De mémoire de Congolais, jamais gouvernement n’aura été investi par l’Assemblée nationale au milieu d’autant de conjectures aussi pessimistes. Le grand oral du 1er ministre Sama Lukonde nommé depuis février dernier, prévu vendredi 23 avril 2021 a été reporté plusieurs fois parce que les travées de la chambre basse du parlement bruissaient de murmures contestataires qui faisaient craindre un renvoi pur et simple du nouveau patron de l’exécutif à ses études à l’occasion de la présentation de son programme. En cause, le mécontentement de certains députés nationaux qui s’estimaient ‘‘mal gratifiés’’ après leur engagement dans l’Union sacrée de la nation, la nouvelle majorité tshisekediste. A cela s’ajoute le fait que le projet de programme gouvernemental distribué aux élus présentait la lacune formelle mortelle de porter la signature du président de la République, une institution dont on sait qu’elle n’est pas responsable devant le parlement. Il était donc prudent de tâter le sol avant d’effectuer le saut.
Vendredi dernier, le 1er ministre s’est donc entretenu avec les caucus de députés nationaux des 26 provinces du pays au Fleuve Congo Hôtel. 24 heures plus tard, samedi 24 avril 2021, c’était le président de la République en personne qui s’adressait à quelques centaines d’élus nationaux à la Cité de l’Union Africaine. Au menu de sa communication : l’investiture urgente et pressante du nouveau gouvernement.
Félix-Antoine Tshisekedi n’y est pas allé par le dos de la cuillière, alignant des arguments-massues qui ont placé les uns et les autres devant leurs responsabilités, tout en leur rappelant subtilement qu’ils étaient tous embarqués dans le même navire et auraient à subir le même sort que lui-même s’il venait à sombrer.
L’urgence et la gravité de la situation sécuritaire au Nord et à l’Est du pays exigeaient l’investiture rapide du gouvernement, a avancé le chef de l’Etat préoccupé par les élans antigouvernementaux qui se profilaient dans plusieurs entités des provinces martyrs. Fatshi a su renvoyer la balle aux élus en leur demandant de lui donner les moyens de mettre fin aux souffrances des populations civiles innocentes. «Si vous pensez que nous avons encore du temps à perdre, par rapport à l’urgence qui guette le pays à l’Est, alors perdez ce temps. Si vous pensez que nous devons agir dès maintenant, alors s’il vous plaît, donnez-moi ce gouvernement et vous allez voir le travail que nous allons faire», leur a-t-il dit.
Le chef de l’Etat a en outre rassuré ses interlocuteurs au sujet des échéances électorales, en confirmant la tenue des élections pour 2023 et en encourageant les discussions autour de l’amélioration du processus électoral pour éviter les habituelles contestations. Au sujet du recensement général de la population, il a affirmé que «ce n’est pas un prétexte pour ne pas organiser les élections. J’ai parlé avec plusieurs spécialistes qui m’ont dit qu’il y a moyen de faire ces deux choses (élections et recensement ndlr) de manière concomitante pour avancer. Nous avons besoin de savoir qui est Congolais et qui ne l’est pas», a-t-il expliqué.
L’investiture sans coup férir du gouvernement ce lundi indique que les mots forts du président ont fait mouche.
A l’évidence, Félix Tshisekedi tient d’une main ferme les rênes de la nouvelle majorité qui demeurera sans doute dynamique et qui exigera souvent ce type d’exercice.
A.B.