel Sama a reconnu un gap de 6 milliards USD par an, promettant néanmoins un collectif budgétaire au cours de l’année et prônant plus de rigueur dans le recouvrement des recettes publiques ainsi que dans la perception de la plus-value de la taxe spéciale auprès des opérateurs miniers, sans oublier d’autres recettes innovantes. Du déjà entendu.
En marge de son retour en RDC en février 2020 après des années d’absence, le FMI avait qualifié le budget du gouvernement FCC-CACH chiffré à quelque 10 milliards USD d’irréaliste et invité la RDC à le revoir à la baisse vu les pressions sur les dépenses et la faible performance des recettes. On doute d’ores et déjà de la capacité de Jean-Michel Sama et de son équipe à inverser la tendance rapidement. Un plan de trésorerie rendu public en février avait ramené les prétentions budgétaires initiales à 5,45 milliards USD. Il fut jugé plus conforme aux capacités nationales par le FMI qui accorda un crédit d’urgence de 368 millions USD à la RDC pour répondre à ses besoins urgents en matière de balance des paiements. En octobre 2020, le gouvernement Ilunga adoptait carrément un budget chiffré à 6,8 milliards USD, expliquant cette réduction par le ralentissement de l’économie provoqué par la crise Covid-19. On rappelle à cet effet que le FMI conditionne l’accès la RDC au programme triennal de soutien par l’élaboration d’un budget réaliste, plus technique que politique.
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