A malin, malin et demi, c’est le moins que l’on puisse dire au sujet de Willy Bakonga, ministre sortant de l’Enseignement primaire, secondaire et technique qui, invité à se présenter devant le procureur général près la Cour de cassation, avait sollicité et obtenu un délai de 48 heures, a été cueilli à Brazzaville dans la nuit de mardi 20 avril par les services d’intélligence alors qu’il avait déjà embarqué dans le vol d’Air France à destination de Paris. On comprend que le délai sollicité par son avocat participait des manœuvres dilatoires dans le but de le soustraire de la justice selon un plan d’exfiltration préalablement établi mais qui a mal tourné.
En effet, convoqué vendredi 16 avril au parquet près la Cour de cassation afin d’être entendu sur des faits de détournement de fonds alloués à la gratuité de l’enseignement de base qui lui sont reprochés, Willy Bakonga, par son avocat interposé, avait demandé de s’y présenter 48 heures plus tard pour des raisons de santé. Déjà samedi 17 avril, certains médias avaient eu vent de la cavale du ministre sortant de l’EPST pendant que dans l’opinion, certains criaient à la violation de ses immunités pour faire diversion.
Ancien secrétaire général adjoint du PPRD, Willy Bakonga avait été élu député national dans la circonscription de Boende (Tshuapa) avant de remporter l’élection sénatoriale dans le même fief électoral.
Nommé ministre de l’EPST dans le gouvernement Ilunga Ilunkamba, il avait fait l’objet de plusieurs critiques faisant état d’un conflit d’intérêt pour ce promoteur réputé des écoles privées Madame de Sévigné. D’aucuns craignaient à l’époque qu’il ne soit juge et partie dans la mise en oeuvre de la gratuité de l’enseignement compte tenu de sa double casquette de promoteur d’établissements scolaires privés et de ministre de tutelle.
Une année et demie plus tard, l’histoire semble leur donner raison.
Dès la mise en œuvre du programme, le président de la République avait tenu à ce que tous les enseignants soient mécanisés afin d’être pris en charge par l’Etat. L’agrément des écoles viables faisait aussi partie de ce programme dans le cadre d’un maillage national de l’alphabétisation. Cependant, certains syndicats d’enseignants ont vite décelé des magouilles et autres tripatouillages des listes dans le but de justifer le détournement de fonds alloués à cette fin.
Après la clameur publique qui s’en est suivie et à la suite de l’enquête de l’inspecteur général des finances, un procès public retransmis à la télévision nationale a été intenté contre les principaux collaborateurs de Bakonga. L’inspecteur général de l’enseignement et le directeur national du SECOPE ont été condamnés à 20 ans de prison chacun, mais les soupçons de détournement de déniers publics pour lesquels ils ont été jugés continuaient de peser le ministre Bakonga, considéré comme le cerveau moteur de cette maffia. Protégé par des immunités liées à son rang de membre du gouvernement, Willy Bakonga ne pouvait être traduit en justice qu’après autorisation du bureau de l’Assemblée nationale. Sa convocation par le procureur général près la Cour de cassation, juge naturel des membres du gouvernement, ne peut qu’avoir respecté la procédure en la matière.
Dos au mur, Willy Bakonga ne pouvait que subir la rigueur de la loi comme ses deux principaux complices déjà écroués. En choisissant de s’extraire de la justice avec un butin de 2.000.000 USD, l’ancien patron de l’EPST croyait se la couler douce sous d’autres cieux au détriment des enseignants, et des élèves principaux destinataires du pactole qu’il avait décidé de garder par devers lui.
JB