La République Démocratique du Congo est
un des rares pays au monde où l’on ne parle que des élections même
en dehors de celles-ci lorsque des questions relatives au développement, à l’émergence ou à la sécurité devraient en
principe être considérées comme primordiales.
Avant même que la répartition des responsabilités suite aux résultats des
élections générales du 30 décembre 2018 ne se termine, on parlait déjà
à Kinshasa avec passion des scrutins de 2023. Pas pour évoquer leur prise
en charge ni leur planification.
Dans beaucoup de pays africains, on se gausse de la rhétorique flamboyante des acteurs politiques et sociaux congolais qui se caractérisent par une inclinaison à parler à tout bout de champ des élections comme élément fondamental
de la vie publique. «Nos frères congolais parlent souvent bruyamment et
avec force gesticulations des élections sans nécessairement proposer des
perspectives d’actions»,
fait observer un diplomate africain en poste à Kinshasa qui compare
cette attitude au pragmatisme qui caractérise les populations des pays
anglo-swahiliphones de la région sur les problèmes les plus sensibles
comme l’organisation ou la dispensation du pouvoir.
En effet, dans la grande partie de ces Etats africains, que le président soit élu au suffrage universel direct ou indirect n’est nullement perçu comme un élément déterminant incontournable de la véritable démocratie ou du développement au point de tenir en haleine la nation toute
entière pendant des mois, voire des années. Bien des Congolais en
visite en Afrique Australe
et de l’Est, en sont souvent réduits à bailler aux corneilles lorsque leurs
Interminables palabres électorales hôtes ne leur font pas la gentillesse d’orienter
la conversation sur des sujets légers comme la musique et le football.
Rien ne semble avoir changé après l’alternance aussi inattendue qu’exemplaire intervenue au sommet de l’Etat fin décembre 2018. Deux ans après cette exception congolaise due à la volonté politique de Joseph Kabila, le 4ème président rd congolais, près de la
moitié du quinquennat de son successeur Fé-lix Tshisekedi, semble n’avoir été utilisé par les élites que pour se lancer dans des jérémiades passionnées autour des
scrutins à venir sans que cela n’ébranle les bonnes consciences au sein de la
classe politique nationale. Des personnalités repré-sentatives de différentes couches de la nation surgissent en 2020 seulement pour ressasser les recommandations de la
Commission électorale nationale indépendante (CENI) ou celles de la
Conférence épiscopale nationale du Congo
(CENCO) de 2019 au sujet des élections.
Comment expliquer qu’un symposium de la
société civile de 2020 ne se limite qu’à reprendre «expressis verbis» les
conclusions de la commission Justice et Paix, Sauvegarde de la Création
de l’Eglise du Christ au Congo (ECC) de 2019 ? Ou qu’en 2020, des partis politiques ayant pignon sur rue tiennent
des matinées politiques haut en couleur pour redire mot à mot ce que
le Front commun pour le Congo (FCC), l’AETA ou la SYMOCEL avaient
déjà dit en 2019 ?Une université belge s’est même improvisée à Kinshasa pour organiser un ‘‘dialogue politique’’
autour de choses déjà entendues ci et là.
Les confessions religieuses, toutes tendances confondues, fières de leur
emprise sur les masses n’ont eu de cesse de prêcher plus les élections
favorables à leurs clients respectifs que l’évangile au risque de créer des
crises internes dans plusieurs d’entre elles et au sein de la communauté
nationale.Il faut remonter à 2003
pour élucider cette agitation généralisée autour des réformes électorales
notamment celles relatives à la loi organique de la CENI et à la loi électorale qui ne sont pourtant pas les premières que
ce pays ait connu.
Des réformes autour de
ces deux lois il y en a eu respectivement en 2010, 2011, 2013 et 2017. Mais elles ne semblent avoir rencontré aucun de leurs
objectifs (création des conditions pour des
élections apaisées et renforcement de la paix).
Ceci étant dit, il faut avancer au lieu de reculer ou de faire du sur place.
C’est une interpellation pour les institutions de la République, particulièrement le parlement qui doit prendre à bras le
corps sa responsabilité de remettre les lampions sur l’itinéraire qui conduira
le pays vers de bonnes élections élections.
