«Fraus omnia corrumpit (la fraude corrompt et annule tout)», ont coutume de dire les juristes. Le putsch de mardi par des députés frondeurs qui s’alignent tantôt à 17, tantôt à 26,voire à 27 lorsqu’ils ne sont pas à 22 est un coup d’épée dans l’eau, destiné à défenestrer coûte que coûte le Dr. Anatole Matusila du perchoir de l’Assemblée provinciale du Kongo-Central. C’est une entorse à la loi car, selon l’article 16 de la loi portant principes fondamentaux relatifs à la libre administration des provinces et le règlement intérieur de cet organe délibérant (article 30), les prérogatives d’ouverture solennelle de cette Assemblée ne sont dévolues qu’à son seul président. Il en est de même de celles de convoquer ses pairs aux plénières et de présider celles-ci; de prononcer l’ouverture, la suspension, la reprise ou la clôture des séances. En cas d’absence ou d’empêchement, c’est au vice-président que l’article 31 de ce règlement intérieur confère cette responsabilité.
Certaines sources à Matadi signalent que le complot contre Matusila a été rendu possible par la corruption et les ambitions de certains suppléants qui craignaient d’être mis en chômage forcé. Car au terme de cette ouverture solennelle, la tradition parlementaire prévoit que le Bureau se réunisse, détermine la date de la convocation de la conférence des présidents pour élaborer le calendrier des travaux de la session à soumettre à la plénière pour adoption après d’éventuels amendements (point 8 du règlement intérieur).
Le coup de force réalisé par Jean-Claude Mvuemba s’explique par le fait que plusieurs élus provinciaux n’ont aucune maîtrise des textes de lois qui régissent leur organe. La plupart d’entre eux auraient été recrutés à coup de billets verts comme des moutons de Panurge menés à l’abattoir au gré des vents, après une longue période de diète forcée. C’est la même stratégie qui a plongé la province du Sankuru dans l’impasse actuelle où toute une population est obligée de subir le cynisme d’une bande d’apprentis-sorciers qui estiment n’avoir de comptes à rendre à personne. L’on peut dès lors croire que ce qui s’est passé à Matadi et dont des tabloïds stipendiés font leurs choux gras est un non événement.
C’est peut être une bataille de gagnée mais pas forcément la guerre. Car, comme l’enseigne la légende de ce disciple d’Hyppocrate, le phénix a toujours la capacité de rennaître de ses cendres même lorsqu’on s’y attend le moins.
Comme dans la triste affaire de l’assassinat du député provincial Albert Nsimba dont le corps gît toujours à la morgue de Kinkanda sans que ses collègues ne s’en émeuvent outre mesure, on s’en fout et on s’en gausse, tant ne comptent que les dividendes sonnantes et trébuchantes. Dieu seul sait d’où serait partie l’arme assassine! On s’apercevra plus tôt qu’on ne le pense qu’en démocratie, des chaînes médiatiques périphériques même ayant pignon sur rue dont on fait un instrument de propagande ne peuvent prendre le pas sur le souverain primaire.
Jean-Claude Vuemba qui a joué, toute honte bue, le rôle de porte-parole du gouverneur déchu Atou Matubuana, oublie un peu vite que le diable se cache souvent dans les détails. A l’entendre sur les ondes de nos confrères de RFI, c’est la questeure Loriane Nzolani qui se serait chargée de «faire sauter les verrous». Ce qui reflète non seulement l’ignorance crasse des règles élémentaires de fonctionnement d’une Assemblée délibérante mais aussi relève d’un aveu de forfaiture qui ne restera certainement pas impuni.
Que des députés provinciaux accèdent ainsi par effraction à leur hémicycle sous la présidence d’une questeure est une véritable pantalonnade que personne de sensé ne peut accepter. Cela se passe de commentaires. On sait par ailleurs que parmi les putschistes frondeurs de Matadi, se trouvaient notamment 2 députés irréguliers (Mme Pauline Mvibudulu Kulutikisa et M. Serge Kuebena Ntanda) ainsi qu’un intrus qui a ostensiblement siégé sans titre ni qualité, au fameux bureau de fortune présidé par … la questeure.
Tout ce mic-mac trahit une fraude mal ficellée à laquelle des instances judiciaires dignes de ce nom ne pourront que réserver la fin qu’il mérite. Sauf si la RDC est devenue une République bananière.
A.M