Face à de nouvelles turbulences politiques, tout le monde attend que Joseph Kabila parle. Que va dire l’ancien président qui a dirigé le pays pendant 18 ans ?
L’attente risque d’être très longue. Peu disert comme à l’accoutumée pendant sa visite dans le Grand Katanga, JKK semble faire peur à tous les camps politiques y compris aux caciques de son FCC.
Alors que son successeur Félix Tshisekedi a multiplié ces dernières semaines discours martiaux et réunions avec la hiérarchie militaire pour s’assurer de la loyauté des hommes en uniforme, signe que le risque d’une confrontation n’est pas une simple vue de l’esprit, Kabila s’est emmuré dans un mutisme interrompu par les youyous des foules de Kolwezi, Likasi ou Lubumbashi où il passe les fêtes de fin d’année. «En dépit du renouvellement des serments de loyauté des FARDC à Félix Tshisekedi, Joseph Kabila semble toujours avoir la haute main sur cette armée au sein de laquelle il compte encore de nombreux fidèles», estime Patrick Mbeko.
On a eu une idée du niveau des tensions lorsque le général Christian Tshiwewe, chef de la garde républicaine a exhorté ses éléments à «ne pas comploter contre le pouvoir en participant à des réunions clandestines» et à «rester habités par la loyauté au chef de l’État».
Mise en garde à peine voilée de Kabila
Kabila n’a pourtant pas attendu que ses relations avec Tshisekedi prennent un tournant irréversible pour prendre date. Début novembre, il avait enclenché une offensive diplomatique en adressant une lettre aux chefs d’État de la SADC et au secrétaire général de l’ONU António Guterres pour dénoncer l’attitude du président congolais qui, selon lui, ne respecte pas l’accord de coalition conclu au lendemain du scrutin présidentiel de décembre 2018.
Dans cette correspondance, dont Jeune Afrique a dévoilé une partie du contenu, JKK rappelle les grandes lignes de cet accord et accuse son successeur d’avoir l’intention d’écarter le FCC du jeu politique avant de dénoncer «sa tendance de plus en plus prononcée à vouloir gouverner le pays, non pas sur base de la Constitution et des lois de la République, mais plutôt selon sa seule volonté».
Dans la même correspondance dont le ton reste modéré tout comme lors d’une réunion organisée avec ses partisans à Kingakati, il avait convoqué l’histoire en évoquant la crise politique survenue après l’indépendance en 1960 et qui avait conduit au coup d’État de Mobutu. «Nous assistons depuis plusieurs mois à des développements pouvant déboucher sur une crise institutionnelle grave, similaire à celle qu’a connu notre pays en 1960», avait-il souligné en substance.
Il a exhorté la SADC et les parrains de l’accord (Afrique du Sud, Kenya et Égypte), à ramener Tshisekedi à la raison pour éviter au Congo «une instabilité aux conséquences incalculables», reprend Jeune Afrique.
Tshisekedi en quête de soutien extérieur
Le renouvellement exigé de la loyauté des FARDC au chef de l’Etat suggère que la crise a gagné les rangs de la grande muette. Plusieurs éléments de cette armée restent attachés à son prédécesseur, lui-même issu de ce sérail, ce qui pourrait expliquer pourquoi il s’est rendu le 16 novembre en Angola afin de renforcer les relations militaires entre les deux pays. Un renforcement célébré le 20 novembre par un meeting aérien conjoint à Kinshasa «pour magnifier l’entente parfaite entre les deux forces aériennes sœurs», selon le général FARDC Léon Kasonga.
Depuis quelques semaines, les pays de la sous-région (SADC, CEEAC, CIRGL) tentent de réconcilier les deux parties. Le 24 novembre dernier, Stephen Kalonzo, émissaire du président Kenyatta, est venu à Kinshasa s’entretenir avec Tshisekedi et Kabila sur la crise. Trois jours plus tard, la même question a été examinée par un sommet de la troïka de la SADC en Namibie. Le 30 novembre, le secrétaire général de l’ONU António Guterres s’est dit préoccupé par la crise politique congolaise et a appelé «toutes les parties prenantes à résoudre leurs différends par le dialogue» avant de déléguer son adjoint Jean-Pierre La Croix auprès des deux protagonistes.
Si au FCC on ne jure que par cet accord, Tshisekedi a pour sa part creusé l’écart avec son ancien partenaire en annonçant la fin de la coalition CACH-FCC et la création de l’Union sacrée de la nation constituée essentiellement de débauchés du FCC qui lui ont permis de déchoir le bureau de l’Assemblée nationale présidé par la FCC Jeanine Mabunda. Pendant ce temps, Kabila observe et ne dit rien. L’incertitude plane.
A.M