L’avion Kenya Airways transportant le président kenyan a atteri à l’aéroport international de N’djili à Kinshasa mardi 20 avril 2021 dans l’après-midi. Honneur rare, Uhuru Kenyatta a été salué à sa descente d’avion par son homologue Félix Tshisekedi avant de passer en revue la garde d’honneur constituée par un détachement militaire congolais. Accompagné de plusieurs hauts dignitaires de l’Etat dont les speakers des deux chambres législatives et de quelques ministres du gouvernement sortant, le chef de l’Etat rd congolais avait mis les petits plats dans les grands pour son hôte du jour qui était flanqué notamment de sa cheffe de la diplomatie Raychelle Omamo.
Outre les relations bilatérales traditionnelles entre Nairobi et Kinshasa, les deux chefs d’Etat ont évoqué pendant la visite de Kenyatta les questions relatives à l’insécurité qui étouffe l’Est de la RDC.
Le plan Fatshi pour l’Est
On sait que la situation sécuritaire a pris une tournure des plus fâcheuses pour le gouvernement congolais qui donne l’impression de marquer les pas devant les offensives de plus en plus audacieuses des terroristes du groupe daech-RCD (ADF). Le président Tshisekedi dont la popularité est menacée sur la partie orientale du pays en a pris la juste mesure.
En effet, le mécontentement des populations de l’ex-Kivu et de l’Ituri a gagné les travées de la chambre basse du parlement qui lui sont pourtant majoritairement acquises.
Mercredi 21 avril 2021, le caucus de députés de la province de l’Ituri, suivis par quelques élus des provinces martyrisées par divers groupes armés faisant partie de la nébuleuse djihadiste, ont bruyamment claqué la porte l’hémicycle en pleine plénière, pour protester contre la situation sécuritaire qui sévit dans leurs circonscriptions électorales respectives. Il y a de quoi s’émouvoir.
Depuis quelques 72 heures, les habitants de Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, observaient un mot d’ordre de ‘‘ville morte’’ pour les mêmes raisons. Lundi 19 avril, quelques 40 corps de civils en décomposition avaient été découverts à Bbasa, une localité du territoire de Djugu (Ituri). Dans le même temps, la société civile locale faisait état de massacres à Fataki sur le littoral du Lac Albert ainsi qu’à Nyakunde et Marabo entre autres.
Tout indiquait qu’une duplication de la situation sécuritaire alarmante de Beni et ses environs était en cours ici aussi.
Des signaux se multiplient qui révèlent que le chef de l’Etat est fortement préoccupé par l’insécurité qui sévit à l’Est du pays. Et qu’il entend coûte que coûte l’éradiquer.
Il n’est pas dit que pour y arriver, Félix-Antoine Tshisekedi doive impérativement s’installer personnellement à Beni comme il en avait fait la promesse pendant la campagne électorale de 2018, au risque de connaître le sort du maréchal-président tchadien Idriss Deby Itno dont le zèle a fait perdre à son pays et à toute la région du Sahel un rempart contre la poussée du terrorisme.
Plusieurs mesures efficaces de réponse aux agressions récurrentes contre l’Est de la RDC ont été annoncées.
Selon le programme d’action que le 1er ministre Jean-Michel Sama Lukonde et son gouvernement s’apprêtent à défendre devant l’Assemblée nationale, des administrations militaires pourraient bientôt être déployées dans toutes les zones en proie à l’instabilité et aux conflits. Avec elles, on peut s’atttendre à la proclamation dans les prochains jours de l’état d’urgence doublée de la sollicitation d’un effort de guerre de la part de l’ensemble des composantes du tissu social national. C’est le premier pilier du secteur «Politique, Justice, Défense et Sécurité», du programme du nouveau gouvernement.
Le président Félix Tshisekedi a annoncé par ailleurs l’arrivée dans les semaines à venir de troupes kenyanes « … pour appuyer nos forces armées afin d’attaquer de la manière la plus efficace qui soit ce problème de terrorisme et de violence à l’Est de notre pays ». Le président Uhuru Kenyatta a donc au cours de ses entretiens avec le n° 1 congolais accepté que des troupes de ses forces armées puissent intégrer la brigade d’intervention rapide constituée par les Nations-Unies pour soutenir les FARDC.
Selon toute vraisemblance, Nairobi sera ce que fut Harare pour Kinshasa au plus fort de la tristement célèbre «1ère guerre mondiale africaine» sous Mzee Laurent-Désiré Kabila.
Au terme de la visite d’Etat à Kinshasa de Uhuru Kenyatta, Félix-Antoine Tshisekedi et son hôte ont ainsi signé quatre accords-cadres de coopération couvrant les secteurs sécuritaire et de la défense, économique et en matière de transport maritime.
Deux accords bilatéraux concernant la sécurité et la défense prévoient des mécanismes particuliers de coopération entre Nairobi et Kinshasa dans les domaines de la lutte contre le terrorisme, l’immigration, la cybersécurité et le contrôle des douanes et des frontières, rapporte un communiqué de la présidence kényane.
Objectif visé : permettre aux deux Etats de tirer profit de leurs échanges commerciaux, longtemps perturbés par la chienlit sécuritaire côté congolais.
Pour l’ambassadeur du Kenya en RDC Masafu, «pendant de nombreuses années, le commerce entre le Kenya et la RDC a été insignifiant. La raison étant que la RDC était en guerre. Il n’était pas sûr de faire des affaires ici. Depuis 2014, nous (les entreprises kényanes) une entrée dans ce pays et tenons à accroître les exportations vers le plus vaste pays d’Afrique Centrale».
Les secteurs économiques visés par les accords sont l’agriculture, l’éducation, la santé, les sports, le tourisme, l’environnement, les PME, le logement, l’énergie et le développement des infrastructures.
On notera particulièrement que l’accord actualisé sur le fret maritime vise le repositionnement du port de Mombassa en tant que principale porte d’entrée de l’Est de la RDC en rationalisant la gestion du fret de transit du pays, renseigne encore la presse présidentielle kenyane.
En attendant d’en savoir davantage sur les détails concrets du projet des deux dirigeants pour enrayer l’insécurité à l’Est de la RDC, l’axe Nairobi-Kinshasa apparaît comme une stratégie novatrice et crédible.
LE MAXIMUM