Le Maximum (LM): Bonjour Henri Kalama Akulez et merci de répondre à nos questions. La 7ème édition du FICKIN s’est tenue du 10 au 14 novembre sur votre site universitair. En tant que parrain, quel sentiment cet événement culturel vous a-t-il inspiré ?
Henri Kalama Akulez (HKA) : J’ai partagé ce privilège parrain de la 7ème édition du FICKIN avec un estimé grand-frère, le président Jean-Claude Eale. Parrainer, c’est accepter une charge, c’est accompagner. Le cinéma est un excellent moyen pour définir un peuple. C’est un miroir. J’ai accepté cette charge pour donner de ma personne en termes de conseils et de moyens modestes. Il y a certes beaucoup de personnes qui ont énormément d’expérience et de moyens et qui pourraient faire mieux que nous au cours des prochaines éditions. Il fallait faire le premier pas.
LM : Quel bilan dressez-vous de cette édition ?
HKA : En 2019 lors de la 6ème édition, j’ai présidé un jury. Je peux vous dire qu’il y a une grande amélioration en termes de couleurs, de communication, de la production cinématographique, d’engouement (…). Je crois que le festival est en train de prendre corps. Je peux déjà espérer que la 8ème édition sera meilleure que celle-ci. Je suis assez satisfait d’avoir vu des familles entières accourir à l’Académie des Beaux-Arts pour ne pas rater la projection d’un film, parce qu’elles se disent qu’il y a des choses qu’elles ne verront jamais à la télévision, des films inédits, c’est une fierté .
LM : Selon vous, que représente une telle activité pour Kinshasa et la RDC ?
HKA : C’est une activité culturelle pour Kinshasa et pour la RDC. La culture, on ne le dira jamais assez, c’est un capital. Autant que le commerce, il faut savoir le fructifier, il faut multiplier les activités culturelles, les espaces d’expressions. FICKIN démontre que les Congolais veulent du cinéma. Ils suscitent des vocations, on y retrouve des jeunes qui veulent devenir réalisateurs, acteurs, producteurs des films. C’est en organisant des festivals comme ceux-ci que l’on peut reconnaître, honorer, récompenser tous ceux qui ont travaillé durement, avec honnêteté, dignité et fierté dans ce secteur depuis de longues années. Ces personnes doivent se sentir valorisées parce que leur métier est reconnu. C’est un grand festival qui mérite de bénéficier d’un soutien de l’Etat.
LM : Dans votre discours d’ouverture, vous avez dit que bien que des difficultés demeurent, j’émets le vœu de voir cette initiative connaître un grand succès. A quoi pensiez-vous ?
HKA : Je ne parlerai pas en termes de difficultés. Souvent lorsque les gens parlent des difficultés, ils font principalement allusion aux finances. Je pense plutôt qu’en termes de défis, il faudrait qu’il y ait beaucoup de partenaires, des sponsors, des médias, des personnes qui acceptent d’accompagner ce festival. Si les organisateurs doivent faire déplacer 20 cinéastes, ils doivent aussi payer leurs billets d’avion, les loger dans des conditions décentes. Et si des moyens sont mis ensemble, en termes de finances ou de couverture médiatique, cela va faire que chaque année, ce festival puisse grandir en impact et en crédibilité.
LM : Vous avez également appelé à l’implication de « tous les amis de la culture ». Quel devrait être leur apport ?
HKA : C’est très simple. Pour accueillir ce festival, c’est un site qui est mis à disposition. Cela suppose des moyens. Mais puisque que c’est un jeune festival qui pas assez de budget pour acquérir des espaces, il faut que des partenaires tels que l’Académie des Beaux-arts l’accueillent gratuitement, que d’autres comme l’Institut Français de Kinshasa pourvoient en plus de la sonorisation, l’écran ou tout autre moyen. Que tous ceux qui sont capables d’apporter des moyens financiers puissent le faire. J’appelle à une synergie.
LM : En dehors du FICKIN, quels autres défis entourent le secteur de l’art et de la culture en RDC ?
HKA : Le premier défi, c’est de parvenir à réconcilier l’homme congolais avec lui-même, avec la manière dont il se perçoit. Malcom X a dit « (…) Qui vous a appris à détester ce que Dieu a fait de vous ? » Nous devons pouvoir nous définir par nous-mêmes. Dire que nous sommes un grand peuple, que le plus important n’est pas de savoir qui nous étions ou qui nous sommes mais plutôt qui nous voulons devenir. Parce que le futur nous appartient. Le défi culturel passe par là. Autrefois, ceux qui évoluaient dans le secteur du cinéma étaient perçus comme venant d’une autre planète. Cette perception a changé au fil des ans mais il y a encore un travail pédagogique à faire.
LM : Que devrait faire le gouvernement congolais pour promouvoir concrètement l’art et la culture en RDC ?
HKA : Je suis la continuité du gouvernement parce que je suis mandataire de l’Etat. A ma manière, je fais ma part. Peut-être qu’ils (les cinéastes NDLR) devraient aussi aller voir différents ministères selon les charges qui leurs sont confiées, les intéresser pour qu’ils les soutiennent. Je pense que c’est un problème de perception. Il y a des gens qui ont des moyens mais qui ne savent pas pourquoi ils devraient investir dans le cinéma. Les conseillers et experts doivent jouer ce rôle auprès de chaque autorité. Au Nigéria par exemple, il y a des personnes qui ont fait le premier pas et les autres ont suivi.
LM : Un dernier mot ?
HKA : Je voudrais féliciter les organisateurs de ce festival qui sont jeunes. J’ai beaucoup d’admiration pour eux parce qu’ils auraient pu faire autre chose. Être artiste, c’est consacrer beaucoup de temps et d’énergie pour créer. Mais dépasser le niveau de la création, devenir administrateur, organiser un évènement pour faire vivre son secteur, c’est plus un engagement citoyen. Voilà pourquoi j’ai accepté de les accompagner. Je souhaite bon vent à cette aventure qui un jour
deviendra une rencontre incontournable dans la sous-région. Qu’à travers cette rencontre, on découvre à la TV des films diffusés pour la première fois au FICKIN, qu’il devienne aussi un marché, à l’instar de FESNACO où les gens viendront vendre leurs films.
Propos recueillis par HO