La loi électorale définit Le cycle électoral comme la période pendant laquelle se déroulent de manière ininterrompue
les activités préélectorales, électorales et post-électorales pour les scrutins locaux, municipaux, urbains, provinciaux,
législatifs et présidentiel sur la base d’un
même fichier électoral. Le calendrier électoral est un ensemble d’activités devant aboutir à la tenue des élections.
Sans confondre ces deux concepts, on peut estimer que le calendrier électoral est la traduction programmatique du cycle électoral. A un cycle électoral correspond un calendrier électoral qui en détermine l’organisation des activités en fonction des agrégats électoraux.
La question qui mérite d’être posée est celle de savoir quand il
faut élaborer le calendrier électoral. Depuis 2003, la RDC a connu 3 cycles électoraux.
– Pour le cycle électoral 2003-2007 concernant les élections présidentielle (1er tour) et législatives nationales
tenues le 30 juillet 006, le calendrier électoral a été publié le 30 mars
2006, soit 4 mois avant les scrutins ;
– Pour le cycle électoral 2007-2013 qui a culminé avec les scrutins du 28 novembre 2011, le calendrier électoral a
été publié le 6 octobre 2010, soit 7 mois auparavant ;
– Pour le cycle électoral 2013-2019, la pré-
sidentiell et les législatives provinciales et
nationales ont eu lieu le 30décembre 2018
après publication du calendrier électoral le
5novembre 2017, soit
14 mois. Au-delà des questions
liées au positionnement des parties prenantes au sein de la CENI, devenues
leur seule préoccupation, celles-ci devraient se faire un point d’honneur
à débattre avec la même ardeur sur des questions relatives au réalisme du calendrier électoral et
au moment idéal pour l’élaborer afin d’éviter les dangereux glissements comme en 2016.
Aussi bien les parties
prenantes au processusus électoral que les
organismes de gestion des élections devraient faire un effort de dépassement de leurs intérêts particuliers et s’accorder
pour que le calendrier électoral, véritable outil
de gestion du processus
démocratique, soit élaboré au début de chaque
cycle électoral pour en
faire un instrument
exclusif de campagne
électorale comme c’est
le cas à l’heure actuelle.
Le calendrier électoral
devrait couvrir toutes
les 8 phases du cycle
électoral y compris les
dates de l’évaluation de
chaque cycle électoral et
la durée des réformes
électorales, activités
toujours omises dans
les calendriers des 3
derniers cycles électoraux (2003-2019).
Cette pratique est compatible avec l’approche
cycle électoral qui
s’oppose à une gestion segmentaire liant
les différentes parties
prenantes face à leurs
obligations respectives.
Élaborer un calendrier
électoral à l’approche
du jour des scrutins
est en réalité une
autre forme de fraude
électorale. Seule l’évaluation de la mise en
œuvre du calendrier
électoral pourrait dicter ses ajustements.
Les parties prenantes
au processus électoral
congolais sont appelées à faire preuve
de plus de pragmatisme en s’abstenant
de la rage vindicative
grandiloquente qui
caractérise souvent
leur rhétorique.
Il ne faut pas que par
leurs élucubrations
faisant du contrôle
qu’elles peuvent avoir
sur le processus électoral une question de vie
ou de mort ils donnent
à penser que pour gagner une élection il faut
impérativement avoir
le contrôle de la CENI.
Cette façon de voir fait
oublier aux Congolais
que les élections se
préparent sur le terrain
auprès des électeurs
et non en fonction de
la présence d’un ami
complaisant ou d’un
corrompu à la centrale
électorale. De nombreux caciques des
formations politiques
en ont été pour leurs
frais aux élections de
2018, tant à la présidentielle qu’aux législatives.
D’où la nécessité de
prévoir des mécanismes de contrôle
aussi décentralisés que
possible ainsi que des
sanctions pénales devant frapper tout agent
électoral indélicat. Ces
mécanismes contribueront à dédramatiser les interminables
chicaneries autour
de l’identité et des
chapelles politiques,
communautaires ou
confessionnelles des
animateurs de la CENI
qui empoisonnent le
débat politique en RDC.
JEAN CHRYSOSTOME
VAHAMWITI
AVEC LE MAXIMUM