La nouvelle de l’arrestation à Paris lundi 4 janvier 2021 dans la soirée de Roger Lumbala, initiateur de l’actuelle ”Base de la République”, affiliée à l‘Union sacrée de la nation et cofondateur du RCD avant de devenir fondateur du RCD-N, puis ministre sous le régime 1+4 et député national en 2006, a fait l’effet d’une bombe à Kinshasa. Il était au coeur d’une information judiciaire qui a débouché sur son interpellation suivie de sa mise en examen.
On renseigne à ce propos que Louise Arbour, Haut-commissaire des Droits de l’homme des Nations Unies, avait sollicité et obtenu du président Joseph Kabila une autorisation pour des enquêtes qui furent réalisées à ce sujet.
Dans son communiqué de presse, le parquet national antiterroriste français souligne qu’«il s’agit de la première mise en examen prononcée dans le cadre d’une procédure judiciaire ouverte sur la base du rapport Mapping de l’Organisation des Nations Unies concernant les violations les plus graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises entre mars 1993 et juin 2003 sur le territoire de la RDC».
Auparavant, le même communiqué relève qu’«une information judiciaire a été ouverte samedi 2 janvier 2021 contre Tshitenge Roger Lumbala, ressortissant congolais, à l’issue d’une enquête préliminaire ouverte en décembre 2016 sous l’égide du pôle Crimes contre l’humanité, crimes et délits de guerre au parquet national antiterroriste (PNAT) et diligentée par l’Office Central de Lutte contre les Crimes contre l’Humanité et Délits de Guerre (OCLCH). L’intéressé a été mis en examen par le magistrat instructeur des chefs de complicité de crimes contre l’humanité et de participant à un gouvernement formé en vue de la préparation des crimes contre l’humanité. Il a été placé en détention provisoire».
Il est reproché à Lumbala des crimes commis entre juillet 2002 et janvier 2003 en Province Orientale, visant la population civile, auxquels il aurait participé en qualité de dirigeant du groupe armé RCD-N, dans le cadre de l’opération armée dite ‘Effacer le tableau’.
Ces crimes ont pris place durant la guerre civile qui a ensanglanté la RDC entre 1998 et 2003.
De ce communiqué, on peut retenir l’ouverture d’une enquête préliminaire en décembre 2016 par le PNAT et l’OCLCH. L’opération concernée est identifiée sous la dénomination «Effacer le tableau» à l’époque du RCD-N, entre 2002 et 2003; la mise en examen préliminaire ayant conduit à la détention provisoire de l’intéressé depuis le 2 janvier 2021, alors qu’il se trouvait sur le territoire français.
Rappelons que la dénomination «Effacer le tableau», selon Wikipédia, était le nom opérationnel d’un projet d’extermination systématique des pygmées Bambuti par les rebelles RCD-N, fait signalé dans un rapport de l’ONGDH Minority rightgroup international.
La vérité au point 3 du rapport mapping
Depuis l’annonce de la nouvelle, la toile déborde de déductions et de conclusions. Plusieurs internautes ne connaissant pas grand-chose du Rapport mapping se sont laissés abuser en se fondant sur une liste fabriquée.
L’histoire de ce rapport est pourtant connue grâce à Louise Arbour.
C’est depuis 2003 devant l’Assemblée générale de l’ONU que le président Joseph Kabila avait demandé qu’une Cour pénale internationale pour la RDC puisse enquêter sur les crimes répertoriés dans ce rapport. Suite à cette requête, le gouvernement congolais avait traîné quelques agresseurs devant la Cour Internationale de Justice qui avait rendu un jugement en décembre 2005 en ordonnant à l’Ouganda de payer des réparations pour environ 6 milliards USD à la RDC.
Les enquêtes et la publication du Rapport mapping avaient donc obtenu la caution du président Joseph Kabila.
Dans l’introduction de ce document au point 3, il est d’ailleurs spécifié que «le projet Mapping a été présenté au président Kabila par la haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme lors de sa visite à Kinshasa en mai 2007. En décembre 2007, le Conseil de sécurité des Nations Unies, dans sa résolution 1794, avait demandé aux autorités congolaises de soutenir pleinement le projet Mapping entrepris par le HCDH. Le 30 juin 2008, Louise Arbour avait écrit au président Kabila pour lui annoncer la venue imminente de l’équipe chargée de mener à bien le projet Mapping qui avait commencé officiellement le 17 juillet 2008 avec l’arrivée de son directeur à Kinshasa. Une vingtaine d’officiers des droits de l’homme ont été déployés sur l’ensemble du territoire de la RDC d’octobre 2008 à mai 2009 afin d’y recueillir des documents et témoignages permettant de répondre aux trois objectifs définis par le mandat. Le gouvernement congolais avait à plusieurs occasions exprimé son soutien à ce projet, notamment lors du discours en novembre 2008 du ministre des droits humains pendant la session extraordinaire du Conseil des droits de l’homme sur la situation des droits de l’homme dans l’Est de la RDC et au cours des différentes rencontres entre le directeur du projet Mapping et les Ministres de la justice et des droits humains».
A l’évidence, sans la caution du président Kabila, ce rapport n’aurait jamais existé pas plus qu’il n’aurait été publié. Ceux qui surfent sur les crimes commis entre 1993 (avec en exergue l’épuration ethnique des kasaïens résidant au Katanga alors Shaba) et 2003 (entre autres l’opération ‘‘Effacer le tableau”) n’auraient rien à se mettre sous la dent aujourd’hui.
Il appert donc clairement que Kabila ne s’est jamais opposé au rapport Mapping comme d’aucuns tentent de le faire croire.
Prof. Barnabé Kikaya Bin Karubi