Kalev Mutond, ancien administrateur général de l’Agence nationale des renseignements (ANR) ne s’est pas présenté mardi 9 mars à la deuxième convocation du parquet général près la Cour d’appel de la Gombe. Dans une correspondance au procureur général près cette Cour, il a demandé que Robert Kumbu, le magistrat instructeur du dossier le concernant en soit déchargé pour avoir été naguère affecté par la Direction générale de migrations (DGM) à la commission des OPJ des services d’ordre, de sécurité et de défense qui siégeait à l’ANR chargée des faits qu’il instruit aujourd’hui.
Kalev y voit une preuve d’acharnement frisant un règlement de comptes contre lui. Il fonde sa requête sur l’article 17 de la constitution qui dispose que «nul ne peut être poursuivi, arrêté, détenu ou condamné qu’en vertu de la loi et dans les formes qu’elle prescrit».
Dans leur mémoire, ses avocats passent au crible les plaintes à charge de leur client et relèvent qu’aucun des plaignants n’avance des faits précis sur l’implication individuelle de l’ancien patron de l’ANR concernant les cas de tortures, enlèvements, traitements inhumains, empoisonnements ou tentatives d’assassinat dont il est question.
«Les services de l’Etat ne comptant pas que des saints dans leurs rangs, il est possible que des actes prohibés par la loi, aient été commis sur le terrain ou dans leurs bureaux respectifs, par des agents, cadres ou officiers de l’armée, de la PNC, de l’ANR ou de la DGM, dans l’exercice de leurs fonctions», affirment les hommes de loi qui exigent que les faits allégués contre leur client soient prouvés.
Des plaintes trompe-l’œil ?
Interpellé le 20 janvier 2015, d’après sa plainte datée du 25 janvier 2016 par la police, conjointement avec la garde républicaine à son domicile à Kinshasa-Ngaliema et présenté à la Commission des OPJ et des services d’ordre, de sécurité et de défense qui siégeaient alors dans un local de l’ANR, Me Jean-Claude Muyambo, un des plaignants dans cette affaire avait été présenté le même jour au parquet général de Kinshasa/Gombe, qui le plaça sous mandat d’arrêt provisoire (MAP) à la prison de Makala. Jugé et condamné aux 1er et 2e degrés, pour escroquerie, abus de confiance et stellionat, il s’était ensuite pourvu en cassation. Libéré en février 2019, il n’a jamais été, ni arrêté, ni auditionné, ni détenu par l’ANR, selon les avocats de Kalev qui font remarquer que Muyambo n’a nullement fait état dans sa plainte du 25 janvier 2016, de la «tentative d’assassinat» dont il parle en 2021, ce qui laisse croire que l’imagination prend sa part dans ses nouvelles allégations.
Ils attribuent à des influences politico-tribales la révélation par Me Muyambo sur Top Congo FM les 20 et 23 février 2021 au cours d’un entretien avec le journaliste Peter Tiani (émission ‘‘Questions publiques’’) diffusée sur YouTube, l’existence des «Plans A, B et C» destinés à faire arrêter «coûte que coûte» Kalev dont rien ne justifie une comparution en justice relativement à l’arrestation du juriste par la police et la garde républicaine sur ordre du parquet général de Kinshasa/Gombe.
Selon les avocats de Kalev, Joseph Kapepula Mulumba, un autre plaignant, avait été interpellé le 18 mars 2009 comme l’a confirmé Radio Okapi le 6 juin 2009 à 13h22 par la police et les services locaux de l’ANR à Lubumbashi dans les installations de la Société nationale des chemins de fer du Congo (SNCC). Mis à la disposition des responsables de l’ANR dans cette ville, ceux-ci l’ont transféré vers Kinshasa d’où il fut renvoyé vers Lubumbashi, faute de dossier le concernant au siège central de l’agence.
Sur base d’éléments fournis par la police et l’ANR locale, le parquet général de Lubumbashi, l’avait placé en détention à la prison de Kasapa. «Ici aussi, aucun acte précis n’est constitutif des infractions d’arrestation arbitraire, tortures physiques imputable individuellement à Kalev pouvant justifier sa comparution. Du reste, au moment de ces faits, en 2009, Kalev n’était pas administrateur général de l’ANR», précise un des avocats.
Troisième plaignant, Christopher Ngoyi, reproche dans sa plainte du 14 janvier 2021 au parquet général de Kinshasa/Matete, à Kalev de l’avoir fait interpeller le 21 janvier 2015 à Matonge (Kalamu) par «des hommes armés».
D’après son récit devant la commission des OPJ des services d’ordre, de sécurité et de défense, il a été transféré le 11 février 2015 audit parquet général qui ordonna sa détention à Makala sur pied du rapport de la police au ministre de l’Intérieur, en présence de la presse. Jugé aux 1er et 2e degrés pour atteinte à la sûreté de l’Etat, propagation de faux bruits, incitation à la haine tribale et raciale, incitation aux destructions méchantes, il s’était pourvu en cassation auprès de la Cour suprême de justice. Libéré en décembre 2016 en marge du dialogue politique, ce plaignant ne démontre pas qu’il a été arrêté par l’ANR.
Quant au député Gérard Mulumba (Gecoco) interpellé d’abord le 1er août 2016 par la DGM à l’aéroport de N’djili d’après Radio Okapi, puis le 10 novembre 2017 par la garde républicaine, selon CAS-INFO.CA, son dossier fut présenté devant les OPJ verbalisants qui l’avaient transféré au parquet général de Kinshasa/Gombe le 20 janvier 2018, lequel le plaça sous MAP à Makala. Jugé et condamné, il a été libéré le 3 janvier 2019 par le gouvernement avant d’être reconvoqué le 21 juillet 2020 au parquet général de Kinshasa/Matete. L’avocat précise que la plainte contre Kalev de Gecoco qui n’a jamais été arrêté par l’ANR demeure introuvable.
Pour le collectif des avocats de Kalev Mutond, «les plaignants ont été interpellés par des services autres que l’ANR à l’exception de Muyambo, Kapepula et Vano qui furent interrogés par des OPJ de la Commission des services d’ordre, de sécurité et de défense. Tous ont été présentés au parquet et la plupart ont vu leurs dossiers fixés devant les Cours et tribunaux qui les avaient condamnés. Les plaintes contre Kalev sont donc mal dirigées car il ne peut en répondre ni à titre individuel, ni au nom de l’État dont il fut un préposé».
Les avocats signalent en outre que la plupart de ces allégations indexent des services étatiques et sont supposées avoir été faites il y a plus de 5 ans sans avoir jamais donné lieu à une plainte ou dénonciation. Certaines procèdent de pures calomnies destinées à régler des comptes personnels. Aucun plaignant n’évoque un contact avec Kalev. Il revient aux intérressés soit de démontrer que les actes dont ils auraient été victimes ont été commis sur instruction personnelle de Kalev, ce qui est inconcevable vu la nature structurée et hiérarchisée de corps comme les FARDC, la PNC ou la DGM, soit de diriger leurs griefs contre les services concernés. Et les avocats d’ajouter que «la quasi-totalité de plaignants étant originaires de l’ex-Kasaï-Oriental, on a l’impression de se retrouver au cœur d’un complot de type communautaire contre Monsieur Kalev fondé sur la haine politique et tribale, ce qui expliquerait l’acharnement et les dénonciations calomnieuses, ainsi que les montages grotesques visant à l’anéantir par tous les moyens, y compris les plus vils».
A.M