Réagissant à l’alerte faisant état de la disparition de 400 militaires avec armes et munitions à Kamina (Haut-Lomami), le commandant de la base assure que ces soldats étaient plutôt en partance pour Tshikapa (Kasaï), en passant par Kananga (Kasaï central) mais qu’ils sont pour l’heure, dans le Katanga pour un plan ordonné par le chef de l’État. «Nous transportons officiellement les militaires de Kamina pour Tshikapa via Kananga. On ne peut pas parler de disparition à ce niveau dès lors qu’il s’agit d’un plan régulièrement ordonné par le commandant suprême», rassure l’officier.
Cette mise au point intervient après des bruits qui ont circulé sur les réseaux sociaux lundi 8 février, faisant état de la disparition de 400 militaires autrefois cantonnés à la base de Kamina.
Beaucoup dans la population ont craint qu’il s’agisse d’un malaise au sein de l’armée. A l’instar de Jean-Jacques Wondo, expert en matière de sécurité, faisant allusion au lancement des opérations de grande envergure à l’Est de la RDC qui se sont intensifiées en 2020. Pour lui, cette situation serait due au mécontentement des militaires vis-à-vis de leur situation sociale. «Nous avons assisté ces derniers temps à des tracts et autres manifestations des militaires alertant les autorités politiques sur la détérioration de leur situation. Ces militaires se sont plaints de l’absence de mise à disposition de toutes les unités des FARDC des frais de fonctionnement, des fonds techniques, des fonds de ménage, des fonds funéraires, rendant ainsi leurs unités incapables d’accomplir leurs missions sauf pour la GR, l’unité de protection présidentielle», croit-il savoir.
Des fissures internes
Face aux hypothèses relatives aux frustrations d’ordre social, Jean-Jacques Wondo fait remarquer que les FARDC sont aussi confrontées à des malaises d’ordre ethnico-régional. «A cette crise sociale se greffe une nouvelle crise militaire au relent politique d’une armée en proie aux fissures internes sur des considérations ethno-régionales feutrées. Cette armée, autrefois dominée par les réseaux Katangais, craint d’être reléguée à l’arrière-plan par les kasaïens et de subir «le déboulonnage» militaire à l’instar des animateurs politiques du FCC au sein des institutions de la République. À la différence que les Katangais à la tête des armées et des grandes unités peuvent encore compter sur certaines troupes constituées majoritairement de soldats qui peuvent leur manifester une certaine loyauté tribale», commente l’expert pour qui «il y a des divisions au sein de l’armée et plusieurs faits récents peuvent attester, notamment le fait que la hiérarchie militaire congolaise ait explicitement boudé le meeting militaire aérien solitaire de l’aviation angolaise avec les FARDC le 20 novembre dernier. Il y a aussi des tensions latentes entre l’état-major général de l’armée et la maison militaire du président qui tend à s’attribuer de plus en plus les prérogatives de l’Etat-major général des FARDC. On le constate par exemple lors des signatures de certains protocoles d’accord de coopération militaire avec des partenaires étrangers. On assiste à une sorte de dédoublement fonctionnel du commandement de l’armée qui risque de crisper certains esprits».
Jean-Jacques Wondo dit regretter que les autorités militaires recourent parfois malencontreusement à la Justice militaire pour dissuader et en intimider d’autres plutôt que de résoudre le malaise à la base alors qu’ils doivent s’en tenir à leur discipline.
Pour lui, la crainte est que cela risque de polariser la situation et d’entraîner d’autres mouvements généralisés de grande envergure qui seraient difficiles à contenir.
«Les autorités ne doivent pas sous-estimer ces menaces. Elles doivent prendre le taureau par les cornes. La seule réponse disciplinaire et répressive ne semble pas suffire à régler le malaise au sein de l’armée. Il faut y aller avec beaucoup de tact, surtout dans une période de crise politique incertaine», suggère-t-il.
JM