Tribune de Mandack Katako, PDG de Booster life Sarl et fondateur de l’ONG Riposte numérique
Dès son arrivée à la présidence de la République, le chef de l’Etat Félix Tshisekedi a élaboré, avec la collaboration du géant américain Facebook LTD, un plan de numérisation de la RDC. C’est une deuxième tentative du genre après celle de l’e-gouvernement dans la feuille de route des ministres chargés des Postes téléphones et nouvelles technologies de l’information et de la communication, initiée à l’époque par son prédécesseur Joseph Kabila. Le plan national de numérisation de Tshisekedi qui a précédé le forum sur l’énergie tenu à Matadi (Kongo-Central), a révélé la ferme volonté du chef de l’Etat de réduire la fracture numérique en RDC.
Il est clair qu’en portant simultanément son attention sur le numérique et l’énergie, le président a fait preuve d’une heureuse vision quant à la meilleure manière d’anticiper sur la gestion de la pandémie à Covid-19 ainsi que sur la construction de l’économie de l’après confinement mondial sur fond de distanciation sociale et des mesures barrières.
La RDC est frappée de plein fouet en ce deuxième semestre de l’année 2020, comme le reste de la planète, par la crise économique survenue suite à cette pandémie.
La Covid-19 a conduit à la fermeture des frontières, des commerces, des écoles et universités pendant que les effectifs ont été réduits dans différentes institutions publiques congolaises pour éviter une contamination massive, ce qui a entraîné le ralentissement dans la mobilisation des recettes.
Les réflexes barrières se sont imposés, de même que le service minimum, toutes choses qui ont conduit à un ralentissement d’activités dans un pays qui avait besoin de faire tourner ses services à plein régime pour répondre au projet présidentiel de satisfaire au maximum les besoins prioritaires des Congolais.
La gratuité de l’enseignement, la réhabilitation des routes et des écoles, le désengorgement de la voirie de Kinshasa sont parmi les chantiers qui nécessitaient un engagement permanent des services de l’Etat, notamment dans la mobilisation des recettes publiques.
Covid-19 et dématérialisation des services publics
Le télétravail est ainsi devenu en RDC une réalité pour la plupart de travailleurs et des institutions qui sont obligés d’investir dans l’informatisation de leurs services et la dématérialisation de leurs cadres fonctionnels ainsi que dans la création d’un contenu numérique.
L’informatisation des services publics, l’e-gouvernement, les numériques étaient inscrits également dans la feuille de route des gouvernements sous le régime Kabila, confirmant aussi le cap du pays vers le numérique.
A ce jour, l’e-gouvernement en RDC n’est plus une option. C’est une obligation imposée par la politique de lutte contre la fracture numérique entre pays développés et en développement, que le patron de Microsoft, Bill Gates, dévoila en 2005, au 5ème Forum sur l’e-Gov à Issy-les-Moulineaux (France).
À une question que je lui avais posée alors, le patron de Microsoft avait confirmé que les multinationales du secteur comme la sienne participent à la lutte contre la fracture numérique à travers des donations aux agences des coopérations techniques et autre programme des Nations Unies, comme le PNUD, présents dans les pays en développement qui maîtrisent les réalités de terrain.
Dans une collaboration avec la coopération technique sud-coréenne «Koica», les opérateurs électroniques sud-coréens ont fourni à l’époque, un matériel d’interconnexion et des serveurs pour un test grandeur-nature, qui a permis d’interconnecter divers ministères et institutions, tout en développant un système de messageries électroniques.
Ce programme-test était parallèlement accompagné du déploiement d’un réseau national à fibre optique avec une connexion internationale au câble Wacs, au point d’atterrage de Moanda (Kongo-Central), avec plusieurs redondances dont celle de Brazzaville et de la Zambie.
Booster le débit nécessaire à l’effectivité de l’e-gouvernement en RDC, était devenu effectivement une affaire qui dépassait les frontières nationales.
Les institutions financières comme la BAD ou la Banque Mondiale ont mobilisé des moyens aux côtés de l’Etat congolais pour des projets à l’exemple du CAB 5 afin d’assurer un meilleur déploiement de la fibre optique, socle de l’e-Gouvernement, sur les 2.345.000 km2 de la RDC, un pays à reliefs. Au-delà de différents tests réalisés à cet effet, la Covid-19 devait permettre aux parties prenantes dans la matérialisation de l’e-Gouvernement de tirer les conclusions du test grandeur-nature, dû à la pandémie, afin de procéder d’urgence à l’exécution de l’ambition numérique du chef de l’Etat pour la RDC.
