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Drôle de gouvernance politique
En prenant date, il y aura bien un périlleux après consultation. La cohésion nationale en sera très probablement la première victime. Lorsqu’un président de la République entreprend en plein jour de rechercher à renverser la majorité parlementaire fraîchement issue des mêmes élections qui l’ont porté à la tête du pays par des voies non-démocratiques il dévoile simplement son intention d’opposer les Congolais les uns contre les autres.
Qui ne connaît pas Gabriel Kyungu wa Kumwanza dont l’évocation du nom donne froid au dos aux rescapés de l’épisode de l’épuration ethnique des kasaïens dans l’ex-Katanga ? Qui a oublié le gourou central kongolais Ne Mwanda Nsemi et son discours séparatiste assaisonné d’une traînée du sang de plusieurs innocents tués uniquement parce qu’ils avaient le malheur de vivre au Kongo-Central sans être ressortissants de son ethnie Ne Kongo ?
Associer à ce beau monde des antikabila primaires, comme Bahati Lukwebo, Moïse Katumbi, Mbusa Nyamwisi etc., il y a de quoi craindre pour l’avenir de la République Démocratique du Congo, dont l’histoire semble bagayer par le fait de la volonté du président Tshisekedi d’exercer un pouvoir absolu à l’image du dictateur Mobutu que son défunt avait pourtant combattu toute sa vie.
Au delà des péripéties et soubresauts des années qui ont suivi l’indépendance de la RDC, l’histoire nous rappelle que le 15 août 1992, le Dr. Étienne Tshisekedi Wa Mulumba (paix à son âme) fut plébiscité Premier Ministre par la Conférence nationale souveraine pour codiriger la transition avec Mobutu qui venait de « prendre congé » de son MPR parti-État. Voyant le sol se dérober sous ses pieds, le dictateur va vite se sentir à l’étroit, le Premier Ministre élu par la CNS disposant de tous les pouvoirs en mains pour conduire la politique de la nation, l’Union sacrée de l’opposition contrôlant la majorité à la CNS. C’est Gabriel Kyungu Wa Kumwanza avec son mentor Ngunz a Karl i Bond qui vont suggérer au Maréchal Mobutu de fragiliser le Premier Ministre Etienne Tshisekedi en persécutant les kasaïens, frères ethniques du Premier Ministre, qui avaient choisi de vivre en très grand nombre sur le sol katangais après la faillite de Miba de Mbuji Mayi. La suite avec son cortège des violations massives des Droits humains au détriment des pauvres kasaïens que Kyungu appelaient les ‘’bilulu’’.
Yezu Kitenge, aujourd’hui proche conseiller du président Félix Antoine Tshisekedi, fut pour sa part l’un des stratèges les plus actifs de l’aréopage mobutiste pendant les années noires entre 1990 et 1997.
Plus loin dans le temps, plus précisément en 1959, le Congo-Brazzaville avait connu ses premières émeutes ethniques sanglantes au lendemain des élections générales. En cause, le renversement artificiel de la majorité lorsqu’une poignée d’élus corrompus traversèrent la rue au grand dam de leurs électeurs dont la réaction eut entre autres conséquences de déstabiliser politiquement le pays. En 1992, l’histoire politique du Congo-Brazzaville va se répéter. Le président Pascal Lissouba, élu massivement et démocratiquement grâce au soutien politique de Denis Sassou Nguesso, a perdu, juste un mois après les élections générales, la majorité à l’Assemblée nationale par suite de renversement d’alliance par le fait de la coalition du camp politique de Denis Sassou Nguesso avec celui de Bernard Kolela, l’adversaire du président élu au scrutin de 1992. Il s’en est suivi une guerre ethnique dévastatrice qui s’est ravivée en juin 1997 et a vu le président Lissouba chassé du pouvoir par les armes.
La morale de toutes ces histoires, c’est que « Les mêmes causes engendrent invariablement les mêmes effets ». Tous les RD congolais épris de paix et de bon sens s’inquiètent de l’issu des manœuvres politiciennes manifestement improvisées sous le coup de l’émotion et de la passion par le président Félix Tshisekedi et qui, objectivement ne se justifient pas à l’heure actuelle, car la priorité de la gouvernance politique à mi-mandat se situe dans les réformes touchant particulièrement le secteur économique, social, sécuritaire et judiciaire et leur mise en œuvre effectives visant la lutte contre la pauvreté et les antivaleurs.
Le chef de l’Etat ne doit pas prêter l’oreille aux vendeurs d’illusions qui lui font croire qu’il peut aujourd’hui exercer un pouvoir totalitaire à la Mobutu. Seul un dialogue franc en interne entre les sages de la coalition FCC-CACH issue des élections de décembre 2018 est de nature à concorder avec l’intérêt supérieur de la Nation. Un tel dialogue, résultant de l’architectonie constitutionnelle (cohabitation ou coalition entre majorité présidentielle et majorité parlementaire) est la voie obligatoire pour décanter la crise que d’aucun qualifie, à tort ou à raison, d’artificielle créé par un président érigé en arbitre par la Loi fondamentale mais qui semble avoir renoncé à ce rôle noble pour se jeter lui-même dans la mêlée pour faire plaisir à un quarteron de flatteurs nationaux et étrangers qui n’ont aucun bilan à présenter à l’Histoire.
Daniel Makila