L’Association congolaise pour l’accès à la justice dit avoir écrit au président de la République honoraire Joseph Kabila au sujet de ses émoluments. Cette ONG qui ne rate pas une occasion pour dire tout le mal qu’elle pense du quatrième président rd congolais lui aurait demandé de «prouver sa solidarité envers la misère du peuple en renonçant au trois quart de ses émoluments, droits et avantages financiers exorbitants qui scandalisent de par leurs nature et hauteur».
L’ACAJ se base notamment sur des documents largement relayés dans la presse qui allèguent que l’ancien président Joseph Kabila bénéficierait du Trésor public des indemnités évaluées à 680.000 USD par mois, compte non tenu de l’entretien de sa garde et des émoluments qui lui sont versés en sa qualité de sénateur à vie. «Nous rappelons que notre pays fait face à l’amenuisement de ressources du Trésor public. Il peine à consolider notamment la gratuité de l’enseignement de base, les grands chantiers sociaux en rapport avec l’eau, l’électricité et l’habitat. Il est inadmissible que le Parlement, représentation du peuple par excellence, de surcroit autorité budgétaire, donne l’impression de se rendre complice de l’enrichissement illicite, scandaleux et injustifié de quelques citoyens au détriment du plus grand nombre», écrit Georges Kapiamba, le président d’ACAJ.
Kapiamba revient également sur le caractère «inique et discriminatoire» de la loi n° 18/021, du 26 juillet 2018, portant statut des anciens présidents de la République élus et fixant les avantages accordés aux anciens chefs de corps constitués. Il a aussi saisi les députés et les sénateurs pour que ces derniers s’impliquent. «Il est moralement inacceptable que les rémunérations, droits et avantages exorbitants accordés à certains compatriotes soient justifiés par le simple fait qu’ils ont exercé certaines fonctions d’Etat. Malheureusement, les décideurs politiques envoient par-là un message comme quoi il faudrait nécessairement ‘‘faire de la politique’’ pour prétendre bénéficier d’une rente viagère sans commune mesure avec le niveau de vie de la majorité de Congolais», estime-t-il.
D’autres pourfendeurs de Kabila comme Noël Tshiani, candidat malheureux à la dernière présidentielle plaident dans le même sens pour que les élus nationaux revoient à la baisse les indemnités de l’ancien président de la RDC. Les services administratifs du ministère du Budget que nous avons approchés ont communiqué la semaine dernière sur le dossier relatif à la pension spéciale du président de la République honoraire. Selon cette source, à part un décaissement effectué au mois de février 2019, quelques jours après la fin de son mandat, Joseph Kabila n’a jamais perçu un montant de 680.000 USD. «Les 680.000 USD qui ont été payés en février 2019 représentaient les indemnités de sortie pour lui-même et tous les membres des services de la présidence qui avaient travaillé sous ses ordres, soit 6 mois de rémunérations pour chacun», explique-t-elle.
«Depuis lors, l’ex-président Kabila perçoit mensuellement 284.000 USD pour lui-même et tous ses services», ajoute la source qui brandit à l’appui de ces paiements le Décret n°18/037 du 24 novembre 2018 déterminant les modalités d’octroi des honneurs et des avantages complémentaires aux anciens présidents de la République élus.
Conformément à l’article 4 de ce décret, tout ancien président de la République élu « bénéficie, à charge du trésor public, des avantages complémentaires ci-après :
1) Une indemnité mensuelle estimée à 30% des émoluments du Président de la République en fonction ;
2) Une habitation décente fournie par l’Etat ou une indemnité mensuelle de logement estimée à l’équivalent de 20.000 USD en Francs Congolais ;
3) Un passeport diplomatique pour lui-même, son conjoint et ses enfants mineurs ;
4) Un titre de voyage par an en business class, sur le réseau international pour lui même, son conjoint et ses enfants mineurs ;
5) Cinq véhicules pour usage personnel et domestique, renouvelables deux fois tous les cinq ans ;
6) Un service de sécurité doté de moyens logistiques appropriés comprenant l’équivalent de 30% des gardes du corps d’un Chef d’Etat en fonction, les éléments de sa suite et la section chargée de la garde de sa résidence ;
7) Un personnel domestique dont le nombre équivalent à 30% des personnes commises au service du Chef de l’Etat en fonction;
8) Des locaux faisant office de bureaux pour lui-même et pour son secrétariat dont le nombre ne peut dépasser 30% du personnel du Chef de l’Etat en fonction;
9) Une dotation mensuelle de carburant de 1.000 litres.
Le Secrétaire général du gouvernement est chargé de la mise en œuvre des dispositions de l’alinéa précédent».
Sauf à faire croire que le secrétariat général du gouvernement serait devenu un service attaché au cabinet du président de la République, cette dernière incise constitue un démenti cinglant aux allégations répandues sur la toile par le conseiller principal en charge des questions économiques de la présidence Marcellin Bilomba selon lesquelles ce sont les indemnités dues au président honoraire Joseph Kabila qui plomberaient le budget des dépenses de la présidence.
Quant au chiffre ‘‘fatidique’’ de 680.000 USD par mois qui est brandi dans divers réseaux sociaux comme représentant lesdites indemnités, il ne serait, selon les explications ci-dessus, que la sommation des montants dûs à Joseph Kabila et à tous les membres de son ancien cabinet présidentiel au titre d’indemnités de sortie.
Ainsi que le fait observer avec pertinence notre excellente consœur Elysée Odia, «si l’ancien président touche 30% des indemnités et émoluments du président actuel, la seule chose à faire serait peut-être de demander à l’actuel chef de l’Etat de réduire sa propre rémunération pour que cela puisse impacter directement les indemnités dues à son prédécesseur car dans ce domaine, le sort de l’ancien dépend de l’actuel».
Qui dit mieux ?
L.M.