La manipulation de l’émotion collective par médias interposés est remise au goût du jour de l’actualité politique en Afrique francophone. Au Sénégal, pays respecté pour la maturité de sa culture démocratique, la rue a eu le dernier mot pour départager le pouvoir incarné par le président Macky Sall et son principal opposant Ousmane Sonko autour d’une bien curieuse plainte pour viol et menaces de mort imputé à ce dernier par Adji Sarr, une masseuse d’un salon de massage réputé de Dakar.
Si au Sénégal la masseuse professionnelle semble étrangement bien entourée par des avocats de renom et précieusement protégée pour “des raisons de sécurité” chaque fois qu’elle se livre à des déclarations médiatiques bien préparées, en RDC, le voile est finalement tombé sur les accusateurs de l’homme d’affaires israélien Dan Gertler et la banque camerounaise Afriland First Bank dont le bras de fer dure depuis près d’une année.
Navy Malela et Koko Glody, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, étaient des informaticiens engagés au service d’audit de la branche congolaise Afriland First Bank. Début 2020, ils avaient quitté volontairement le pays avec femmes et enfants pour la France sans en avoir au préalable informé leur employeur qui continuait à leur verser leurs rémunérations mensuelles avant de constater leur absence prolongée et inexpliquée. Alors que la banque cherchait vainement ses deux employés à Kinshasa, les ONG britannique Global Witness et française Plateforme de Protection des Lanceurs d’alertes en Afrique Francophone (PLAAF) annonçaient dans les médias globaux à forte résonnance africaine la publication d’un rapport accablant contre l’homme d’affaires israélien Dan Gertler, réputé proche de l’ancien président Joseph Kabila, accusé d’avoir contourné les sanctions américaines qui le visaient grâce à un vaste réseau de blanchiment d’argent via la filiale congolaise d’Afriland First Bank.
On se perdait en conjectures pour comprendre comment les deux employés congolais avaient réussi à s’installer en France avec leurs familles avant que Global Witness et PPLAAF ne revendiquent leur collaboration en les qualifiant de lanceurs d’alertes alors qu’ils auraient pu afficher sans crainte leur “héroïsme” en RDC même où Joseph Kabila, présenté comme le protecteur de Gertler avait déjà quitté le pouvoir depuis fin 2018 et que Félix Tshisekedi, son successeur ne faisait pas mystère de sa volonté de “déboulonner” le système lui légué par son prédécesseur.
Plus d’une année après l’alternance intervenue à Kinshasa, Navy Malela et son compère Grady Koko disposaient de suffisamment de garanties aussi bien professionnelles, sécuritaires que politiques pour donner libre cours à leur vocation revendiquée de lanceurs d’alertes. D’autant plus qu’au sein même d’Afriland First Bank, il existe un mécanisme de protection des lanceurs d’alertes qui ont le loisir de saisir directement le conseil d’administration de la banque.
Au cas où ils avaient des doutes sur la probité de leur propre employeur, Malela et Koko avaient la possibilité d’en référer à la Banque Centrale du Congo (BCC) dont la mission est de réguler le système bancaire congolais et réprimer toute tentative de blanchiment d’argent. Une troisième possibilité aurait été de saisir la Cellule nationale de renseignements financiers (CENAREF) qui est montée en puissance depuis l’avènement de Félix Tshisekedi à la tête de l’Etat. D’autres structures comme l’Agence nationale de renseignements (ANR), mieux le ministère public à travers les services du nouveau procureur général de la République près la Cour de Cassation étaient également à la portée de deux informaticiens redresseurs de torts. Au-delà de toutes ces structures publiques, il existe en RDC pas moins d’une certaine d’ONG internationales et nationales qui ont fait depuis des lustres de la lutte contre la corruption et le blanchiment d’argent leur cheval de bataille. On est dès lors en droit de questionner la préférance de Navy Malela et Glody Koko pour Global Witness et PPLAAF.
Poser la question c’est y répondre. Le désamour entre le magnat israélien des mines Dan Gertler et certaines multinationales est ici de notoriété publique.
Tout s’est passé comme si les deux anciens employés d’Afriland First Bank ont été manipulés par des puissances financières diplomatiques et médiatiques tapies derrière les deux ONG qui leur ont fait miroiter un exil doré pour eux-mêmes et leurs familles dans l’Hexagone en échange de révélations sensationnelles susceptibles d’aider à éliminer Dan Gertler de la concurrence dans le très convoité secteur minier congolais.
La stratégie de la publication aux quatre vents des enquêtes à charge par des ONG internationales financées par des groupes d’intérêt politiquement motivés s’est avérée souvent payante dans la mesure où les personnes physiques ou morales mises en cause n’ont pas toujours bénéficié du principe élémentaire du contradictoire.
Il suffit généralement de publier un rapport infamant à grand renfort de publicité pour que le tour soit joué. Tel n’a pas été le cas cette fois-ci pour le rapport “les sanctions, mine de rien” de Global Witness et PPLAAF à charge de Gertler et Afriland First Bank qui ont compris que le temps de servir de victimes expiatoires à des ONG peu scrupuleuses qui servent de paravent à certaines multinationales gloutonnes était révolu. Dès la publication du rapport l’incriminant, Afriland First Bank avait déposé une plainte contre Global Witness et PPLAAF à la section financière du parquet de Paris le 1er juillet 2020. La banque estimait alors que les documents brandis par ses détracteurs avaient été «obtenus par vol et abus de confiance, chantage, corruption privée, violation du secret bancaire» et trafiqués dans le but de nuire. De son côté, Dan Gertler avait attaqué le rapport en justice à Paris en déposant le 02 octobre 2020, une plainte similaire à celle d’Afriland First Bank par son avocat Emmanuel Daoud du cabinet Vigo et représentant de la Fédération international des droits de l’homme.
Gertler avait pris cette initiative après avoir préalablement obtenu gain de cause le 31 juillet 2020 dans un verdict d’un tribunal de New Jersey (USA) en sa faveur face aux mêmes accusations de corruption et de blanchiment d’argent provenant des actionnaires de la multinationale suisse Glencore. Une autre affaire opposant le milliardaire israélien à ce géant suisse des matières premières est toujours en cours en Suisse où Dan Gertler est représenté par le ténor du barreau Marc Bonnant.
Comme on peut le voir, la méthode contradictoire utilisée par les victimes des deux ONG et de leurs affidés en Afrique pour obtenir justice est efficace. Poussés dans leurs derniers retranchements, Global Witness et PPLAAF ont fini par confesser leur complicité abjecte avec Malela et Koko. Les deux lanceurs d’alertes autoproclammés ont été obligés de sortir de leur tanière pour faire des déclarations compromettantes quant à leur collaboration avec Global Witness et PPLAAF, ce qui a permis à Afriland First Bank notamment d’enfoncer le clou en attaquant les deux ONG occidentales en justice devant les juridictions congolaises. La citation à comparaître a été annoncée par Me Éric Moutet le 25 février dernier à Kinshasa. Est ainsi pris qui croyait prendre.
JBD ET LE MAXIMUM