Du contenant au contenu
En prévision de l’informatisation des services publics ainsi que de la connexion de la RDC au câble international Wacs, le gouvernement Matata avait dans la feuille de route du ministère des PTNTIC, la construction d’un portail électronique du gouvernement devant servir de partie visible de l’iceberg «e-Gov» où chacun pouvait interagir avec les services publics de l’Etat. L’idée était de faire de ce portail électronique, la porte virtuelle de la RDC pour pouvoir rediriger les internautes vers différents services de l’Etat (habitat, éducation, état civile, santé etc.). Ce portail gouvernemental n’a pu se concrétiser faute d’une infrastructure et d’un contenu numérique propres.
La Covid-19 a été un stress-test sur la capacité de la RDC à devenir opérationnelle dans le confinement. Cela devrait permettre aujourd’hui au gouvernement de lever des options utiles à la matérialisation du plan numérique du chef de l’Etat.
Gouvernance électronique et mobilisation des recettes
La mobilisation des recettes est une équation à plusieurs inconnues sur la table des décideurs congolais.
Aujourd’hui plus que jamais, la RDC a besoin de mobiliser le maximum de recettes pour éviter à son économie de sombrer et le pays avec elle.
L’économie est plus que jamais une priorité en ces temps de vaches maigres. Plus d’imagination s’impose à ce sujet. Alors qu’Internet apporte plusieurs dizaines de milliards USD à des budgets nationaux comme ceux de l’Etat sud-africain et d’autres pays euro-américains, la RDC qui est officiellement connectée au câble international Wacs depuis 2012 continue à tergiverser autour de sa capacité à booster la région centrale de l’Afrique, grâce à sa position géostratégique au cœur du continent et à tirer avantage de ses 80 millions d’habitants qui constitue le plus grand marché de la sous-région. Lors d’une réunion de haut niveau organisée en Angola en marge du lancement du satellite angolais Angosat1, le ministre angolais des PTNTIC a déclaré que son pays avait investi plus de 300 millions USD dans la construction de son premier satellite dans l’espoir de «conquérir le marché congolais car cet investissement a besoin de la RDC».
En Californie, dans la silicone valley, au siège de Facebook comme à Minsk (Biélorussie), capitale européenne du numérique où nous accompagnions l’alors ministre de la Communication du gouvernement Matata, Lambert Mende Omalanga, le même intérêt pour le marché rd congolais a été exprimé avec insistance par nos hôtes pour qui notre pays est un réceptacle idéal pour des investissements numériques. Mais dépourvu de cadre légal pour promouvoir et encadrer le numérique qui booste aujourd’hui toutes les économies du monde, notre pays a continué à freiner ainsi sa croissance économique.
Le haut débit à travers les licences troisièmes, quatrième et aujourd’hui cinquième génération ne lui ont permis que d’être le relai des succès des autres. Le contenu congolais reste jusqu’à ce jour submergé par un débat politique haineux, superficiel, clivant, polémique et creux, devenu une sorte d’opium du peuple. L’e-médecine, l’e-enseignement, l’e-administration, l’e-commerce et leurs bénéfices ne sont encore qu’illusions pour la population.
Pendant que les nouvelles technologies de l’informations et de la communication boostent d’autres économies à travers le monde, la RDC se morfond dans des vieilles recettes éculées avec par exemple une douane réputée la plus chère du continent et ce, malgré un matraquage médiatique sur la prétendue maîtrise du cadre macro-économique sur des recettes que certains dirigeants dans les télécoms qui ne savaient ni identifier ni mobiliser correctement ne parviennent pas à faire bénéficier au Trésor public.
Vision du président et exigence de passer à l’acte
La RDC doit se doter d’une politique réadaptée qui fait notamment de l’exécution du plan numérique du chef de l’Etat, une priorité des priorités avec des séquences d’exécution claires, soutenues par des indices de performances dans un délai de matérialisation raisonnable.
Dans la vie d’une nation, tout n’est pas que politique. Le besoin simultané du président Félix Tshisekedi de prendre simultanément à bras le corps dès son avènement à la magistrature suprême la question du numérique et celle de l’énergie, démontre sa volonté de répondre aux besoins de ses compatriotes.
Plutôt que de nous desservir, la crise sanitaire constitue une opportunité et un élément détonateur de notre sursaut patriotique afin de redonner grâce au numérique, à la RDC, sa place de géant au cœur de l’Afrique.